Le 24 et 25 septembre 2025, à la Seine Musicale, Laurence Equilbey et Insula orchestra interprètent l’ouverture de Die Loreley et le concerto pour clarinette et alto de Max Bruch. Pour la cinquième symphonie de Ludwig van Beethoven Insula orchestra est rejoint par un nouveau venu, l’orchestre Insula camerata.
La cinquième symphonie de Beethoven! Pour inaugurer la saison 2025- 2026 d’Insula orchestra, Laurence Equilbey a choisi un des emblèmes de la musique classique. Nous allons l’entendre avec un double orchestre, comme cela arrivait à l’époque de Beethoven. La cheffe nous présente la formation orchestrale Insula camerata. La camerata fiorentina était au 16ème siècle un cénacle réunissant des musiciens, des poètes, des savants florentins. Insula camerata est une académie d’insertion professionnelle. Trente-deux jeunes instrumentistes en début de carrière, de douze nationalités différentes, ont été sélectionnés pour deux ans. Dans un souci de transmission, ils se produiront avec leurs aînés, dans des concerts en double orchestre, mais aussi de façon autonome. Avec en ligne de mire 2027 : pour le bicentenaire de la mort de Beethoven est prévu un enregistrement de ses principales symphonies par les deux formations réunies.
Les jeunes et les plus expérimentés : si le concert de ce soir associe des musiciens d’âge différents, il allie aussi des œuvres célèbres à d’autres plus inédites. Max Bruch (1838-1920) est surtout connu pour son concerto n°1 pour violon, mais il nous laisse près de 200 œuvres. Ce soir nous entendons d’abord une œuvre de jeunesse, l’ouverture de Die Loreley, son premier opéra. Après quelques représentations, il va disparaître du répertoire jusqu’en 1984, l’opéra étant joué à Oberhausen puis à Londres en 1986. Le concerto pour clarinette et alto est une œuvre tardive, dédicacée à son fils, clarinettiste professionnel. Max Bruch avait alors 73 ans passés. Tombé dans l’oubli il ne rejoindra le répertoire que dans les années 1980. Il est interprété par deux solistes de renommée internationale, le clarinettiste Pierre Guenisson et l’altiste Miguel da Silva. Ce dernier joue sur un alto crémonais de Nicola Bergonzi datant de 1796. L’orchestre utilise aussi des instruments d’époque.
Le concert débute par la brève ouverture de Die Loreley de Max Bruch. La musique est à la fois grandiose et langoureuse. L’auditeur peut imaginer le chant séducteur de la sirène sur son rocher, confrontée à la puissance du fleuve.
Bruch a composé le concerto pour clarinette et alto en 1911 mais il reste dans un pur style romantique. C’est une œuvre touchante, intimiste qui ne cherche pas la virtuosité, mais à témoigner de l’amour d’un père pour son fils. Le thème du premier mouvement s’inspire d’une chanson populaire scandinave. Très mélodieux, il est d’abord exposé par l’alto puis par la clarinette. Cette alliance des deux solistes est une réussite, lorsqu’ils jouent ensemble ils paraissent ne faire qu’un. Le son de la clarinette de Pierre
Guenisson est incroyable, par sa douceur , sa suavité, sa clarté lorsqu’il se détache de l’orchestre. Dans le deuxième mouvement les pizzicati des cordes mettent en valeur le duo de la clarinette et de l’alto qui nous offre une tendre romance. Changement d’ambiance dans l’allegro final : il débute par une fanfare des trompettes bientôt relayée par les timbales et les cordes. Le rythme est vif, joyeux et le concerto se termine dans un regain de vitalité et d’énergie.
A propos des quatre premières mesures de sa 5ème symphonie, Beethoven aurait évoqué « le destin qui frappe à la porte ». Ce motif initial célèbre, cette épigraphe de la symphonie, pourraient aussi évoquer la volonté humaine vouée à combattre et vaincre un destin contraire. Si 1808 est l’année de la création de la 5ème symphonie, elle est aussi marquée par une nouvelle occupation de Vienne par les troupes napoléoniennes. Ce thème se répète inlassablement pendant tout le premier mouvement, « ce phare » en faveur de la liberté. Un mouvement très contrasté, les accents et accords impétueux alternent avec des moments mélodieux comme si le compositeur proclamait à la fois son combat et son amour pour la liberté. Laurence Equilbey interprète la symphonie avec fougue, énergie et le double orchestre assure un volume sonore inaccoutumé.
La richesse de l’orchestration justifie toute notre attention. L’auditeur remarquera, dans l’andante, la beauté du thème exposé par les violoncelles et les flûtes. Le troisième mouvement est un scherzo étonnant, mystérieux, inquiétant, en particulier lors des solos des contrebasses. Un moment impressionnant et de toute beauté comme l’est le duo des cordes pincées et des flûtes. Ce scherzo conduit à l’allegro final, nous passons de do mineur à do majeur, la musique devient triomphale. Le rythme de l’orchestre s’accélère, les coups d’archets à l’unisson sont spectaculaires tout comme la puissance de cet orchestre dédoublé. Beethoven célèbre le combat victorieux de l’homme libre face aux épreuves, face au destin.
Une surprise attend le spectateur. Le concert s’achève avec en bis la 5ème Danse hongroise de Brahms. De quoi insuffler à cette nouvelle saison joie et dynamisme.
Visuel © : JMC