Larkin Poe a fait exploser son country-blues-rock le 24 octobre à la salle Pleyel devant un public comblé

Une relève bien assurée

Il y a eu des pionnières qui ont ouvert la voie dans ce milieu très masculin comme Bonnie Raitt et Nancy Wilson, prouvant que les femmes guitaristes de blues rock pouvaient apporter un souffle neuf. Aujourd’hui, elles sont nombreuses à exceller, mais les sœurs Lovell se distinguent par leur alchimie fusionnelle, née de leur enfance partagée. Leur secret ? Une sincérité totale, dans la musique comme dans la relation avec leurs fans. Résultat : partout où elles passent, le public accourt.
Après le départ de leur sœur aînée de leur groupe folk, Megan et Rebecca, alors âgées de 19 et 17 ans, décident de continuer l’aventure sous le nom de Larkin Poe, clin d’œil à leur trisaïeul, cousin de l’écrivain Edgar Allan Poe. Huit albums plus tard, leur style s’est affiné et enrichi, au point qu’il devient réducteur de les enfermer dans une case : blues, country, rock… elles ont désormais leur propre griffe, une signature à la croisée des chemins. Leur dernier opus, Bloom, qu’elles sont venues défendre à Paris et qu’elles ont coproduit avec Tyler Bryant, mari de Rebecca, en est la parfaite incarnation.
« Bloom parle de se retrouver au milieu du tumulte du monde et d’accepter pleinement les imperfections et les particularités qui nous rendent authentiques. » explique Rebecca.
Mais comme leurs glorieux aînés, du Allman Brothers Band à ZZ Top, Larkin Poe donne sa pleine mesure sur scène.

Larkin Poe : là où le rock prend feu

Pas étonnant, donc, que le concert à la salle Pleyel affiche complet. Lorsqu’elles entrent sur scène, décor floral en hommage à Bloom, la salle frémit déjà. Et le show démarre tambour battant avec « Nowhere Fast » : un riff de guitare signé Rebecca, distordu à la Billy Gibbons. À leurs côtés, Tarka Layman (basse), Ben Satterlee (batterie) et Lucas Pettee (claviers) assurent une rythmique infernale. Mais c’est la voix de Rebecca, à la fois puissante et fluide, qui cloue littéralement les spectateurs sur place.
Megan, elle, assure les chœurs et manie la lap steel avec une virtuosité désarmante. Cet instrument à plat, joué avec une steel bar, donne à la musique du duo un son unique et immédiatement reconnaissable.
Rebecca promet « une super soirée », et on la croit sans hésiter. Le groupe enchaîne avec « Mockingbird », au parfum plus country, preuve éclatante de l’osmose entre les deux sœurs, aussi fusionnelles que peuvent l’être… les frères Gallagher (plaisanterie comprise). Les paroles ajoutent une touche d’émotion : « Mockingbird est une réflexion douce sur le voyage perpétuel de la réalisation de soi… »

Avec « Easy Love Pt. 1 », Rebecca s’amuse du contraste entre la tour Eiffel de Paris (Texas) et la « vraie », avant de créer la surprise : juste avant « If God is a Woman », elle confie avoir accouché il y a dix semaines, et que son bébé est en tournée avec elle. Vu son énergie bondissante sur scène, personne ne l’aurait deviné.
Le concert s’installe ensuite dans une douce routine avant de bifurquer : Rebecca annonce un détour par le Kentucky où est né le bluegrass. Tout le groupe se rassemble autour d’un micro Neumann, façon sessions radio vintage d’O’Brother. Petite panne de son ? Pas de panique : Rebecca garde le sourire et lance une reprise improvisée de « Wicked Games » de Chris Isaak, accompagnée par le public. Grand moment!
Une fois la technique revenue à la raison, le groupe livre une version acoustique de « Southern Comfort » encore meilleure que celle de l’album Blood Harmony. Puis « Little Bit » se fait passer à la moulinette bluegrass, telle qu’on la retrouve dans le disque bonus de Bloom.
Megan, jusque-là discrète, prend la parole avec émotion pour expliquer que « Mad as a Hatter » rend hommage à leur grand-père atteint de schizophrénie. Un moment suspendu, poignant !

Le set s’achève sur « Devil Music », un gospel inédit qui salue les géants du rock. Cette séquence bluegrass, magistrale, montre à quel point le groupe nage avec aisance dans tous les styles. Mention spéciale à Rebecca, capable de passer de la guitare à la mandoline, puis au banjo, avec une virtuosité désarmante.
Retour ensuite à l’électricité : les sœurs rendent hommage à Ozzy Osbourne avec une reprise décoiffante de « War Dogs », où Megan déploie toute la magie de sa lap steel.
Le concert file à la vitesse du diable et s’achève sur « Bloom Again », superbe conclusion à ce voyage musical.

Rock authentique, loin des paillettes

Les sœurs Lovell signent d’excellents albums (Bloom en est la preuve éclatante) mais c’est sur scène qu’elles révèlent toute la profondeur de leur art. Leur simplicité, leur authenticité et le respect sincère qu’elles portent à leur public donnent à leurs performances une intensité rare.
À l’heure des stars jetables et artificielles, Megan et Rebecca Lovell, qui jouent et tournent ensemble depuis près de vingt ans, rappellent ce que sont la vraie passion, le travail acharné et l’amour de la musique.