Sur le papier, cela aurait dû être magique. En partenariat avec le Printemps de Bourges, le Festival invitait un concert hommage à Oum Kalthoum dans la cour d’honneur du palais des Papes intitulé La Voix des femmes. Mais la tentative d’une modernisation aussi vaine que feinte du répertoire de l’Astre d’Orient ne prend pas.
Oum Kalthoum est morte il y a 50 ans et son aura reste intacte. Il est donc difficile, encore aujourd’hui, d’arriver à atteindre sa présence scénique faite d’heures d’improvisations et sa voix profonde. Faire rentrer l’idée même de cette chanteuse dans un concert rangé est un grand défi. Pour y arriver, Zeid Hamdan a réuni autour de lui un beau casting : Abdullah Miniawy, Camelia Jordana, Danyl, Maryam Saleh, Natacha Atlas, Rouhnaa et Souad Massi. Pour comprendre, Zeid Hamdan est le David Krakauer du monde oriental. Il est célèbre pour ses réorchestrations de grands classiques arabes. Il était donc la bonne personne pour s’attaquer à LA voix.
Scéniquement, il oppose les anciens et modernes, comme si les cordes et le oud étaient des instruments du passé. D’un côté les claviers, écran et batterie et de l’autre ce qu’il reste, réduit à quatre hommes, d’un orchestre symphonique oublié dans l’Égypte du XXe siècle. Dès les premières notes, la batterie d’Uriel Barthélémi, sonorisée avec force, dénote dans la Cour. Elle écrase de loin le violon, sans parler du luth libanais, qui est quasi muet. Et pourtant, les envolées des cordes sont au cœur de l’identité de cette diva qui aurait sans doute adoré l’idée qu’on rape sur elle, surtout avec le talent monstre du Franco-Algérien Danyl ou que l’on danse le voguing comme le fait ce garçon malheureusement planqué en fond de scène. On aurait adoré être emporté par une envolée de musique électronique, mais cela n’arrive pas. Et ce, malgré les arrangements déments du malaxeur de sons prolixe qu’est Zeid Ramdan.
Le spectacle est sauvé par les divas, les vraies, notamment Camelia Jordana impériale en longue robe fourreau et délivrant un « Enta Omri » tout chargé d’amour et d’attente. On aurait aimé aussi que Souad Massi ne se limite pas à une seule chanson. Sa version superbe de « Hob Eih » nous laisse sur notre faim. Et puis il y a Natasha Atlas, icône parmi les icônes qui elle nous chante les amours impossibles, les rêves qui se transforment en cauchemars. Pourtant, scénographiquement, il y a de bonnes idées. On retrouve cette tendance forte, vu chez Anne Teresa de Keersmaeker comme chez Ali Charour de donner les paroles à lire avant de les entendre. Cela est très chouette, car on entre de cette façon dans la part de drama de la reine. Mais la transe d’Oum Kalthoum est restée bien rangée avec elle au Caire. Le projet manque de cohérence et se perd dans une diversité de proposition qui parfois sonne faux. Malgré les efforts des divas, le concert se clôt sans aucun rappel.
Le 14 juillet à 22h à la Cour d’honneur du palais des Papes.
Le Festival d’Avignon se tient jusqu’au 26 juillet. Retrouvez tous nos articles dans le dossier de la rédaction.
Visuel : © Mathieu Foucher