A la Seine Musicale, le 23 janvier 2025, l’Insula orchestra, sous la direction d’Andrea Marcon, interprète des symphonies de Joseph Martin Kraus et de Carl Philipp Emanuel Bach ainsi que la première symphonie de Ludwig van Beethoven.
Le concert de ce soir est consacré au classicisme allemand. Les œuvres proposées ont toutes été écrites entre 1775 et 1800, une période décisive dans l’histoire de la musique. Le programme illustre habilement, à travers ces trois compositeurs, les prémices de l’orchestre moderne et de la symphonie romantique. Andrea Marcon est organiste, claveciniste, chef d’orchestre spécialisé dans le répertoire baroque. Le chef italien dirige Insula orchestra avec bienveillance, énergie, précision.
Joseph Martin Kraus ( 1756-1792) est l’exact contemporain de Mozart. Ce compositeur allemand prolifique fera une grande partie de sa carrière à la cour de Suède mais beaucoup de ses œuvres seront perdues. Haydn l’appréciait beaucoup et dira à propos de sa symphonie en ut mineur, « qu’elle sera considérée comme un chef d’œuvre par les siècles futurs ». Écrite en 1783, elle ne comporte que trois mouvements mais reste classique par la prédominance des cordes. C’est une œuvre très personnelle en particulier lors du début du premier mouvement. Les complaintes des cordes, lentes et mélodieuses sont entrecoupées par les brutaux accents des violons puis des bassons et des cors. L’andante aussi est original. Après un solo des deux hautbois survient un instant quasi silencieux, seul le murmure des cordes remplit ce moment mystérieux, avant la reprise de cette musique élégante, paisible.
Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788), le second fils de Jean Sébastien Bach, fut un musicien reconnu, célèbre de son vivant. La sensibilité et l’originalité de sa musique ont séduit ses contemporains. Nous écoutons deux de ses courtes symphonies, ne durant qu’un peu plus de dix minutes chacune. La symphonie en mi bémol majeur reste d’inspiration baroque, en particulier dans le très rythmé prestissimo initial. L’auditeur pourra retrouver la plénitude et la grandeur de la musique de son père. Cette symphonie est aussi originale par le beau dialogue qui s’installe entre la flûte et les hautbois d’une part et les cordes d’autre part. Mais C. P. E. Bach savait aussi faire preuve d’audace. Sa symphonie en ré majeur est étonnante par sa modernité, par son intensité dramatique. Le début surprend l’auditeur par des notes stridentes, telles des cris douloureux suivis d’une impressionnante montée chromatique. Pendant le largo, le chant de la flûte accompagné des cordes en pizzicatos réalise un tableau intimiste, sensible, émouvant. Il contraste avec l’éclat du presto final, d’une grande vélocité mais entrecoupé de passages lents, comme autant d’interrogations.
Lorsque en 1800 Beethoven a crée sa première symphonie, il a déjà trente ans et reste très influencé par Haydn et Mozart. Nous sommes à l’apogée du classicisme mais le génie du maître de la symphonie apparaît déjà. La rupture vers le romantisme aura lieu quelques années plus tard avec la troisième, l’Héroïque. Les timbales et les trompettes rejoignent la scène. Avec Beethoven la puissance de l’orchestre symphonique est démultipliée. Ces curieuses trompettes, curvilignes sont, selon la tradition d’Insula orchestra, des instruments d’époque. Avec un accord initial spectaculaire, les amorces répétées du thème par les violons, les accents vigoureux de l’orchestre, le premier mouvement en do majeur annonce les traits caractéristiques de la musique symphonique de Beethoven. L’andante cantabile con moto est lui un bel hommage à Mozart. Un mouvement lent de toute beauté. Le compositeur s’était inspiré de la 40ème symphonie de Mozart. Le troisième mouvement révèle la puissance et la virtuosité de l’orchestre. Lors du final la musique joyeuse, presque festive est interrompue par des accents véhéments, donnant à cet allegro molto et vivace une atmosphère romantique. Déjà…
Insula Orchestra nous a proposé un programme très cohérent, qui est un peu un livre ouvert sur l’histoire de la symphonie. Il s’agissait, pour certaines, d’œuvres relativement peu connues. Elles sont toutes mises en valeur par la sensibilité et le sens des nuances d’Andréa Marcon et d’Insula orchestra.
Visuel(c) : JMC