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La clôture féerique des « Nouveaux Horizons » à Aix-en-Provence

par Hannah Starman
19.11.2023

La quatrième édition du festival Nouveaux Horizons, créé par le violoniste Renaud Capuçon et l’altiste Gérard Caussé en 2020, se termine avec le dernier concert ce 12 novembre au Conservatoire Darius Milhaud à Aix-en-Provence. Pendant trois jours, ce festival entièrement gratuit et consacré à la création musicale rassemble la nouvelle génération de compositrices et compositeurs autour de jeunes musiciens lors de trois concerts qui juxtaposent créations mondiales et œuvres du répertoire.

Trio pour piano, violon et violoncelle op. 120 de Gabriel Fauré

Le troisième et dernier concert dans le cadre du festival Nouveaux horizons débute avec le ravissant Trio pour piano, violon et violoncelle en ré mineur de Gabriel Fauré. Achevée en février 1923, cette œuvre d’une durée d’exécution de dix-huit minutes est créée le 12 mai 1923, le jour des 78 ans du compositeur, à la Société nationale de musique à Paris avec Tatiana de Sanzévitch au piano, Robert Krettly au violon et Patte au violoncelle. Œuvre majeure de musique de chambre, le Trio pour piano est empreint de l’incomparable langage personnel de Gabriel Fauré et marqué par la liberté formelle et le lyrisme gracieux qui caractérisent ses œuvres de maturité. Quasi sourd et âgé de 77 ans, Fauré écrit le deuxième mouvement, l’Andantino, le mouvement élégiaque et ample, dans la Villa Dunant à Annecy-le-Vieux et achève le premier et le troisième mouvement à Paris.

 

La violoniste Irène Duval, le violoncelliste Maxime Quennesson et le pianiste Guillaume Bellom interprètent cette œuvre tardive aux contours ciselés en maintenant un très bel équilibre entre le piano et les cordes. Le Trio combine une texture transparente et des thèmes fluides, évoquant ainsi les clapotis de l’eau et qui prennent une tournure légèrement différente à chaque retour de vaguelettes qui se heurtent contre les bords de la jetée. Les mélodies émergent des motifs rythmiques qui forment des séquences, ainsi que des mosaïques de petits fragments qui entrent en dialogue les uns avec les autres. Les instruments portent, chacun à leur tour, les thèmes et leur donnent ainsi une couleur différente. Les cordes dominent le premier thème, tandis que le piano introduit le second.

 

 

Le duo Duval – Quennesson est particulièrement poignant dans l’Andantino où l’ambiance nostalgique s’intensifie dans un son dépouillé et inquiétant que la talentueuse violoniste franco-coréenne, Irène Duval, sculpte avec un lyrisme subtil et intense. Le piano, qui accompagne le violoncelle et le violon dans les premiers mouvements, se déploie dans toute sa splendeur dans le finale. Guillaume Bellom y interrompt la mélodie lente et articulée avec une intervention éblouissante. Opposant les cordes qui cherchent à dompter ses élans en ralentissant, il se lance dans un rythme joyeux et effréné. Bellom exécute le passage avec une gaieté et dans une ambiance de complicité lumineuse avec Irène Duval et Maxime Quennesson. Leurs instruments semblent fusionner dans un son richement texturé, sans pour autant perdre leurs couleurs et leurs lignes mélodiques propres. Une exécution débordante de finesse et de contraste entre la noirceur nostalgique et l’éclat d’une vitalité impétueuse qui animent cette saisissante avant-dernière œuvre de Gabriel Fauré.

 

Muter pour deux violoncelles de Sasha J. Blondeau

Le travail du compositeur français Sasha J. Blondeau s’inscrit dans l’interaction entre l’écriture instrumentale et électroacoustique de l’espace entre les deux. Né le 26 mai 1986, Blondeau commence ses études de piano et de saxophone et poursuit ses études d’analyse et de composition à Lyon où il intègre le Conservatoire en 2007. Dix ans plus tard, il obtient son doctorat de composition et travaille sur Antescofo, un logiciel de suivi de partition et de synchronisation musicale qui permet une interaction fluide entre ordinateurs et instrumentalistes sur scène. Passionné par les sciences humaines et le théâtre, Sasha Blondau est auteur d’une trentaine de compositions. Il travaille avec l’Ensemble Intercontemporain, Les Percussions de Strasbourg, l’ensemble Court-Circuit, etc. et reçoit des commandes de Radio France, de l’Ircam, du Ministère de la Culture, entre autres. En 2023, Sasha Blondeau écrit sa première œuvre pour formation symphonique, Cortèges, créé par le danseur et chanteur François Chaignaud et l’Orchestre de Paris pour festival ManiFeste de l’Ircam.

 

 

Muter pour deux violoncelles est la première pièce d’un nouveau cycle, intitulé Devenir mutant-es. La composition « se concentre sur le concept de mutation dans ses diverses manifestations » et s’inspire de l’épistémologie de la pionnière du cyberféminisme, Donna Haraway, qui prône l’altérité comme une revendication d’une identité déstabilisé, provisoire et relative. Dans la brochure qui accompagne le programme, Blondeau décrit Muter pour deux violoncelles comme une trajectoire de recherche qui lui permet « d’interroger les conditions de possibilité, les raisons de la production, de la nécessité voire de l’inéluctabilité d’une mutation. » Techniquement, la composition explore également l’étonnante capacité sonore du violoncelle. Les cordes de l’instrument sont pincées, distendues, frottées ou frappées, afin de produire des sons qui font penser tour à tour à un combat de sumo sous l’eau, à une invasion de sauterelles ou encore au bruitage d’un film d’épouvante dystopique. Au cours de ces diverses « mutations », pour reprendre le vocabulaire cher au compositeur, les violoncellistes Maxime Quennesson et Ivan Karizna ont traduit « la logique diffractée de l’identité et de la différence » avec beaucoup de réflexion, de sensibilité et de prouesse technique.

 

Quintette avec piano de Frank Martin

 

Le concert se poursuit avec le Quintette pour piano, deux violons, alto et violoncelle du compositeur suisse Frank Martin. Rarement jouée, cette œuvre d’une durée de vingt-trois minutes, dédicacée à Odette Micheli, la première épouse du compositeur, a été créée le 13 octobre 1921 à Zurich par Boer Quartet avec Martin Frank au piano.

 

Né à Genève, le 15 septembre 1890, dixième et dernier enfant du pasteur calviniste Charles Martin, Frank Martin s’initie au piano enfant et compose des chants complets à 9 ans, sans la moindre instruction musicale préalable. Il sera bouleversé par la Passion selon Saint Matthieu de J-S Bach qu’il entend à l’âge de 12 ans et qui le marquera à vie. Peu enclins à soutenir ses ambitions musicales, les parents Martin orientent leur petit dernier vers les sciences. Frank Martin étudie ainsi les mathématiques et la physique à l’université de Genève et se forme secrètement au piano et à la composition avec Joseph Lauber, compositeur et chef d’orchestre au Grand Théâtre de Genève. Au cours de différents voyages à travers l’Europe entre 1918 et 1926, il découvre les grands courants artistiques des années 1920 et à Paris, il approfindit ses recherches rythmiques en étudiant les musiques de l’Antiquité et de l’Extrême Orient.

 

 

De retour en Suisse, il est nommé professeur d’improvisation et plus tard, de composition au Conservatoire de Genève. En 1926, il fonde la Société de musique de chambre de Genève et dirige la structure en tant que pianiste et claveciniste pendant dix ans, avant de prendre la direction artistique du Technicum moderne de musique de 1933 et 1940. Il devient président de l’Association Suisse des musiciens de 1942 à 1946, l’année de son départ définitif aux Pays-Bas où il se consacre désormais à la composition. S’inspirant du dodécaphonisme d’Arnold Schönberg sans jamais complètement abandonner la tonalité, mais aussi du néoclassicisme de Stravinsky et du jazz, Frank Martin touchera à tous les genres et laissera une œuvre abondante : musique de chambre, ballades pour divers instruments, préludes pour piano, œuvres scéniques (La Nique à Satan, 1931), oratorios (Le Vin herbé, 1941, In Terra Pax, 1944, Golgotha, 1948, Le Mystère de la nativité, 1959, Pilate de 1964 et Requiem, 1971), la Petite symphonie concertante qui fera sa réputation internationale en 1945 et plusieurs partitions lyriques dont La tempête, d’après Shakespeare, créé à Wiener Staatsoper en 1956.

 

Portant encore des traces de la tradition classique, notamment de Bach, mais aussi de l’œuvre de maturité de Gabriel Fauré, le Quintette s’inscrit déjà dans le langage très personnel de Martin qui unit le sens du rythme et de l’expressivité mélodique à une harmonie très originale et les fait évoluer dans un cadre tonal élargi. Martin se sert de toutes les possibilités sonores et techniques des divers instruments et puise dans une émotion profonde pour assembler leurs couleurs de manière singulière.

 

 

Le premier mouvement, Andante con moto, est d’une intensité tragique, sérieux et presque élégiaque, mais avec une touche de frivolité, tel un poète qui sonde l’ampleur de son chagrin avec l’exaltation d’un aventurier à la veille du départ d’une grande expédition. Renaud Capuçon et Irène Duval au violon, Sara Ferrandez à l’alto et Ivan Karizna au violoncelle ouvrent le mouvement avec une énergie captivante qui nous fait parcourir des paysages à la recherche du Graal. Le piano de Guillaume Bellom, qu’on visualise comme un explorateur qui intervient pour accompagner, mais aussi changer le cours des choses, menant les cordes vers les chemins inconnus, se joint discrètement et accompagne le sublime solo du violoncelle avant d’imposer son thème, juste pour s’éclipser quelques mesures plus tard. Le deuxième mouvement, Tempo di Menuetto, est un ravissant menuet au charme ombrageux et aux accents on ne peut plus ravéliens. Le piano de Guillaume Bellom et le violoncelle d’Ivan Karizna portent ce mouvement avec panache, magnifiquement accompagnés par les violons et l’alto. Le troisième mouvement, Adagio ma non troppo, ressemble à une aria de Bach et met en valeur le piano et les cordes, ensemble et l’un par rapport à l’autre. S’inspirant d’une chanson folklorique, le finale, Presto, est un mouvement jubilatoire, frétillant et dansant. Un tonnerre d’applaudissements témoigne de l’enthousiasme des auditeurs pour les musiciens qui leur ont fait découvrir cette œuvre méconnue avec autant de compétence et de générosité.

 

What can that be but my apple tree ? de Sofia Avramidou

 

 

Le festival Nouveaux horizons se terminera par la création mondiale de What can that be but my apple tree ? Arrangement pour septet à cordes de la compositrice et chanteuse grecque Sofia Avramidou. Née à Thessalonique le 18 janvier 1988, Avramidou étudie le piano, l’harmonie, le contrepoint et la fugue au Conservatoire municipal de Théssalonique. Elle poursuit ses études de licence, puis de master, à l’Université Aristote avant de s’envoler pour Rome où elle achève le master spécialisé de composition à l’Académie Nationale Sainte Cécile avec mention. Arrivée en France en 2017, elle suit les cours de composition électroacoustique au CRR de Boulogne-Billancourt et intègre l’Ircam. Lauréate de nombreux prix, dont le Prix Goffredo Petrassi, elle reçoit des commandes de différents ensembles réputés, dont l’ensemble Intercontemporain, l’Ensemble Musikfabrik, l’Ensemble Multilatérale, etc. Son œuvre s’inscrit dans la tradition spectrale. Basées sur une dramaturgie des contrastes, ses compositions très visuelles se prêtent bien à un accompagnement cinématographique. Avramidou a ainsi écrit la musique du film Obscuro Barroco de la réalisatrice Evangelia Kranioti. Le portrait documentaire de Luana Muniz, « la Reine de Lapa » et icône transgenre de Rio de Janeiro, disparue en 2017, a reçu le Teddy Award du Festival international du cinéma de Berlin en 2018.

 

 

L’œuvre What can that be but my apple tree ? est une suite de saynètes, petites pièces comiques du théâtre espagnol, pour sept cordes, inspirée par le conte de fées La jeune fille sans mains, publiée en 1812. Puisant dans la noirceur de la nature humaine, les frères Grimm écrivent l’histoire qui amène un meunier affamé et ruiné à vendre sa fille au diable et à lui couper ses mains avant de la livrer à son tortionnaire. Suit un long parcours initiatique rempli de malheurs, trahisons et cruauté manigancé par le diable, qui se termine bien.

 

 

La structure de la pièce d’Avramidou suit le récit chronologiquement et s’articule autour de cinq moments clé de l’histoire. Le premier mouvement, « Cher père, fait de moi ce que tu veux, je suis ton enfant », raconte la transaction avec le diable. Sept cordes (trois violons, deux altos et deux violoncelles) créent une ambiance lourde et menaçante, évoquant la tourmente du père, et transpercée par les chants d’oiseaux représentant l’innocence encore intacte de la jeune fille dans le jardin qui ne se doute de rien. Dans le deuxième mouvement, « Es-tu un esprit ou un humain ? » on retrouve la jeune fille, sale et affamée, dans le jardin du roi. Le gardien du domaine royal voit le poirier qui se penche vers la fille sans mains pour lui offrir son fruit et s’interroge sur l’essence de cet être étrange. Avec des coups d’archet d’une rapidité impressionnante, les cordes accompagnent la fille au travers ce jardin. On y entend la peur de la fille, le questionnement du jardinier, la bienveillance du poirier et l’intervention des esprits de la forêt.

 

Étonnamment, Avramidou omet ensuite des épisodes essentiels, tels que la rencontre entre la jeune fille et le roi, leur mariage, le départ du roi à la guerre et la naissance de son bébé. Elle reprend le récit dans le troisième mouvement, « Qui a joué avec les lettres ? » pour raconter la substitution, par le diable, des lettres entre le roi et la jeune femme qui aurait pu avoir une issue fatale si la mère du roi n’avait pas contourné ses consignes de tuer la reine et l’enfant en les faisant partir loin. Très rythmée, cette séquence nous fait visualiser le long chemin du messager qui quitte le château pour rejoindre le roi, sa fatigue, exacerbée par le diable qui l’endort afin de substituer le message pour atteindre son néfaste objectif. Le quatrième mouvement, « Ici tous habitent libres » est le plus mélodique, avec quelques passages d’un lyrisme époustouflant, même si la liberté et la paix que la jeune fille trouve dans une petite auberge au milieu de la forêt, restent empreints de menace et de gravité. Elle y passera sept ans, pendant lesquels ses mains repousseront, le roi reviendra de la guerre, le subterfuge du diable sera révélé et le roi partira à la recherche de sa reine. Il la retrouvera dans le dernier mouvement, « Notre dieu miséricordieux a fait grandir mes mains. » Rapide, contrasté, parsemé d’éloquents passages pianissimo, suivis d’éclats de sonorités étranges et puissantes, la pièce s’achève dans un heureux suspens.

 

De même, le festival Nouveaux Horizons 2023 se termine sur la promesse de la prochaine édition et, avec elle, de nouvelles découvertes musicales !

 

 

Tous les visuels © Caroline Doutre

Portrait de Sofia Avramidou ©Franck Ferville