Klaus Mäkelä dirigeait l’Orchestre de Paris pour un concert de prestige avec la star du piano Lang Lang sur un programme éclectique et passionnant, allant d’une création contemporaine à un classique de Mozart en passant par Saint-Saëns et Mendelssohn et nous offrant même un petit détour par Charlotte Sohy. Belle soirée.
Saint-Saëns était un grand admirateur de Bach, qu’il considérait comme l’un de ses inspirateurs principaux.
Le célèbre pianiste chinois Lang Lang a, lui aussi ces dernières années, honoré le Cantor de Leipzig en interprétant la plupart de ses œuvres au clavier. Il était donc logique qu’il s’attaque à ce concerto hors norme dans la forme, qu’est le numéro deux en sol mineur. Il vient d’enregistrer un album consacré au compositeur avec l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig sous la direction d’Andris Nelsons.
Cette œuvre, très séduisante, valorise incontestablement la formidable virtuosité de Lang Lang dont la technique infaillible, est particulièrement éblouissante dès le début où le pianiste joue seul une sorte de cadence inspirée des libres improvisations à l’orgue qui ont fait les grandes heures de Bach.
Rares sont les concertos qui laisse champ libre au pianiste dès les premières mesures et lui réservent par la suite une telle indépendance et autonomie, qui lui permettent la plupart du temps, de dialoguer réellement avec l’orchestre dans une alternance régulière.
Lang Lang respecte incontestablement cet « esprit » de Bach, sa cadence est courte mais solennelle avant que l’orchestre ne donne quelques accords puis lui redonne la main en quelque sorte.
Mais si, comme d’ordinaire, l’extrême sensibilité et le talent de musicien exceptionnel du chef Klaus Mäkelä, réussit à donner au-delà de la technique, vie et âme à cette belle orchestration, s’appuyant sur les cordes en clé de fa et alternant de gauche à droite les effets des premiers et deuxième violons, Lang Lang reste un peu prisonnier de la forme sans vraiment nous émouvoir.
Scherzo malicieux et presque spirituel pout le deuxième mouvement et surtout tarentelle endiablée en conclusion, soulèvent les applaudissements nourris d’un public qui réserve à la superstar du piano, une standing ovation. Sa technique éblouissante le mérite mais nous restons un peu sur notre faim concernant les sensations.
Le pianiste offre au public la « romance sans parole » de Charlotte Sohy, mettant à l’honneur cette pianiste et compositrice de la première moitié du vingtième siècle, longtemps oubliée, à laquelle le label La boîte à pépites de l’association Elles Women Composers, a récemment consacré un très bel album de CD.
Klaus Mäkelä avait inauguré le concert par une pièce originale, créée en France pour l’occasion, du compositeur tchèque, Miroslav Srnka, « Superorganisms », pièce composée de quatre « temps » différents, pour très grand orchestre, avec percussions et cuivres à foison.
La réalisation soignée et intelligente de l’Orchestre de Paris, n’empêchera pas un certain doute sur les qualités de l’œuvre très uniforme dans son premier mouvement et ne sort vraiment le spectateur d’une certaine torpeur que dans sa conclusion très sonore et très rapide.
Notons cependant quelques beaux moments très bien exécutés dans le deuxième mouvement où le rythme et le style varie très rapidement.
Le compositeur, présent, a été chaleureusement salué tout comme le choix audacieux de l’Orchestre de Paris sous la direction de Klaus Mäkelä d’offrir ainsi à une salle particulièrement remplie, les possibilités d’entendre des œuvres contemporaines inédites.
Le directeur musical de l’Orchestre de Paris a l’habitude de disposer les cordes de son orchestre de manière très personnelle puisque les contrebasses sont situées à sa gauche et les violoncelles devant lui, les violons et altos étant répartis des deux côtés en part égale.
Pour cette magnifique Symphonie pour cordes n° 10 de Felix Mendelssohn, ce dispositif est tout particulièrement appréciable au cœur de l’acoustique exceptionnelle de la salle Pierre Boulez.
Moment intense que cette exécution des trois mouvements sans temps morts, avec ferveur et grâce, romantisme et ardeur. Car cette symphonie qui ne comprend ni vents ni percussions, est incroyablement dynamique dès son adagio et ne cesse d’amplifier ses tempos avec son allegro puis son fiu presto éblouissants qui se conclue par un vibrant aller et retour de gauche à droite, des premiers violons vers les deuxièmes accompagnés par la gestuelle toujours très séduisante du maestro.
Et finir par la majestueuse et élégante symphonie numéro 31, « Paris », en sol majeur, écrite pour le concert spirituel par un Mozart de 22 ans durant son séjour à Paris, où il devait se frayer un chemin parmi les gloires de l’époque.
Il offre ainsi un premier mouvement très brillant pour s’attirer les bonnes grâces du public parisien, puis l’originalité des accents d’un deuxième mouvement plus élégiaque et rempli des nuances que le jeune compositeur maitrise parfaitement et bel allegro final, énergique et riche en beau style du contrepoint et de la fugue, où l’on reconnait la « patte » de génie de celui qui savait séduire son public du moment tout en écrivant des pages immortelles.
Et l’on salue une fois encore la très belle interprétation soignée et inspirée de l’Orchestre de Paris.
Un deuxième concert a lieu le 14 juin à la Philharmonie de Paris avec Lang Lang, l’Orchestre de Paris et Klaus Mäkelä. Cette fois une autre oeuvre de Saint-Saëns sera donnée : Le Carnaval des animaux pour deux pianos (avec Gina Alice Redlinger)
Double album : Camille Saint-Saëns : Concerto pour piano n° 2, Le Carnaval des animaux + Œuvres de Fauré, Bonis, Ravel, Debussy, Delibes, Farrenc, Sohy, Tailleferre, Boulanger. Lang Lang & Gina Alice (piano), Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, dir. Andris Nelsons (2 CD Deutsche Grammophon).
Photos : © site de Lang Lang