Soirée des lauréat·es des Inouïs du Printemps de Bourges : une sublimation d’univers singuliers, entre électro, rap et variété

Après 40 ans d’existence, le dispositif de repérage, de sélection et d’accompagnement de nouveaux artistes a encore l’œil. Cette année, contrairement à la promotion 2024, la plupart des récompenses sont allées à des artistes féminines. Tous·tes ont déployé durant la soirée Inouïs du 16 octobre une gamme unique et rafraîchissante de propositions musicales, artistiques et visuelles. L’édition 2024 avait donné la part belle à chanson pop. Cette année, les lauréat·es explorent des sonorités allant des musiques du monde au rap brut et électro.

Entre bulle intimiste et exaltation électro

Le concert s’est ouvert par la performance ensorcelante d’Exotica Lunatica. Ce duo composé de Daphné Hejebri, compositrice et multi-instrumentiste française et d’Eleanna Konstanta  chanteuse, guitariste, réalisatrice et performeuse grecque, a remporté le prix du public RIFFX. Elles allient percussions, guitare et chant flirtant avec la chamanisme. Très dynamiques, elles enchaînent les harmonies sur des rythmes saisissants. Leur titre « Indian summer » traduit leur attrait pour les musiques du monde. Sous les coups de la batteuse, les deux artistes basées à Strasbourg lient leurs voix en chœur. Elles font monter la tension dans un crescendo aux émanations orientales.

Dans le bleu nuit de la scène, une créature flamboyante fait son apparition. D’immenses ailes dans le dos et coiffée d’une coupe afro blanche, Pierre et la Rose déclame son histoire, celle d’une âme abîmée par les autres. Gagnant·e ex-aequo du prix du jury, iel délivre avec force vocale et des mots à la simplicité poétique une prestation qui touche à l’intime le plus douloureux. « Je ne fais pas de chansons tristes, je fais des chansons douces », sourit-iel. Ces lettres d’amour rendent visibles les récits tortueux ou romantiques des personnes queers. En rappelant la violence quotidienne vécue aujourd’hui en France contre celles et ceux qui sont toujours ramené·es à la marge, iel souligne aussi l’importance de politiser son art.

Une scène tragi-comique

L’autre gagnante du prix du jury, c’est Gildaa. Difficile de définir en un mot le genre musical de cette artiste aussi à l’aise dans le rôle de clown que sur clavier ou séquenceur. L’œil aiguisé, cette sorte de druidesse de la musique assistée par ordinateur (MAO) interpelle le public, alpague un inconnu nommé Antoine, intimidé. Puis elle s’emporte dans une transe imprégnée autant de soul brésilienne, de samba et d’électroacoustique en français ou portugais. L’oreille fine, elle intègre les bruits entendus, comme une chute de téléphone sur le balcon, en blaguant comme une stand-uppeuse. Contrairement à son « Pas assez », capsule électro entêtante sur les injonctions contradictoires à être femme, cette artiste caméléon déroule un univers qu’on sent déjà immense.

Loin du personnage coloré et foufou de Gildaa, Adès the Planet occupe la scène en guerrière, toute en côte de maille et en chaînes qui l’emprisonnent. Ténébreuse, la rappeuse séduit par son phrasé clair, incisif, parfois cru, sur une trap qui percute. Au fil du set, la vainqueure du prix du Printemps de Bourges se libère de ce qui l’enserre, accompagnée de son guitariste qui lâche les riffs avec aisance.

Les basses grondent, ça cogne. Dans « Hollywood », issu de sa mixtape Bâtarde sensible sortie le 10 octobre, elle prévient : « maintenant, j’vais tout casser ». Pour elle et tous·tes les lauréat·es qui succèdent à des artistes comme Odezenne, Christine and the Queens, Eddy de Pretto, ou Aloïse Sauvage, pari tenu.