Dans le cadre du Festival Jazz à la Villette, Brad Mehldau était à l’honneur le 8 septembre dernier sur la scène de la Cité de la Musique – Philharmonie de Paris devant une salle comble. Entre improvisations géniales et reprises inspirées, l’immense pianiste a offert près de deux heures de concert à un public conquis.
Enroulé sur le clavier, l’oreille presque couchée sur les touches du piano, Brad Mehldau semble ausculter son instrument. Nimbé d’un halo de lumière blanche, on l’observe entrer en communion avec le magnifique Steinway noir au centre de la scène. Dans le prolongement de ses bras qui s’animent vigoureusement, alliant précision et fluidité, ses mains s’agitent avec ardeur. Les doigts s’enfoncent délicatement sur les touches. Sa gestuelle est ample, élégante, raffinée. Dans un mouvement souple et gracieux, le haut du corps se déroule alors lentement, presque au ralenti. La tête se redresse, les épaules sont comme projetées vers l’arrière et les bras se tendent. Les doigts frétillent de plus belle, laissant échapper dans l’espace une salve de sons cristallins qui illuminent l’auditoire. Dès les premières notes, Brad Mehldau instille poésie, groove et volupté.
Convoquant avec brio pop-rock, classique et jazz, le pianiste virtuose s’en donne à cœur joie. Improvisateur de génie, il réinvente, crée, façonne les sonorités comme personne. Il joue avec les codes et en fabrique de nouveaux. Mehldau brode sous nos yeux éblouis une étoffe soyeuse, une toile riche et complexe d’où jaillit la lumière. Mêlant dans un équilibre parfait sensibilité et éclat mélodique, l’artiste expose avec une maîtrise technique redoutable une réflexion créative d’une profondeur remarquable. Inspiré de Keith Jarrett, des Beatles, de Stevie Wonder, d’Elliott Smith mais aussi de Bach et de Beethoven, Brad Mehldau compose une mosaïque aux mille couleurs, nous offre un florilège sensible, une palette sonore aux mille nuances.
La main gauche explore les graves, enrobe les notes de ces accords majestueux qui subliment tout. La rythmique entraine inexorablement le public dans un flot d’émotions puissantes. Puis, lorsqu’arrive ce la répété inlassablement, ce la inébranlable et persistant, la main droite s’envole et déploie ses harmonies jubilatoires : « Baby’s In Black », inspiré d’une chanson des Beatles composée en 1964, résonne dans l’espace. Tel un mantra puissant, les notes de musique agissent avec cette force hypnotique, transcendent la salle et propulsent le public en apesanteur.
« Can’t find my way home » (Blind Faith), « Golden Lady » (Stevie Wonder) ou encore « Lucy in the Sky with Diamonds » (The Beatles) feront partie des morceaux choisis pour ce concert. Trois rappels et une standing ovation plus tard, l’engouement est total. Le public sait qu’il a assisté à un moment précieux.
Visuel : (c) GE
Brad Mehldau à la Cité de la musique
Le dimanche 8 septembre 2024