Laurence Haziza, la programmatrice et fondatrice de Jazz’N’Klezmer, nous a concocté un 21e programme où Daniel Zimmermann rend hommage à Gainsbourg, où Itamar Borochov célèbre sa sortie d’album avec Denis Cuniot et où, percuté par les massacres du 7 octobre, Avishaï Cohen initie un nouvel album à la cigale ce dimanche…
Évidemment, nous avons été extrêmement bouleversés et avons questionné la tenue ou non de cette édition, prêts à l’annuler. Mais, en y réfléchissant, il nous a semblé évident qu’il fallait maintenir le festival, ne pas faire taire la musique, et au contraire se réunir autour d’elle. Mais l’édition est évidement plus compliquée et nous avons perdu plus de 20% du public.
Nous avons étudié avant toute chose les questions de sécurité. Celle-ci a été énormément renforcée dans toutes les salles du festival. Alors que nous avons trois artistes israéliens programmés, l’Israël Klezmer Orchestra, Itamar Borochov et Avishai Cohen, et que, de surcroît, le festival a lieu autour de la date du 13 novembre (anniversaire de l’attentat du Bataclan), une salle s’est retirée et nous avons dû déplacer le concert à l’Espace Rachi. De l’autre côté, un artiste israélien s’est demandé s’il pouvait jouer dans un tel contexte et s’il n’y avait pas de risque de récupération par le gouvernement israélien actuel. Finalement, tout se déroule – presque – comme prévu et tout le monde est bien là, pour la musique, pour se consoler, pour vibrer et pour danser.
Depuis la première édition du festival, nous soutenons la scène jazz israélienne et nous la mettons en dialogue avec le monde entier (Vieux Farka Touré, Karim Ziad, Themenic Électric…) et nous resterons fidèles à ces choix de partage. Le public et la presse nous l’ont bien rendu. Le Monde a consacré une page entière au festival, mettant en avant les 3 artistes israéliens.
C’est tout à fait vrai. C’était comme redémarrer notre seconde vingtaine sur nos deux pieds et donc se tenir proche de nos racines : le Jazz et le Klezmer. Il y a eu un désir de repartir sur des bases pour réintégrer plus tard des influences plus variées. Et en même temps ce « JNK originel » est aussi très créatif. Si l’on prend les Bubbe Mayse en ouverture, c’était du vrai klezmer en yiddish, et c’était d’une grande finesse, d’une grande technicité, c’était superbe et moderne. En partant de cette tradition, elles ont réussi à faire quelque chose de très nouveau. Pour le trompettiste Itamar Borochov, c’est du jazz apparemment « classique », mais il est allé puiser dans ses racines ouzbeks de Boukhara. Chez David El Malek, ce qui est intéressant, c’est que les musiciens ont enregistré l’album en une journée de studio. L’album réinvente des chansons israéliennes avec lesquelles il a grandi : Matti Caspi, Sacha Argov, Shalom Hanoch, Achinoam Nini et en bonus, Léo Ferré. Un retour aux origines très créatif et surtout d’une grande sensibilité !
Il y avait quatre dates l’an dernier, il y en a huit cette année. Et c’est grâce aux réseaux du Fonds Social Juif Unifié, qui a des antennes en régions. Cela permet à certains artistes comme l’Israel Klezmer Orchetsra de faire une vraie tournée et cela donne une stature nationale au Festival !
Évidemment, que le public soit au rendez-vous à toutes les dates. Mais aussi que, pour le grand final de cette édition, la Cigale soit pleine de gens qui comme nous sont touchés, blessés, abasourdis par la tragédie qui vient de se dérouler, une tragédie aux conséquences de guerre et de souffrance…
Avishai Cohen était à Tel-Aviv le 7 octobre dernier. Il a tout stoppé net, comme toute la société israélienne, puis il est parti jouer pour les familles meurtries, les agriculteurs qui n’arrivent plus à assurer leurs récoltes, et il s’est mis à écrire de nouveaux morceaux, le sifflement des missiles au-dessus de sa tête, le bruit des bombes au loin. Est-ce son extraordinaire résilience qui lui a donné la force de composer ce nouveau répertoire qu’il jouera pour la première fois à La Cigale ?
Il n’est plus question d’interpréter son dernier album Naked Truth (« La Vérité Nue »), mais sa vérité nue à lui, à cet instant, à cet endroit.
Nous allons donc assister dimanche 19 novembre à un moment rare : la naissance de son prochain album, puisqu’il part le lendemain avec ses musiciens l’enregistrer aux fameux studios de La Buissonne à Pernes-les-Fontaines, dans le Vaucluse.
Crédit photo : Zoar