L’immense pianiste américain ne quitte plus la France ces derniers jours. Après un concert remarqué aux côtés du trompettiste Avishaï Cohen à «Jazz sous les pommiers», le voici en pur solo dans le très bel écrin qu’est la Maison des Océans. Pendant deux heures virtuoses, il a partagé ses standards personnels avec exigence.
Fred Hersch est une star du jazz. Il a composé une cinquantaine d’albums, a été nommé 15 fois aux Grammy Awards et il est produit par le très très chic label ECM. Il arrive de façon sombre, chemise grise et pantalon noir, allure fragile, il s’assoit au Steinway et il déploie. Son jazz est extrêmement technique.
Il cultive dès le premier morceau ce qui sera la ligne de conduite de ce vaste concert : les nombreux contrepoints donnent la sensation d’une polyphonie permanente. Et pourtant, il joue vraiment seul. Son toucher se déploie dans une variation de notes qui nous fait voyager dans toutes les gammes possibles.
Dans une liberté d’action propre à ceux qui n’ont plus rien à prouver (en 2008, il a dû réapprendre à jouer du piano après avoir passé deux mois dans le coma), il cite, malaxe et reprend des thèmes chers à George Gershwin, reprend dans son style et son toucher Thelonious Monk ou Antônio Carlos Jobim.
Il glisse ici et là les titres de ce qu’il joue, en anglais, marmonne très vite. Ce n’est pas le sujet. Il joue, c’est tout. En l’occurrence, il puise quelques morceaux de son tout dernier album, Silent, Listening, sorti chez ECM le 19 avril dernier. Il est passionnant d’entendre comment la singularité de l’Américain se retrouve dans tout ce qu’il propose, ses morceaux comme ceux des autres. Grand architecte du rythme, doublé d’un sens de l’improvisation à toute épreuve, il s’empare des notes, yeux fermés et avance.
De façon générale, il plonge loin dans les mélodies, dans une approche parfois méditative, romantique. Les gammes sont plutôt majeures, joyeuses et surtout, profondes. Ici, une note démultiplie les rythmes, ce qui donne une sensation de bulle enveloppante permanente.
Un monument intime et lumineux. Silence, on écoute :
Le festival Jazz à Saint-Germain-des-Près se tient à paris jusqu’au 20 mai
Fred Hersch – ©Roberto Cifarelli / ECM