Jazz culte et révélations au Crest jazz festival

Hugo Lippi

Le célèbre guitariste accueille le public en début de soirée par des solos doux et mélodieux. Entre bop et bohème, il est admirablement accompagné par le pianiste Fred Nardin et le batteur Romain Sarron, tous deux membres du Amazing keystone big bang, et par Sylvain Romano à la contrebasse. Le contraste de style, de tempo et de nuance dans l’enchaînement des morceaux est appréciable et nous tient en haleine. Mais après un hommage à Django Reinhardt avec « manoir de mes rêves » la météo commence à rendre la suite du concert difficile… le public part en courant à la fin du morceau pour s’abriter sous les stands de nourriture. Finalement, la pluie finit par se calmer et l’on entend résonner les premiers accords de « here’s that rainy day »… clin d’œil humoristique ? Le standard était en effet présent dans l’album de Hugo Lippi sorti en 2019, « comfort zone », mais le moment pour le jouer était décidément bien choisi. Même si le quartet a pu reprendre sa première partie, il nous a malgré tout semblé sortir de scène trop tôt.

Nirina Rakotomavo

C’est au soul et au Maloya que le groupe laisse sa place avec la pianiste et chanteuse Nirina Rakotomavo, accompagnée d’Elie Martin-Charrière à la batterie, d’Elvin Bironien à la basse, de Mathias Di giusto à la guitare et de Margaux Chicoisne et Louise Charbonnel aux chœurs. Cette dernière s’illustre dans son improvisation sur « Aliento de vida »  par son timbre, sa puissance et sa large tessiture, dont les aigus ne sont ni faibles ni criards. Nirina excelle également dans cet exercice, et fait répéter au public des motifs mélodiques de plus en plus complexes sur « You’re so fine » , morceau composé pour une amie qui, dit-elle, a une fâcheuse tendance à écouter la petite voix dans sa tête qui ne lui souffle que des méchancetés. Auparavant, la pianiste/chanteuse nous avait déjà interprété un morceau composé à partir de l’émotion que lui avait causé la nouvelle maternité d’une amie. Ces motifs lancinants et aigus confèrent à ses compositions folkloriques un caractère onirique, magique, hors du temps, ce qui explique sans doute le nom de son ancien groupe, « selkies ».

Les arrangements sont également à saluer. Même si le côté « circle song » peut justement être par moment un peu trop lancinant, ces qualités permettent de retenir l’attention. Vers la fin de sa prestation, Nirina décide de rendre hommage à Sergio Mendes sur une mélodie très touchante, « Chorado »

Sixun 

La troisième et dernière partie de la soirée était dédiée aux adeptes de jazz fusion, ou jazz rock. Ce sextet fondé par le pianiste et claviériste Jean-Pierre Como est composé du bassiste Michel Alibo, du saxophoniste Alain Debiossat, du guitariste Louis Winsberg, du percussionniste Stéphane Edouard et de l’ancien batteur du cultissime Zawinul Syndicate, Paco Séry. Ce qui frappe en premier lieu, et c’est le cas de le dire, c’est la virtuosité des percussionnistes ; ensuite, l’impressionnant niveau technique de tous les musiciens et le superbe son chaleureux d’Alain Debiossat. Cependant, cette musique toujours intense et luxuriante, notamment généreusement sonorisée, sans grands contrastes entre les thèmes et les nuances, peut rapidement fatiguer l’attention. Quelques-uns de ces thèmes sortent toutefois du lot, comme « Minor steps » de Louis Winsberg (de l’album « unixity ») ou « Paesana » de Jean Pierre Como (de l’album « Palabre »). Du traditionnel jazz acoustique aux rythmes et sons afro-funk en passant par la musique réunionnaise, il y en avait pour tous les goûts lors de cette soirée spedidam.