Pour cette deuxième soirée du Sacré Sound Festival dont nous vous avons déjà parlé ici, Laurence Haziza a invité le chanteur Walid ben Selim et la harpiste Marie-Marguerite Cano à faire flotter un vent de poésie soufie dans une synagogue Copernic pleine à craquer. Fabuleux
Elle est majestueuse, en vaste jupe jaune, lui est lumineux en grande tunique blanche. Elle joue, il chante. Ensemble, il et elle défient tous les obstacles. Elle et lui font dialoguer des mondes qui ne se parlent plus depuis le pogrom du 7 octobre et la vengeance d’Israël contre le Hamas. L’image semble impossible aujourd’hui. Faire entendre de la poésie soufie en langue arabe, dans la synagogue qui a subi l’un des attentats antisémites les plus tristement célèbres des 50 dernières années, et que cela se passe merveilleusement bien, en voilà un beau miracle ! Le Sacré Sound Festival, en faisant cela, redonne sa force et sa place à la musique et à la beauté. Il en fait un outil efficace de dialogue interculturel.
Pendant une heure, chaque poème est chanté. La voix de Walid Ben Selim est à la fois cristalline et puissante. Cet artiste est déjà très repéré, notamment sur les scènes jazz. Il a par exemple joué à Jazz à Vienne l’été dernier. Si l’on doit résumer tous ces textes par un mot, c’est l’amour. Il n’est question que de la seule chose qui compte et depuis toujours. En tout cas, depuis au moins le XIe siècle, quand Ibn Zaydoun, transi par la passion, écrit à la poétesse Wallada bint al-Mustakfi : « Ton manque me déchire et par ton absence, je suis amoindri ». Taylor Swift n’est pas loin ! Le titre de ce projet, Here And Now a une référence un peu moins pop, il s’agit du titre d’un poème de Mahmoud Darwich. Même si vous ne comprenez pas la langue, les mots vous parviennent immédiatement.
Le duo convoque les vers de Hallaj au IXe siècle, ceux de Telemsani au Xe, ceux d’Abu Nawas au VIIIe et donc ceux, déjà cité, de Ibn Zaydoun au IXe également. Here And Now nous plonge en Espagne et dans l’orient médiévaux, dans un moment, rêvé, où l’art et la philosophie marchaient dans la même direction, ensemble. Le concert est ici une expérience presque méditative. La mélopée est puissante et vibratoire. La voix et les cordes sont alliées pour aller au plus profond dans une unité tenue. Et il semblerait que la suite de la programmation du Sacré Sound Festival se place dans cette même énergie avec une suite de trois duos : Hannah Hélène et David Konopnicki le 14 au MAJH, Smadj et Napoléon Maddox le 16 au Sunset et en clôture, Yom et Baptiste-Florian Marle-Ouvrard au Triton le 18.
Sacré Sound Festival, jusqu’au 18 mai.