Chaka Khan à Montreux Jazz : « Still Every Woman – Still Every Soul »

« Ce soir, on célèbre 50 ans de carrière de Chaka… et 70 ans de génie de Quincy. Montreux, c’est ça : des ponts entre générations et émotions. » Par ces mots, Mathieu Jaton, le patron du Montreux Jazz Festival, a lancé la soirée d’ouverture du 59e festival. Mais dès que Chaka Khan a mis un pied sur la scène flottante du lac Léman, c’est l’Histoire — avec un grand H et beaucoup de groove — qui s’est invitée.

Car oui, c’était la dernière fois qu’un concert se donnait sur cette mythique scène du lac. L’an prochain, le festival regagnera un 2m2c flambant neuf, après de longues rénovations. Comme si le Léman, qui avait vu défiler Claude Nobs, Quincy Jones et tant d’icônes, voulait offrir un dernier écrin liquide aux géants de la musique.

Et quel écrin pour Chaka ! À 71 ans, la reine funky a montré qu’elle avait encore des flammes sous les cordes vocales. Entourée de Siedah Garrett, Rahsaan Patterson, Lalah Hathaway, Mark Sway et SEVEN, elle a déroulé un hommage total à son ami Quincy Jones, le parrain de Montreux. Derrière elle, les écrans géants diffusaient en boucle des photos de QJ : en train de rire dans les rues de Montreux, de déguster une fondue avec Claude Nobs, ou encore de regarder les Alpes depuis un bateau. Un diaporama d’amour sincère.

Le show a démarré avec « Tell Me Something Good », puis « Ain’t Nobody » a retourné les quais. Mais c’est sur « Off the Wall », coécrite par Siedah Garrett avec QJ pour Michael Jackson, que le public a littéralement explosé. Avant de l’interpréter, Siedah a partagé une anecdote croustillante : « Quand Quincy m’a proposé d’écrire pour Michael, il m’a dit : ‘Make it fun — and make it forever.’ Je crois qu’on a réussi. »

Chaka a aussi offert une version habitée de « Through the Fire », et quand elle a lancé « I’m Every Woman », toute la Suisse a semblé vibrer. Littéralement, puisque même les cygnes du Léman ont paru se dandiner au rythme du beat.

Dans le public, Barbara, venue de St. Gallen, n’en revenait pas : « C’est magique… j’ai toujours adoré Chaka, mais ce soir c’est un rêve. Pour Quincy, pour Montreux, pour nous tous ! » Shoshana, 44 ans, arrivée d’Israël pour l’occasion, avait les yeux encore humides : « Je viens pour le Montreux Jazz depuis 10 ans. Mais voir Chaka Khan dire au revoir à la scène du lac, c’est un cadeau que je garderai toujours en moi. »

Au terme de deux heures de concert, Chaka a levé les bras vers le ciel en murmurant : « For you, Q. Always. » Puis elle a soufflé un baiser, comme pour le déposer directement sur les eaux du Léman, là où Claude Nobs devait certainement sourire dans son éternel borsalino.

Dans la pénombre, on surprenait Mathieu Jaton en train de sourire, presque soulagé. Car cette ouverture, c’était bien plus qu’un concert : c’était un serment renouvelé entre Montreux et ses mythes. Ici, la musique n’est jamais un produit — c’est une célébration, un hommage vivant où l’on trinque avec les fantômes bienveillants du passé.