Les 10 et 11 octobre, Baptiste Trotignon était au Bal Blomet pour le lancement de son nouvel album, Brexit Music.
Pink Floyd, Police, Bowie, Queen, Led Zep, les Stones, les Beatles, Radiohead… «BREXIT MUSIC» comme le dit Baptiste Trotignon, n’est pas un projet politique, mais british – et il en a le sens de l’humour.
«On vous a joué Money de Pink Floyd suivi de Message in a bottle du groupe Police, qui est un titre un peu étrange si on le traduit, «message dans une bouteille»… Money aussi en fait, un titre qui s’appelle «argent», «c’est bizarre…». Comme tous les morceaux du concert, ces deux-là sont joués à la suite, grâce à une transition musicale très fluide, subtile. C’est peut-être pour cette raison que l’heure et demie de concert est passée bien trop vite : à chaque fois, deux, trois morceaux n’en faisaient qu’un.
Puis viennent Drive my car, We are the champions… on peut entendre quelques timides voix s’élever du public pour entonner ces tubes des années 70. Baptiste Trotignon réussit à merveille son projet de réconcilier deux mondes aux expressions assez différentes, malgré une commune soif de liberté : on retrouve son jeu aussi précis que sensible, perlé, parfois frénétique, mais toujours au service de la musique. C’est de la beauté tissée de beauté, toujours originale, et pourtant, ce n’est jamais ennuyeux. Car les moments survoltés, soutenus par les excellents Matt Penman à la contrebasse et Greg Hutchinson à la batterie, sont entrecoupés de moments plus doux : les introductions, notamment, sont souvent calmes et harmoniquement riches, avant que le thème ne fasse une entrée fracassante. Les trois musiciens ont ce sens de la nuance dans leur jeu qui soutient l’attention du public sans jamais la saturer.
«Reprendre une chanson connue est une chose fréquente chez les jazzmen, et comme beaucoup d’autres je l’ai souvent fait par petites touches, mais l’idée d’un album entier exclusivement autour de la pop musique anglaise n’allait pas de soi : rester vivant et « fun » sans le texte avec le matériau souvent simplissime des chansons, et même si la plupart d’entre elles ont accompagné avec bonheur et excitation mes années adolescentes, c’est un challenge !»
Là encore, le défi est réussi. Baptiste Trotignon ajoute à la fraîche simplicité des mélodies pop l’inventivité harmonique et rythmique du jazz. Par cette appropriation, il les recrée presque. Finalement, l’arrangement est peut-être la partie la plus essentielle d’une composition…
«Le jazz a été une musique très populaire et révolutionnaire bien avant l’arrivée de l’exubérance rock, dont l’animalité – que j’adore ! – tranchait avec les musiques dites plus savantes dont le jazz fait partie», rappelle-t-il.
Musique d’origine populaire devenue savante, à la lisière de l’oralité et de l’écriture, de la composition et de l’improvisation, et surtout musique hybride par excellence, il n’est pas étonnant que la «jazzification» de ces tubes pop/rock soit « un vrai jeu en quelque sorte, mais fait avec sérieux ! ».
Alors courez acheter l’album et écouter le trio lors de ses prochains concerts, le 19 octobre à Cenon (Le Rocher de Palmer), le 20 à Schiltigheim Culture et le 21 à Lausanne (club de jazz «Chorus»).
Visuel : (c) Affiche officielle de l’album