Jazz

Aquarelle en jazz

par Hanna Kay
26.01.2025

Ce samedi 25 janvier, rue des lombards au Sunside, le new-yorkais Kevin Hays au piano et Jorge Rossy, vibraphoniste espagnol, ont présenté leur dernier album en duo « The Wait » lors d’un concert aux teintes délicates et chaleureuses, entre lyrisme et musique modale autorisant une grande liberté d’exploration des différentes sonorités.

Méditation harmonique

Le premier morceau, hommage à Tom Jobim, où le lyrisme de Kevin Hays s’exprime immédiatement dans son toucher à la sérénité chantante, nous emmène dans la douceur des mélodies brésiliennes. Puis « Moose Love » (élan d’amour) débute délicatement au vibraphone et le piano prend sa place petit à petit, comme les débuts timides d’une rencontre amoureuse.

Dans la lignée des pianistes comme Bill Evans, Keith Jarrett ou le new-yorkais Richie Beirach aux fortes influences de musique classique, Kevin Hays est un excellent pianiste avec une maîtrise technique très précise. Le piano devient un orchestre à lui tout seul et la résonance des basses met en avant la délicatesse du phrasé dans les aigus, au son mélodieux et limpide, à tempo lent ou plus rapide, en doubles croches. Spectateur, on est inondé de nappes de couleurs, comme une aquarelle de nuances pastel aux frontières effacées. Entre moments lyriques et retenus, les ostinatos rythmiques et les accords « sus 4 » sans résolution de la tierce, laissent le public dans une méditation suspendue. La musique circule librement à plusieurs voix Kevin et Jorge au vibraphone , et résonne comme un écho harmonique aux phrases du pianiste. Certains morceaux des deux complices rendent hommage aux musiciens qu’ils aiment comme Brad Mehldau, Tom Jobim ou le Brésilien Milton Nascimento avec sa très belle composition « Travessia » (Le passage)

Élégante simplicité

Kevin Hays se rappelle, il nous confie qu’il y a 35 ans, il a joué ici, au sous-sol du Sunside, au Sunset, avec le batteur américain de légende Roy Haynes, décédé en novembre 2024. C’est un artiste à la modestie élégante, qui s’est produit avec les plus grands, par exemple Sonny Rollins ou John Scofield qui sont venus le chercher pour faire partie de leur groupe, ou Brad Mehldau avec qui il a réalisé un projet en duo (Modern Music – Nonesuch) . Il est là pour faire de la musique et pour partager sa sensibilité et ses émotions et non pour performer techniquement uniquement .

C’est un jazz de chambre, où les mélodies épurées sont mises en évidence et enrichies de complexités harmoniques , où l’on revient parfois au blues et où on se laisse emporter dans un apaisement rassurant où ces mots de Keith Jarrett font sens :

« La musique ne devrait pas nous rappeler le contrôle que nous semblons avoir sur nos vies. Elle devrait nous rappeler la nécessité du renoncement, la capacité en l’homme à comprendre la raison de ce renoncement, les conditions qui sont nécessaires à cela, l’Être nécessaire à cela ». Keith Jarrett, livret de « Spirits »

Dernier Album “The Wait”, Janvier 2025

Visuel : ©Hanna Kay