Les 22 et 23 mars derniers, le pianiste virtuose italien Antonio Faraò était accompagné de Sylvain Romano à la contrebasse et de Benjamin Henocq à la batterie pour deux concerts époustouflants. Jeu explosif, vélocité hors-norme et course poursuite de notes étaient au rendez-vous.
Dans un halo de lumière violette, le trio s’installe sur la scène du Sunside. Casquette bleu marine, chemise bleue à motifs, jean et baskets, Antonio Faraò prend possession du piano qui sera à sa merci pour les heures à venir. Chemise sombre et jean assorti, Sylvain Romano s’enroule autour de sa contrebasse, dont le bois lustré exhale une aura chaleureuse. Arborant une casquette bicolore, un T-shirt blanc sur un jean brut, Benjamin Henocq prend position derrière sa batterie, dont les cymbales dorées scintillent sous les projecteurs. Une cymbale trouée façon gruyère retient toute notre attention.
Les musiciens échangent des regards complices. Les graves du piano retentissent, la contrebasse répond. « Ready ? » demande Antonio Faraò. Et le concert démarre avec quelques accords mélodieux qui embarquent instantanément batterie et contrebasse dans un tourbillon de notes incandescentes. L’air se charge d’électricité et les premières étincelles fusent. La rythmique instaure une pulsation qui fait vibrer l’ensemble. La contrebasse remplit l’espace de ses graves puissants et les arpèges lumineux se détachent.
Virtuose et intrépide, la main gauche du pianiste explore les harmoniques, exécute ses accords originaux, tandis que la main droite s’envole dans un élan irrépressible, comme portée par une force invisible. Les doigts courent à une vitesse folle sur le clavier. Le tempo s’accélère, les notes se bousculent. Dans une déferlante ahurissante d’énergie brute, c’est ici toute la fougue d’Antonio Faraò qui s’exprime.
L’accélération va crescendo, comme si, une fois lancée, rien ne pouvait arrêter cette course déchaînée. Le piano vacille, tremble et vrombit dans une explosion sonore stupéfiante. Dans un rythme effréné, le pianiste aux mille doigts nous offre une performance rare et déploie un jeu décapant, soutenu par ses brillants musiciens. Lorsqu’une accalmie se présente, entre deux bourrasques de notes ou entre deux compositions enfiévrées, ce n’est visiblement que pour repartir de plus belle.
Littéralement emporté par une tornade musicale, le public encourage chaleureusement les artistes et parsème tout au long de la soirée ses applaudissements énergiques. Après trois sets électrisants durant lesquels les musiciens auront tout donné, nous ressortons conquis, en réécoutant les compositions inspirées du pianiste comme « Evan » et « Domi », écrites pour ses fils ou encore « Black Inside ». La version particulièrement énergique du morceau de Miles Davis intitulé « Seven Steps to Heaven » nous laissera une empreinte indélébile. Cerise sur le gâteau : les très jolies reprises de « Round Midnight », « Autumn Leaves » ou encore « Tu verras » de Nougaro.
Tout simplement vertigineux.
Visuel : (c) GE
Antonio Faraò
Antonio Faraò – piano
Sylvain Romano – c.basse
Benjamin Henocq – batterie
60 rue des Lombards
75001 Paris