Jazz à Saint-Germain des Près : Un triomphe Richard Galliano et son trio

Lorsque nous arrivons à 21h dans le soleil couchant devant la porte de la Maison de l’Océan, rue Saint Jacques, le public du premier concert sort à peine. L’équipe du festival nous accueille avec joie et générosité et nous découvrons l’amphithéâtre extraordinaire de l’Institut d’Océanographie créé par l’explorateur royal, Albert 1ier de Monaco. Le public est attentif et se laisse bercer par une lumière chaude et des fresques marines envoûtantes sur les murs.

Piazzola en majesté

L’énergie est instaurée dès que les musiciens entrent en scène. Trois musiciens du voyage, notera plus tard Richard Galliano : son accordéon, comme la contrebasse de Diego Imbert et la guitare d’Adrien Moignard se transportent et ils auraient aussi bien pu jouer « dans la rue ou sur la plage ». Dans l’amphithéâtre, le son est immersif et c’est sans une parole que les 5 premiers titres nous plongent dans un New-York à la fois rétro et proche : celui où le grand compositeur argentin Astor Piazzola a fait ses classes. Les compositions de Richard Galliano s’entremêlent avec celles de l’icône argentine pour amener vers nous tout un monde lointain.

La complicité est là, notamment dans les duos avec le guitariste qui apporte une petite touche nomade au tango. L’intensité et la maîtrise du jeu de Galliano est toujours aussi impressionnante, yeux fermés, corps en mouvement, comme greffé à son instrument, il nous fait tous danser sur nos bancs. Un unisson et un rythme fou, qu’il se permet de chahuter un peu en fin de morceau, par des aigus ou un final dramatisé souvent malicieux.

Quand le trio se fait quatuor …

La parole arrive, avec cet accent du sud unique, qui nous replonge dans tout Nougaro. Et c’est pour présenter le musicien qui va transformer notre soirée en quatuor : l’accordéoniste brésilien Nonato Lima, que Richard Galliano a rencontré alors qu’il donnait des masterclasses à Porto Alegre au Sud du Brésil. Nonato Lima est de passage à Paris et ravi de jouer. Son accordéon est à «touches piano », ce qui émeut particulièrement Richard Galliano, puisque son père était l’un des seuls accordéonistes français à utiliser un tel instrument, l’accordéon à boutons étant le modèle le plus répandu en France.

Après un premier tango entraînant, les autres musiciens sortent et il ne reste que les deux accordéonistes. C’est réellement physiquement que leurs deux instruments se répondent, dans des variations et improvisations qui commencent comme du Bach à l’orgue avec un Aria composé par Galliano pour ouvrir sur les notes libres et endiablées du « Libertango de Piazzola ».

Le bassiste et l’accordéoniste reviennent, le trio se reforme pour un ou deux morceaux et le public a la tentation grandissante de battre la mesure. Nonato Lima revient pour les deux derniers morceaux, notamment un classique écrit par Galliano pour Nougaro en 1993 « Vie Violence » et qui, dans sa version instrumentale, a fait le tour du monde…

Le niveau d’énergie est toujours le même, intense et profond, à la fin de ce deuxième concert, à 22h30 et c’est avec une générosité quasiment naturelle que le quatuor offre au public un bis et la possibilité de chanter « La Javanaise » de Gainsbourg. Un moment de communion qui s’applaudit encore et toujours debout.
En rentrant à la maison, nous découvrons qu’après l’album New York trio paru en octobre dernier chez TCB The Montreux Jazz Label, Richard Galliano vient de sortir le mois dernier un album avec le South Czech Philharmonic : Madreperla. De quoi continuer à passer le week-end avec un accordéon océanique.