Miki a sorti le 3 octobre Industry plant, un album en continuation de son EP Graou sorti en avril 2025. Cette fois, l’artiste-fusée plonge plus profondément dans ses peurs anciennes et nouvelles. Le 5 octobre, elle performait lors d’une release party atypique à Virage Paris pour présenter ce premier album entre pop et électro.
Les haters qui l’insultent sur les réseaux sociaux, les garçons qui l’éconduisent, les adultes aussi malades qu’ordinaires qui abîment les enfants… Dans son premier album Industry plant, sorti le 3 octobre, Miki exorcise ses démons dans un style faussement enfantin, un peu clownesque, un peu alien. L’artiste de 26 ans a choisi ce titre pour dénoncer le cyberharcèlement dont elle a été victime à la sortie de son EP Graou, et encore aujourd’hui.
Le retournement du stigmate commence par « yes » qui ouvre l’album. Sur des accords de piano aériens qui rappellent une comptine, la voix un peu aiguë, parlée et chantonnée de la chanteuse traduit une incompréhension du monde. En même temps, elle est lucide. « J’vomis tous les mots qu’on dit de moi sur Internet/Ils s’impriment sur ma peau, du coup j’y crois ».
Tout au long de l’album, l’artiste étire ce même rappel : elle reste humaine. « Bien sûr que ça m’blesse », assure-t-elle dans « yes », face aux insultes. Avec « particule », Miki synthétise le sentiment amoureux qui rend l’ego minuscule : « J’suis qu’une particule/Qui orbite autour de toi » ; « J’suis qu’un fichier qui se jette/Qui se remplace ». « Quand ça va pas, faut juste se rappeler qu’on est une personne », lance-t-elle pendant sa release party, devant une foule échauffée par un tournoi de foot puis un DJ set qui a duré deux heures.
Avec son style DIY – do it yourself – et ses formules un peu naïves et incisives, l’autrice-compositrice-interprète mélange sa passion des mangas, animes, et bandes originales sur des compositions intimes. Dans le hit Echec et mat – plus de 4 millions d’écoutes sur Spotify –, ce sont les relations toxiques et les violences conjugales : « Le dernier [mec] m’a poussée à bout de mes anti-vomitifs » ; « Un jour c’est bon, un jour t’es con/ Comme quand t’aimes plaquer ma tête/ Contre la plaque de la cuisinière ». Dans le viral « miki cowboy », elle avoue : « J’me touche en pensant à Vincent Macaigne ».
Elle se convainc, ce qu’elle veut c’est la liberté, « faire du poney sans la selle les mains sur la crinière », comme elle l’exprime avec fougue dans le même morceau. La tristesse, la douleur d’être une femme, tout ça finit à la poubelle. « J’suis pas comme ta poly-pocket/Et si tu m’casses la tête/C’est toi qui finis au tiroir », jure-t-elle dans le titre éponyme.
Cette force, elle l’arrache, se faisant réceptacle, victime et témoin d’épisodes abominables de l’enfance. Dans « roger rabbit », elle se remémore, entre nostalgie et terreur curieuse, sa révélation. Les monstres sous son lit sont plutôt des adultes malades et dangereux. Rassurants pour les parents, ils ressemblent au lapin vedette du film de Robert Zemeckis. Mais à l’intérieur, « une peau putride » menace de se dévoiler. Le titre opère ainsi une rupture, le son se distord un peu, on entend le souffle angoissé de la chanteuse. Les démons de l’enfance, à l’allure si normale, sont revenus – ou ne sont jamais vraiment partis.
Dans « switch switch », ses traumatismes semblent toujours là. « Allô maman, bobo », appelle-t-elle à l’aide, en même temps fragilisée par le comportement changeant de celle-ci. Elle tente de trouver une issue à la même impasse dans « hajima » – « ne fais pas ça, en coréen » – : « Qu’est-ce que j’fous là /Pourquoi j’pense à ma mère dans ces moments-là ?/J’reste une p’tite fille dans un corps de garce ».
Ses origines coréennes, venues de sa mère, traversent tout l’album, et accentuent sa quête identitaire. Dans « bnf », elle se fait comparer à Kim Jennie, l’une des chanteuses du groupe de K-pop ultra connu Black Pink. Sur des basses techno entêtantes, elle confie sa dissociation, sa perte de repère. Miki n’est « pas sûre d’être un humain/Tout m’glisse, tout m’coule dessus comme un amphibien ». Ce décalage, l’artiste le sublime dans « aphexion » qui clôt l’album. « C’est pas parce qu’on est dysfonctionnels qu’on n’a pas d’affection ».
Avec cette première sortie, la chanteuse, en posant sa voix douce et torturée sur des sons mêlés d’électro, répare un peu son enfance, sa jeunesse, et donc son futur. Du côté de la musique, celui-ci semble assuré.
Pochette de l’album Industry plant de Miki. ©Côme Lart. Label Structure