Le chef d’orchestre Herbert Blomstedt est de retour à la Philharmonie de Paris le 21 et 22 mai 2025. Sous sa direction, l’Orchestre de Paris interprète la symphonie n° 2 de Franz Berwald et la symphonie N°1 de Johannes Brahms.
A 97 ans Herbert Blomstedt est le doyen mondial des chefs d’orchestre. Soixante et onze ans de carrière, il a débuté la direction à l’orchestre symphonique de Stockholm en 1954. Puis il a exercé ses talents à Oslo, Dresde, San Francisco, Hambourg, Leipzig… Ce soir il revient pour deux concerts à la Philharmonie de Paris. Il arrive au bras de la violoniste solo, Sarah Nemtanu, chaudement applaudi par le public. Il dirige assis, mais ses gestes sont précis, attentifs, expressifs. Son interprétation est sensible, elle ne manque pas de vigueur. Manifestement il puise dans la musique toute son énergie et il va nous transmettre sa légendaire bienveillance.
Le compositeur suédois Franz Berwald (1796-1868) ne sera guère reconnu de son vivant, en particulier dans son pays natal. La reconnaissance viendra au début du 20ème siècle et il est maintenant considéré comme un compositeur majeur du 19ème siècle. Sa symphonie N°2 a été composée en 1842 mais la partition complète s’est ensuite perdue, il ne subsistait qu’une version simplifiée. L’orchestration a été refaite par Ernst Ellberg à partir d’indications parcellaires et la création n’aura lieu qu’en 1914. Nous découvrons une symphonie relativement courte (trente minutes), attrayante, séduisante. Une œuvre « capricieuse » comme le suggère le titre de la symphonie. Les ruptures de rythme, les solos des flûtes, les pizzicati confèrent un caractère ludique, surprenant à l’allegro initial. Ces moments de légèreté qui pourraient évoquer Mozart, alternent avec des élans romantiques vigoureux.
Après la douce romance de l’Andante, le final est plus étonnant. Il débute par un bourdonnement rythmé des contrebasses, rejoint par celui des cordes. Ensemble, elles forment une basse continue qui met en valeur le chant des flûtes. C’est joyeux, festif. A nouveau Franz Berwald sait nous surprendre. L’orchestre de Paris allie puissance et délicatesse dans son interprétation. La musique devient tourbillonnante, le rythme enivrant conduisant à une fin grandiose. Cette symphonie N°2 de Berwald sera une belle découverte pour le public qui l’applaudira chaleureusement.
« Tu n’as aucune idée de l’état dans lequel on se sent en entendant constamment marcher un tel géant derrière soi » disait Brahms en parlant de Beethoven. Impressionné par son illustre aîné il a tardé à se lancer dans la composition symphonique malgré les encouragements de ses amis. Les premières esquisses de sa 1ère symphonie remontent à 1862 mais elle ne sera, difficilement, achevée et créée qu’en 1876 à Karlsruhe. C’est le retour de la grande symphonie classique dans une période post romantique où elle était un peu passée de mode.
Le premier mouvement débute dans la lenteur, la gravité, les batteries imposent le rythme et après un bref moment d’interrogation l’orchestre symphonique déploie toute sa puissance. L’allegro est marqué par un souffle vital puissant, par d’émouvantes vagues mélodiques. L’andante est une douce rêverie caractéristique du romantisme de Brahms. Le troisième mouvement est « Poco allegretto et grazioso ». Ce « scherzo » est particulièrement réjouissant. L’ambiance est viennoise, la musique est presque une invitation à la danse. Le final est peut être le mouvement le plus complexe, mais aussi le plus émouvant. L’orchestration est originale, spectaculaire. Ce dernier mouvement est une perpétuelle accélération qui débute lentement par les pizzicati des cordes, déjà interrompus par de brusques accélérations de l’orchestre. La gravité de la mélodie conduit à un magnifique solo de cor qui évoquerait le carillon de Westminster. Solo repris par les flûtes, les tubas, les cors à nouveau puis finalement par tout l’orchestre. Puis l’auditeur reconnaîtra le thème de l’hymne à la joie de Beethoven, un bel hommage au maître de la symphonie. Avec sa virtuosité et sa vélocité, l’Orchestre de Paris nous conduit à l’apothéose finale.
Les musiciens et Herbert Blomstedt sont ovationnés par le public. Lorsque le chef, malgré sa fragilité revient sur scène nous saluer, les ovations redoublent. La fragilité s’est métamorphosée en force par sa foi en la musique. Et pour tous s’impose un immense respect pour l’artiste.
Visuel : Herbert Blomstedt 2021 © Mathias Benguigui/ Pasco and Co