Le 14 mai 2024, la pianiste Hélène Grimaud est l’invitée de la Philharmonie de Paris. Elle interprète la sonate N°30 de Ludwig van Beethoven, les trois Intermezzi (opus 117), la Fantaisie (opus 116) de Johannes Brahms et la Chaconne de Johann Sebastian Bach dans la transcription pour piano de Ferrucio Busoni.
Pantalon et veste noirs, corsage blanc, elle arrive sur scène avec simplicité et élégance. Tout naturellement elle commence à jouer, avec sobriété, comme pendant tout le récital.
Hélène Grimaud est née le 7 Novembre 1969 à Aix en Provence. Elle débute le piano à l’âge de 7 ans et sera reçue à 13 ans au conservatoire nationale supérieur de Paris. Elle débute, dès 1990 une carrière internationale de soliste. Cette ambassadrice du «piano français» est aussi une écrivaine, une éthologue, une avocate des droits humains et environnementaux.
Ce soir, avec Beethoven, Brahms, Bach, elle se consacre au répertoire germanique qu’elle affectionne particulièrement.
Beethoven a composé sa trentième sonate en 1820 alors que sa surdité était totale, mais ce retrait forcé du monde semble avoir nourri son inspiration!
Lors du 1er mouvement, un thème rapide et une mélodie lente s’entrelacent. Le sens des nuances d’Hélène Grimaud apparaît dans cette alternance de plénitude et de douceur, de puissance et de subtilité. Sa virtuosité éclate dans les accords fougueux du scherzo, un mouvement joué Prestissimo! Mais c’est le 3ème mouvement «Andante molto cantabile ed exprissivo» qui confère à cette sonate célébrité et originalité. Le thème est d’une grande beauté, d’une totale pureté, d’une parfaite sérénité. La salle est captivée par cette musique céleste. Le jeu dépouillé mais si expressif de la pianiste est très émouvant. Puis se développent six variations avant le retour du thème qui nous apparaît comme un chant pour l’éternité.
Johannes Brahms (1833-1897) a écrit les Intermezzi (opus 117) et la Fantaisie (opus 116), pendant l’été 1892, à Bad Ischl, dans le Salzkammergut, une région montagneuse d’Autriche. Après 10 ans d’interruption, le compositeur renoue avec le piano devenu son confident. Ceux sont des œuvres intimistes aux couleurs d’automne, des rêveries imprégnées de nostalgie même si la fougue revient dans les capriccios de la Fantaisie. Les partitions seront envoyées par la poste à Clara Schumann. Par la subtilité de son jeu, Hélène Grimaud nous peint toute une palette d’émotions, de sentiments. Les Intermezzi évoquent le calme, la tranquillité, la douceur un peu triste d’un été finissant. Et l’auditeur se laisse bercer par cette musique mélancolique. Brahms parlait «des berceuses douloureuses d’une mère malheureuse ou d’un célibataire inconsolable». La pianiste parvient à recréer cette atmosphère envoûtante, alliant fluidité et plénitude, si caractéristique de la musique de Brahms. Elle déploie toute son énergie dans les capriccios passionnés de la Fantaisie.
Accords puissants, rythmes volontiers frénétiques, staccatos acrobatiques, la Chaconne de J.S. Bach est un morceau de bravoure pour les pianistes comme pour les violonistes. La Chaconne est une danse importée en Europe aux 17ème et 18ème siècles depuis les colonies espagnoles d’Amérique. La chaconne la plus célèbre est celle de J. S. Bach, ultime pièce de sa 2ème Partita pour violon, composée entre 1717 et 1720. La transcription pour piano de Ferruccio Busoni date de 1897. Ce grand admirateur de J.S. Bach est resté fidèle à la partition originelle mais en amplifiant, développant l’harmonisation. Alors qu’elle puissance! Le piano s’empare de la salle, il devient presque orgue! Le rythme est celui d’une danse, la sensibilité du compositeur se dévoile dans les moments plus lents, très mélodieux, mais c’est la densité de cette musique qui frappe. Une densité renforcée par la gravité du jeu d’Hélène Grimaud. Une densité qui confère un coté rude , âpre, sombre parfois, à cette œuvre dédiée par Bach à sa première épouse décédée. Un calme étrange apparaît lors du solo de la main gauche, avant la reprise des accords si impressionnants du début. Le public aura été séduit par cette œuvre spectaculaire et d’une grande modernité.
Puissance et sensibilité, subtilité, élégance, le récital d’Hélène Grimaud nous a offert toute une palette de nuances et d’émotions pour le plus grand plaisir du public de la Philharmonie.
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