George Ka, chanter contre le vertige

Une silhouette, frêle, entre en scène. Les cymbales frémissent et glissent. Les trois parapluies blancs qui habillent le fond de scène s’illuminent en bleu, et une voix, grave et chaude, retentit. Elle parle, peint des poèmes. Elle dessine la grandeur du monde, et la petitesse de nos moi. Elle illustre combien tout est trop grand ici-bas pour toutes ces histoires, nos histoires, qui se retrouvent éparpillées sous chaque semelle de chaque passant•es qui frappe le bitume. Puis pendant plus d’une heure, elles nous en a raconté quelques-unes, des histoires.

Écrire pour conjurer le trop grand

La mise en scène, comme l’écriture, sont à l’épure. Le temps est passé, à nettoyer toute superficialité. Elle la dira d’ailleurs, à la fin du concert, sa reconnaissance à son public qui lui a donné le temps de (se) comprendre, de décrire, de composer. Sur scène, les parapluies colorent l’ambiance en fonction des chansons, et la douceur complice s’impose, tant avec le public qu’avec sa musicienne multi-instrumentiste (Olivia Martin). L’ambiance est enveloppante, comme un nuage. On est comme des enfants, assis•es sur un lit, à qui l’on conte. 

Impossible de savoir si la justesse de mots et des images que George Ka dépeint lui vient d’une généalogie de son prénom, mais à l’instar de George Sand, elle va à l’os de l’émotion contemporaine comme avec « 2000 âmes », qui ouvre le bal du concert, ou avec « Par avance », qui racontent « les after qui tachent », ces nuits qui empiètent sur les matins et qui tracent des sillons sous nos yeux et sur nos cœurs. 

Empreinte familiale et sociétale

Mais avec George Ka, même mes douleurs paraissent douces, comme caressées par les rythmes suaves et profonds de ses mélodies. On pense à Gaël Faye. Dans ses textes, on entend autant que l’on ressent que les piliers, les supports de nos existences sont partout. La famille tout d’abord, famille qui est dans la salle. Elle commence par nous parler de sa nièce (« Mononoké ») et de sa sœur (« Leni »), plus tard c’est sa mère et de son père (qui depuis la fosse a bien failli lui arracher des larmes) qu’elle chante. Et puis, elle parle de « Saigon », de la violence du passé colonial et de comment, aujourd’hui, les petits enfants essaient d’en faire des poèmes.

Elle nous raconte l’Espagne, comme une histoire d’amour au son de l’autoradio, les doutes qui surgissent quand les volets sont fermés, les copines qui sont toujours là pour aller danser (« Jolies personnes »), les carcans de la société, et l’éco-anxiété (« L’aube ou l’orage »). Conteuse à la voix grave et ciselée, George Ka nous embarque dans sa caisse – prêtez l’oreille, le motif de la voiture est omniprésent ! – et nous fait avancer par la gestuelle de ses mots.