Le 14 06 2025, Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle interprètent à quatre mains des œuvres pour piano de Bizet, Debussy et Ravel. Le même jour, le festival propose une version inédite des Variations Goldberg de J.S. Bach, jouées par deux marimbistes Conrado Moya-Sanchez et Kataryna Mycka.
Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle nous attendent à la Chambre de Commerce de Lille, un bâtiment néo-flamand construit au début du 20ème siècle. Au pied du fier beffroi, emblème de la ville, nous entrons dans un hall gigantesque surmonté d’une grande verrière avant d’arriver dans un petit auditorium aux couleurs bleue et orange. Ludmila Berlinskaïa sont un couple sur scène et dans la vie. Ils jouent ensemble, à quatre mains, depuis 2011, avec une tendre complicité.
Ce matin ils nous emmènent dans le monde des enfants avec des œuvres expressives, imaginatives, audacieuses. Georges Bizet a écrit Jeux d’enfant en 1871 alors qu’il allait bientôt devenir père pour la première fois. Douze courtes pièces dans lesquelles l’imagination est au pouvoir. L’auditeur reconnaît parfaitement le balancement de l’Escarpolette et le mouvement tourbillonnant de la Toupie. De délicates doubles croches semblent s’élever vers le ciel en toute légèreté : nous visualisons l’envol et l’éclatement des Bulles de savon. La pièce Colin-maillard se révélera être plus qu’un jeu : Bizet en fait un nocturne romantique. Les deux pianistes nous font ressentir la douceur et la tendresse du dialogue musical.
Claude Debussy composa sa Petite Suite entre 1886 et 1889. Une musique inspirée par le recueil de poèmes de Verlaine, Les fêtes galantes. Une œuvre nettement dédiée aux adultes! Mais l’auditeur sera séduit par la transparence, la limpidité de l’écriture pianistique de Debussy. Dans la pièce « En bateau » la fluidité des notes nous fait ressentir les mouvements de l’eau et de la barque. La mélodie interrogative, manifestement romantique, nous suggère une ballade amoureuse, rêveuse au fil de l’eau.
Maurice Ravel, quoique célibataire aimait beaucoup les enfants. Il a écrit Ma mère l’Oye pour son neveu et sa nièce, Jean et Mimi, il aimait tant raconter des histoires. Une œuvre destinée à être jouée par des enfants, avec simplicité. Une œuvre envoûtante restituant l’atmosphère des contes de notre enfance. Dans Petit Poucet on perçoit la douleur de l’enfant perdu et on devine le sautillement des oiseaux qui ont mangé les miettes de pain. Dans Les Entretiens de la Belle et de la Bête, l’auditeur peut suivre leur dialogue : La Belle chante avec douceur une mélodie dans les aigus qui s’oppose à la rudesse des accords graves et dissonants de la Bête. Jusqu’à une fin heureuse jouée, tout en délicatesse, par les deux pianistes.
Une curieuse Danse Hindoue de Cécile Chaminade sera jouée en bis pour conclure un concert réjouissant, un concert comme une bulle de bonheur.
Conrado Moya-Sanchez et Kataryna Mycka sont « marimbistes ». Ensemble, ils vont interpréter avec chacun(e) quatre baguettes une version pour deux marimbas des Variations Goldberg de J.S. Bach. Le marimba est un «cousin » du xylophone. Le clavier, de cinq octaves pour les plus grands, repose sur des résonateurs. D’origine africaine, l’instrument s’est développé en Amérique centrale, au Chiapas et au Guatemala en particulier.
Nous sommes dans la crypte moderne de la cathédrale de Lille, Notre Dame de la Treille. La crypte abrite depuis 2003 le centre d’art sacré, un lieu de rencontre entre la foi catholique et l’art contemporain. Le visiteur découvre des statues religieuses modernes dont un gisant exposé devant les marimbas et un grand crucifix au sol. Aux murs sont affichées les œuvres de l’artiste brésilien, arrêté sous la dictature, Sergio Ferro. Une atmosphère quelque peu oppressante qui va s’apaiser grâce à la sérénité de la musique de Bach.
Le son des marimbas rappelle celui du clavecin, mais il est plus rond, moins métallique, il résonne mieux et lors des fortissimo il évoque celui de l’orgue. Les Variations Goldberg apparaissent dans toute leur splendeur. Les marimbas allient la légèreté du clavecin et la profondeur de l’orgue. Cette version est une réussite aussi bien pour le rythme que pour la puissance sonore polyphonique ou la sensibilité mélodique. Conrado Moya- Sanchez et Kataryna Mycka sont des virtuoses. La dextérité avec laquelle ils manient leurs quatre baguettes est incroyable. Par leurs déplacements, le spectacle est aussi visuel. Les gestes de Kataryna Mycka sont ceux d’une danseuse, imprégnée par la musique, elle nous offre un véritable ballet.
Par leur virtuosité, leur sensibilité, leur complicité, les deux artistes ont séduit le public dans cette version inédite des variations Goldberg. Un concert inoubliable…
Visuel © : Lille pianos festival 2025. Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle.