Le Czech Philharmonic est l’invité de la Philharmonie de Paris. Sous la direction de Semyon Bychkov, il a joué le 22 mars 2024 le concerto pour violoncelle et la 8ème symphonie de Dvorak. Du même compositeur, il a joué le lendemain le concerto pour piano et la 9ème symphonie. Pablo Ferrandez et Bertrand Chamayou étaient les solistes respectifs des deux concertos.
Deux concerts entièrement consacrés à Antonin Dvorak! Pour cette occasion, la Philharmonie a invité le plus prestigieux orchestre tchèque. Le Czech Philharmonic a été crée en 1894 et réside au Rudolfinum à Prague. Dvorak et Mahler ont dirigé leurs propres œuvres avec cet orchestre. Semyon Bychkov en est le directeur musical depuis 2018. Né à Leningrad en 1952, formé au conservatoire de Leningrad, il quitte l’URSS en 1974 et devient citoyen américain en 1983. Il dirigea l’Orchestre de Paris de 1989 à 1998.
Quelques années seulement séparent la composition du concerto pour violoncelle et celle de la 8ème symphonie, mais l’atmosphère des deux œuvres est bien différente. Le concerto pour violoncelle, en si mineur, est une œuvre mélancolique. Écrite en 1895 lors des derniers mois du séjour en Amérique de Dvorak, elle est marquée par la nostalgie de sa Bohème natale. Le compositeur était également inquiet de l’état de santé de sa belle sœur, et amour de jeunesse, Joséfina. Pour elle il incorporera au concerto une mélodie qui lui était chère, «Lass mich allein, laisses moi seul». La 8ème symphonie a été composée en 1889 à Vysoka, le village de Bohème où Dvorak aimait se retirer. Elle est joyeuse, lumineuse, inspirée par la nature et la vie champêtre.
Ce concerto, un incontournable du répertoire pour violoncelle, est une œuvre à la fois virtuose, sensible, émouvante. Elle met en valeur le talent de Pablo Ferrandez, l’étoile montante parmi les violoncellistes solistes internationaux. Une longue introduction orchestrale inaugure le premier mouvement. Le premier thème est introduit par la clarinette, le deuxième par les cors, avec une grande douceur. Les instruments à vent sont aussi les solistes du concerto! L’entrée du violoncelle est majestueuse. Le jeu de Pablo Ferrandez est très expressif, il étreint son instrument, fait corps avec lui. Des moments de grande énergie avec des accents martiaux alternent avec des périodes de grande douceur. Le chant du violoncelle est superbe, émouvant, souvent accompagné par la flûte. La clarinette et deux bassons introduisent l’adagio ma non troppo. L’entrée du violoncelle est langoureuse, la musique est lente, nostalgique. Après des accents tragiques de l’orchestre, le violoncelle devient poignant. Telle une figure christique, Pablo Ferrandez paraît incarner toute la douleur présente dans cette musique. Le violoncelle est bientôt rejoint par la flûte puis la clarinette qui paraissent alléger la peine, l’atmosphère devient recueillie, le mouvement se terminant dans un murmure. La puissance de l’orchestre éclate dans le finale. C’est une marche triomphale, peut être celle du retour au pays. Elle contraste avec les moments de grande douceur laissés aux solos du violoncelle. Une longue note tenue précède le déchaînement final. Spectaculaire!
Créée à Prague en 1890 et à Londres l’année suivante, la 8ème symphonie connaîtra un grand succès. Elle sera un tremplin pour la carrière du compositeur. Ce soir le chef Semyon Bychkov l’interprète avec fougue, énergie et sans partition…
La joie, le dynamisme caractérisent l’allegro con brio initial. L’orchestration est surprenante, imaginative. L’auditeur remarquera le chant de la flûte qui évoque celui des oiseaux et celui très beau, très romantique des cors. Nous pouvons imaginer une fête champêtre. Puis la musique devient entraînante, triomphale. A la fin du premier mouvement l’ambiance est celle d’une fanfare. Le lyrisme domine l’adagio. Complaintes des cordes, recueillement lorsque l’orchestre se fait grave, émotion lors du solo de clarinette, l’atmosphère est changeante mais sans tristesse excessive. L’allegretto grazioso a l’allure d’une valse. L’ambiance est très viennoise, la musique est élégante, aimable, réjouissante. Le final débute par l’entrée solennelle des trompettes. Il est tout en contrastes. Il existe des moments mélodieux romantiques, qui invitent à une ballade dans une campagne riante mais aussi un thème martial. La marche est rythmée, spectaculaire conduisant à un emballement vertigineux de la musique. Vigueur et précipitation culminent dans le tourbillon final.
Une très belle idée que ce week-end de concerts en hommage à Antonin Dvorak et au Czech Philharmonic. Outre l’unité du concert, l’auditeur sera séduit par l’équilibre, l’intensité émotionnelle du concerto et par la richesse de l’orchestration de la symphonie.
Visuel ©: JMC