Le Théâtre de la Cité internationale a présenté, dans le cadre du 90e anniversaire de la Fondation suisse, la pièce de Daniel Hellmann intitulée en anglais Dear Human Animals. Une performance, dans tous les sens du terme, du chanteur-pianiste drag queen, bête de scène zoomorphe, militant convaincu et convaincant pour la cause animale.
Le plateau austère du TCI est transformé en boîte de nuit grâce à la scénographie et aux lignes géométriques lumineuses de couleurs variables de Theres Indermaur. Un clip vidéo signé Aron Smith et Olivia Schenker annonce allègrement le programme et présente le… présentateur, auteur et acteur du spectacle, en l’occurrence Soya the Cow, créature hybride, mi-homme, mi-femme, mi-mannequin, mi-Walkyrie. Notre héros se met d’emblée le public dans la poche en l’interpellant à la manière cabaretière d’un Aristide Bruant ou, plus près de nous, comme le suggère Fabien Rivière, d’une Valeska Gert.
Sauf que la cause n’est plus celle du peuple – du petit peuple de Montmartre parlant et chantant en argot, des Lumpen et de la canaille du Berlin de la Dépression – mais de l’animal. Il faut dire qu’au pays des alpages la vache est aussi sacrée qu’en Inde. Mais, comme le précise Soya, toutes les vaches ne vivent pas dans le paradis alpin. Dès lors, le traitement réservé aux bêtes n’a rien d’enviable. Un film tourné clandestinement dans une ferme d’élevage respectant pourtant les lois suisses sur la protection animale, moins choquant que le livre The Jungle d’Upson Sinclair sur les abattoirs de Chicago et des films comme Le Sang des bêtes, de Franju ou Okja de Juwan Chung, pointe la question de l’enfermement ou de l’encagement d’une truie.
Malgré le discours militant, forcément culpabilisant, le va-et-vient entre la lamentation et le tape-à-l’œil, le spectacle de Daniel Hellmann est une réussite. Les raisons en sont simples : la vivacité d’esprit, la sympathie avec la salle, la participation sollicitée et obtenue sans peine le partagent avec le talent du chanteur. Plus qu’une série de monologues ou de discours pour meeting politique, Dear Human Animals est surtout un excellent tour de chant.
La voix de l’interprète est ample, grave, toujours juste. Le répertoire va de la variété internationale à la techno. Certaines intonations, certains passages, certaines chansons font penser à Nina Hagen et d’autres à Elton John. Hellmann se révèle un très bon pianiste et, qui plus est un interprète maîtrisant le yodle ! Dans la feuille de salle, il déclare : « La musique a cette capacité magique de (…) faire résonner et réfléchir [raisonner], mais aussi d’ouvrir une porte et toucher profondément… »
Visuel © Olivia Schenker.