Le 28 mars 2025, à l’Auditorium de Radio France, l’Orchestre National de France interprète la 9ème Symphonie de Gustav Mahler, sous la direction du chef italien Daniele
Il a passé huit ans à la tête de l’Orchestre National de France ! Né à Milan le 6 11 1961, diplômé du conservatoire Giuseppe Verdi de Milan, il a dirigé l’Orchestre National de France de 2008 à 2016. Directeur musical du Teatro dell’Opera de Rome de 2019 à 2021, puis de la Staatskapelle de Dresde depuis septembre 2024, il revient, à Paris, pour une série de trois concerts avec l’Orchestre National de France le 28 mars et le 2 avril à Radio-France, le 5 avril au Théâtre des Champs Élysées.
Une seule œuvre est au programme du concert de ce soir, mais il s’agit d’une épopée symphonique, du récit de toute une vie. La 9ème Symphonie de Gustav Mahler dure 1h20. Composée pendant les étés 1909 et 1910, elle ne sera créée qu’en 1912, un an après la mort du compositeur, par Bruno Walter et l’Orchestre Philharmonique de Vienne. Les années précédentes avaient été tragiques pour le compositeur avec la mort de sa fille Maria en 1907. La même année, on lui découvre l’affection cardiaque dont il décédera. Il doit démissionner de la direction de l’opéra de Vienne, victime de critiques constantes et d’attaques antisémites. La 9ème symphonie, dernière œuvre achevée de Mahler, terminée moins d’un an avant sa mort, s’avère à la fois sereine et tragique. Elle est à la fois un chant d’amour à la terre, une résignation à la mort, un adieu à la vie. Cette symphonie immense, complexe, est dirigée sans partition par Daniele Gatti. Il insuffle à l’orchestre précision et grandeur, énergie et sensibilité.
Après l’atmosphère mystérieuse des premières mesures, le thème de l’Andante comodo se développe dans une lenteur sereine, réconfortante. Ce premier mouvement est riche de ses contrastes : la délicatesse des pianissimos déclinés par les harpes et les violons alternent avec les emballements de l’orchestre, conduisant parfois à une polyphonie chaotique. Cet andante est d’une exceptionnelle intensité émotionnelle, bien mise en valeur par l’interprétation de Daniele Gatti. Ainsi s’enchaînent la douceur d’un chant d’amour de la terre, des grands élans passionnés, des moments de colère et de révolte. Mahler ne cesse de nous surprendre, comme lorsque les cuivres lugubres, solennels, annoncent le funèbre convoi funéraire. Puis la clarté du chant de la flûte apporte un réel soulagement, annonçant une coda apaisée, comme une réconciliation avec la vie, une harmonie retrouvée avec la nature.
Le deuxième mouvement est à la fois champêtre et viennois. Il débute par un rythme entraînant de danse populaire puis s’ébauche une superbe valse. La musique est charmante, réjouissante. L’orchestration reste innovante, les changements de rythme nombreux. L’auditeur remarquera le duo de la flûte et de la clarinette et surtout les très beaux solos de basson. Puis les cors, les tubas, les violoncelles se succèdent dans une fin délicate, malicieuse, pleine d’humour.
Le Rondo Burlesque débute par une brève interrogation des trompettes et des cors. Dans ce troisième mouvement, le rythme est d’emblée précipité, heurté, les dissonances sont plus nombreuses. Les cordes et les cuivres se répondent. Grâce à sa rythmicité, la musique nous imprègne telle une mélopée. L’orchestration, très moderne, nous surprend, nous séduit jusqu’au tourbillon final très spectaculaire.
Dès le début de l’adagio final, l’auditeur est ému par les longues phrases mélodieuses, très romantiques. Cette musique nous enveloppe, nous envoûte par sa gravité, par son intensité émotionnelle. Elle incite dans ses moments pianissimo au recueillement, à la méditation. Le compositeur nous offre des envolées lyriques , de grandes vagues orchestrales, traduisant un élan vital, un hymne à la vie et à la nature, comme dans le premier mouvement. Puis surgit un moment dramatique, asséné par les cymbales et les timbales, aboutissant au cri déchirant des violons. Ultime cri de révolte avant l’apaisement final. Les notes deviennent faibles, éparses, isolées, jouées par les violons ou les violoncelles. La mélodie n’est plus que murmurée. Nous sommes dans un quasi-silence. Cet adieu nous élève vers une transcendance. La dernière note est suivie d’un indispensable silence recueilli. Les adieux de Gustav Mahler à la vie sont inoubliables.
Daniele Gatti et l’Orchestre National de France nous offre une interprétation colorée, passionnée même de cette foisonnante et tellement expressive 9ème symphonie.
Visuel(c): JMC