Sur un programme Wagner puis Strauss, purement instrumental, Daniele Gatti dirigeait lundi soir à la Philharmonie, l’orchestre de l’Opéra de Paris. Une soirée en demi-teintes un peu décevante par manque de dynamisme et de couleurs, notamment dans Wagner.
En remplacement d’un concert de l’orchestre de l’Opéra de Paris alors dirigé par son directeur musical et sur un programme Debussy et Chostakovitch, annulé suite à la démission de Gustavo Dudamel, Daniele Gatti avait pris les rênes lundi soir pour quelques extraits sans paroles de Wagner et Strauss.
Choisir plutôt un programme lyrique était sans doute davantage dans l’ADN d’un orchestre habitué à la fosse. Quitte à interpréter en première partie quelques courts morceaux, adaptés pour l’orchestre, des grandes pages de Götterdämerung, il serait préférable nous semble-t-il, de garder une certaine cohérence et ne pas se contenter de quatre épisodes épars : le « Lever du Jour » (extrait du Prologue), le « Voyage de Siegfried sur le Rhin » (interlude), la « Mort de Siegfried » et la « Marche Funèbre » qui suit, deux épisodes du troisième acte.
Daniele Gatti a disposé l’orchestre en répartissant les violons (premiers et deuxièmes) tout au long de l’ensemble, ménageant une place de choix aux violoncelles placés au milieu et devant le chef qui s’appuie sur la phalange des clés de fa pour donner rythme et couleur à ces superbes mélodies. Il n’est pas le seul à procéder ainsi et cela conduit en principe à privilégier les accents graves de la partition, renforcés par les huit contrebasses placées à gauche et en hauteur et par les multiples timbales et autres percussions qui dominent le tout.
Wagner joue merveilleusement bien du contraste cuivres/cordes, les thèmes (de Siegfried, du Rhin, de l’anneau) étant joués par des instruments solistes tandis que l’orchestre oscille sans cesse entre les uns et les autres.
Si Daniele Gatti est un chef qui a souvent dirigé des opéras de Wagner, cela n’en fait pas pour autant une référence évidente : il privilégie des tempi très lents, gommant souvent les couleurs indispensables au déroulé du drame, le lyrisme nécessaire n’est pas toujours au rendez-vous et l’ensemble s’avère le plus souvent décevant par manque de dynamisme malgré la qualité des différents pupitres.
En deuxième partie, « Une vie de Héros », poème symphonique de Richard Strauss n’est pas l’adaptation d’un opéra même s’il narre une histoire précise. Les six mouvements racontent en effet les affres de la composition musicale, avec des accents souvent très martiaux, et quelques belles pages remplies de douceur comme le célèbre solo de violon qui évoque la femme du compositeur dans la « compagne du héros » (troisième mouvement), tandis que « l’œuvre de paix du héros » (cinquième mouvement) reprend de nombreux thèmes d’œuvres antérieures de Strauss.
Daniele Gatti, nettement plus inspiré après l’entracte, nous donne un récit plus contrasté et plus animé où le déchainement orchestral particulièrement impressionnant du « Champ de bataille du Héros » (4e mouvement) trouve ampleur et écho dans l’acoustique privilégiée de la Philharmonie de Paris.
Et l’on se laisse plus volontiers conduire dans les méandres de ce « Héros » jusque dans son « retrait et accomplissement » (dernier mouvement), l’ensemble du poème étant joué sans la moindre micropause, dans une continuité plutôt bienvenue. L’orchestre de l’Opéra de Paris a beaucoup joué Richard Strauss sous la houlette de son précédent directeur, Philippe Jordan, ses opéras (Salomé, Elektra, Ariadne auf Naxos) mais aussi sa fameuse « symphonie alpestre » et nul doute que l’orchestration du compositeur lui convient parfaitement.
Malgré tout, ce poème symphonique étant l’un qui possède le plus de références anciennes ou récentes de prestige (dont l’extraordinaire interprétation de Kirill Petrenko avec les Berliner qui ouvrait la saison de la Philharmonie de Paris), la prestation offerte lundi soir, ne restera pas forcément dans les mémoires au-delà de la soirée elle-même.
Visuel : © orchestre de l’Opéra de Paris