Le 24 et 25 septembre 2024, à la Seine Musicale, Insula Orchestra interprète le concerto pour piano N°1 de Frédéric Chopin avec Lucas Debargue au piano et la 4ème symphonie de Robert Schumann.
Pour ouvrir la saison des concerts, Laurence Equilbey a choisi deux œuvres majeures du répertoire romantique. Chopin n’avait que 20 ans lorsqu’il composa, en 1830, son concerto pour piano N°1, une œuvre de jeunesse qui se révélera être un chef d’œuvre. Sa création, avec le compositeur au piano, le 11 octobre 1830 au théâtre national de Varsovie sera un succès. Rétrospectivement on ne peut imaginer ce concert qu’avec émotion. La révolte de la Pologne contre l’occupant russe grondait et Chopin va quitter Varsovie le 29 Novembre pour Vienne puis Paris. Il ne reverra jamais son pays natal. Ce soir le concerto est interprété, sur un Pleyel datant de 1892, par le pianiste Lucas Debargue surnommé à 34 ans «l’ambassadeur français du piano romantique». Il débute le piano à l’âge de 10 ans et se consacre à la musique après des études de littérature et de philosophie. Lauréat du concours Tchaïkovski en 2015, il se lance alors dans une carrière internationale de soliste.
La 4ème symphonie de Schumann a été composée en 1841, chronologiquement c’était donc sa deuxième symphonie. Schumann a voulu renouveler l’art de la symphonie. L’œuvre obéit à un principe cyclique: les principaux thèmes circulent à travers les quatre mouvements joués sans interruption. Cette musique innovante ne fut pas comprise par le public. Nous entendons ce soir la 2ème version, celle de 1851, jouée par Insula Orchestra sur instruments d’époque.
Le concert N°1 de Chopin est une musique séduisante, alliant virtuosité et sensibilité, fougue et tendresse. Lors de la longue introduction orchestrale, le chant des violons et des violoncelles alterne avec les accents des cuivres et des percussions. Puis le calme revient préparant l’entrée du piano. Quelques accords plaqués et le pianiste reprend le thème, une mélodie pure, limpide. Les notes coulent avec légèreté sous les doigts de Lucas Debarque. Le rôle du piano est primordial, souvent simplement soutenu par les cordes ou les cors, mais les puissantes reprises de l’orchestre au complet insufflent un souffle romantique à ce premier mouvement. Le larghetto est une romance qui débute avec la douceur des violons et des violoncelles. Puis les cors annoncent le piano: la mélodie est délicate, assurément romantique, subtilement nostalgique. L’auditeur se trouve emporté par «cette sorte de rêverie au clair de lune lors d’une belle soirée de printemps». Le rondo final s’inspire du «Krakowiak», une danse traditionnelle polonaise, joyeuse et brillante. Le rythme est vif, syncopé, la virtuosité du pianiste impressionnante. Piano et orchestre se répondent par courtes séquences jusqu’aux grandioses accords finaux.
Lucas Debargue a interprété ce concerto avec justesse et équilibre. Il nous a transmis le souffle romantique de l’œuvre avec une subtile retenue. Mais il est aussi compositeur. Comme bis, il a joué une Mazurka composée tout récemment , une œuvre rythmée et harmonieuse. Une belle surprise!
Laurence Equilbey dirige avec dynamisme et détermination la quatrième symphonie de Robert Schumann. Le grondement des timbales plonge immédiatement le public dans l’ambiance de cette puissante œuvre orchestrale. Une introduction solennelle, majestueuse conduit à une brusque accélération. Les cordes s’emballent avant d’exposer le thème qui nourrit le premier mouvement. Un premier mouvement dominé par la joie, l’énergie, les accents vigoureux presque martiaux. Le deuxième mouvement s’enchaîne sans interruption. Les violoncelles et les haut bois présentent le thème. Un très beau duo pour une si belle mélodie, romantique, apaisante. Elle sera ensuite reprise par le premier violon dans un solo remarquable. La musique est circulaire, enveloppante évoquant un éternel retour. Encore une rupture, avec le scherzo qui est éclatant, rapide, joyeux, brièvement interrompu par un trio souriant, très coloré. Le mouvement final, plus long, débute par quinze mesures lentes. Cette introduction est impressionnante, majestueuse. Les cuivres résonnent et procurent une sensation de puissance,de triomphe. Puis tout s’accélère à nouveau. Le presto est spectaculaire, réalisant un grand moment de musique symphonique. Toujours plus vite, toujours plus fort grâce aux percussions jusqu’à une fin joyeuse et éclatante.
Après cette musique triomphale, Laurence Equilbey nous propose Träumerei, rêverie de Robert Schumann en version orchestrale. Une douce rêverie à emporter avec soi en souvenir de ce concert.
Visuel(c): JMC