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Tanguy de Williencourt interprète Franz Liszt à la Salle Cortot, indiscrétion romantique sur le fil

par Theo Guigui-Servouze
10.12.2024
© Julien Benhamou

Le XIXe siècle n’aurait pas été sans Franz Liszt. Musicien virtuose, compositeur novateur, voire disruptif, chef d’orchestre… Une bête de scène, artisan et victime consentante de son succès. Tanguy de Williencourt reprend quelques-unes des perles précieuses offertes à ses conquêtes, ces « Muses » (Mirare production), titre de son dernier album, présenté Salle Cortot le 2 décembre à Paris.

À seulement 34 ans, Tanguy de Williencourt, à l’image du maître qu’il reprend, n’a pas à rougir de son parcours. Il a récemment œuvré aux côtés de Michael Schonwandt à la création de l’opéra Falstaff. Outre sa tournée avec l’Opéra du Rhin pour la pièce « Nous ne cesserons pas » de Bruno Bouché, il s’est déjà produit dans un nombre impressionnant de salles partout dans le monde, en Europe et jusqu’au Brésil. Depuis 2021, il enseigne le piano au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Il a également été nommé chef de chant par Gustavo Dudamel à l’Opéra de Paris en 2022. Dans son tout dernier album il reprend des chefs d’œuvre de Franz Liszt (1811-1886), figure de proue du romantisme, fougue et subtilité, voire recueillement, se mêlent, se complètent.

« Rêve d’amour »

« Liebestraum n°3 S. », ce nocturne par lequel commence le soliste, plonge subtilement dans le romantisme, mouvement dans lequel s’est illustré Liszt, avant de devenir précurseur de l’impressionnisme, qui colorera le classique depuis, et après lui. De Williencourt, par ce morceau en trois mouvements, emmène progressivement son public dans les empressements et les atermoiements de l’amour. L’amour purement romantique. De la douceur des préludes à l’épanchement. Le cadre intime, rapproché, de la Salle Cortot, permet d’emblée de s’immiscer dans ce rêve. À un moment, cette réflexion musicale sur l’amour éternel, transcendantal, qui lui a été inspirée des poèmes d’Uhland et de Freiligrath, prend un tournant plus dramatique. Le temps d’un instant, c’est le vertige qui prédomine. L’angoisse du « total », de l’abandon au sentiment, à celle ou à celui à qui on les voue. Quelques mesures plus aiguës, assez limpides dans leur illustration de cette crainte, partagée par le compositeur, le public, l’humanité peut-être, marquent le coup, bien que le doigté du pianiste demeure léger. Puis, comme une réminiscence du premier mouvement, le calme revient. Quelques aigus persistent, une coda expressive mais rassurée domine. Lente, grave, voire sombre, ce sont les dernières notes qui clôturent ce rêve d’amour. N’est-ce pas des ténèbres que jaillit la lumière ?

Les vertiges de l’amour avec Marie d’Agoult

Bien que n’étant pas issus du même milieu social, qui « conditionne tout » au XIXe siècle, quand la comtesse Marie d’Agoult (1805-1876) et Liszt se rencontrent en 1833, une évidence les aimante l’un à l’autre. « Vivons bien, vivons cachés », le couple se lance dans un pèlerinage dans les Alpes. France, Suisse, Italie…, ils traversent la richesse des paysages que leur périple propose et dont le compositeur, par ses créations, dispose. La Suisse lui aura inspiré trois pièces qui expriment l’essence de ce qu’est le pianiste et le compositeur star. De Williencourt, en préambule, nous dévoile que, dans ses mémoires, « Au lac de Wallenstadt », première étape de l’amour en fuite de Franz et Marie, elle écrira dans ses mémoires à l’hiver de sa vie, que ce morceau l’aura faite pleurer, chaque fois qu’elle l’aura écouté.

 

Dévoilant les débuts de ce dont il a été précurseur, à savoir la texture impressionniste qu’il commence à injecter à des compositions telles que « Au bord d’une source », notamment, second morceau de cette errance entre amoureux. Pas si solitaire, le couple aura trois enfants, dont Cosima, future compagne de Wagner. Enfin, la « Vallée d’Obermann », point d’orgue de cette première et riche année de vagabondage, découle un questionnement métaphysique, mais aussi très organique de Liszt, qui, contemplant la nature offerte, réfléchit à la place de l’homme dans cette nature.

Amour et mysticisme – la chair et l’esprit

En 1847, Liszt fait la rencontre de la princesse Caroline de Sayn-Wittgenstein (1819-1887) à Kiev. La passion qui naît de cette rencontre est amoureuse, mais aussi spirituelle. Inspiré par cette nouvelle muse, toujours aussi habité par le romantisme, il reprend les « Harmonies poétiques et religieuses », titre directement emprunté au recueil de Lamartine (1790-1869). « Bénédiction de Dieu dans la solitude », traduit le choix de Tanguy de Williencourt de mettre à l’honneur les femmes qui ont participé à la réflexion profonde et complexe du compositeur quant à son œuvre et ce qui l’a enrichi. Enchaînant les tournées telles des « superproductions », cela éclipsait souvent ses préoccupations philosophiques et mystiques réellement présente et aussi rutilantes que la virtuosité et la théâtralité dont il faisait preuve. De Williencourt déploie cette réflexion glissante, dont les doutes et les éclaircies ne peuvent s’affronter que sur le terrain de la douceur, une douceur difficile, à la fois mélancolique, mais jamais trop longtemps, au début de la pièce notamment. Elle s’évade vite de la torpeur vers des envolées, des révélations ? Le soliste est en force et en délicatesse.

 

La relation entre la princesse et le pianiste, deux érudits, deux croyants, on le sent, sous les doigts de De Williencourt, laisse l’espace à une exploration plus intériorisée de Liszt. Moins démonstrative, il n’a plus à faire ses preuves. La maîtrise, le tournoiement, l’entêtement léger de Liszt dans sa quête spirituelle — à noter qu’il a été nommé abbé mineur — sont palpables. La princesse Caroline est muse, certes, mais différemment de Marie.

Sonate infernale et révolutionnaire

Enfin, pièce majeure parmi les nombreuses que l’on doit au génie hongrois : « la Sonate en Si mineur », sonate unique dans l’œuvre colossale de Liszt, dure près de trente minutes. Une fois encore, il se démarque. Les trois ou quatre mouvements qui sont l’usage dans la composition d’une sonate sont ici rassemblés en un seul et même mouvement. Tout y est, tout de Liszt, tout de Tanguy. Trente minutes pour une vie. Il y a de l’ombre, il y a de la lumière. Il y a l’inquiétude d’une vie d’artiste et d’homme, tiraillé par sa foi, toute mystique, et son amour inextinguible, terrien, mais non moins empreint de mysticisme, pour les femmes. Après tout, elles sont devenues ses muses, l’impulsion de nombre de ses créations. Une lutte dont seul le génie connait le récit sous-jacent, n’ayant laissé aucune explication quant sa signification. La « Sonate en Si mineur » est une page emblématique pour tout soliste. La prouesse de Liszt, en termes de construction, d’unification des mouvements distincts d’une sonate classique, est encore une fois une impulsion purement romantique, remarquablement interprétée par De Williencourt, qui transporte son public au cœur des affres délicieux qui taraudèrent le compositeur. Il insuffle tourments et soulagement. Pour ce qui est de la « révélation »… elle est propre à chacune, à chacun.

 

Force est de constater qu’au-delà d’avoir fait ses classes, Tanguy de Williencourt, en s’éprenant de Liszt, savait pertinemment que cette idylle artistique le mènerait dans des abîmes et des éclats pareils. Sans « s’approprier » l’œuvre de Liszt — car il ne semble pas que ce soit son intention — les préludes qu’il a à cœur de communiquer à son public ce soir-là, pour narrer et contextualiser ses choix, donnent plus l’impression d’un jeune maître humble, qui pourrait se permettre un excès de zèle, de confiance en lui ce à quoi il ne cède pas. Ni en jouant, ni en nous transmettant la Genèse de son admiration et de ce projet musical à présent concret. L’humilité est ici la véritable porte d’entrée dans l’interprétation, en toute simplicité, d’une œuvre qui ne l’est pas. Elle est mise à disposition, elle émane même de Tanguy de Williencourt. Le jeune soliste est généreux et contemporain, signe qu’il a tout d’un grand, de son siècle.

Album disponible sur Mirare Production et toutes les plateforme de téléchargement.

 

« Muses », récital de Tanguy de Williencourt consacré à la musique de Franz Liszt

•⁠  ⁠Liebestraum n.3 « rêve d’amour » (4’)

•⁠  ⁠Au lac de Wallenstadt (3’)

•⁠  ⁠Au bord d’une source (4’)

•⁠  ⁠Vallée d’Obermann (14’)

•⁠  ⁠Bénédiction de Dieu dans la Solitude (16’)

•⁠  ⁠Sonate en si mineur (29’)