Saintes : L’ensemble Pulcinella en vedette à l’Abbaye aux Dames

Les responsables de l’Abbaye aux Dames ont eu une excellente idée en invitant l’ensemble Pulcinella et sa cheffe et fondatrice à Saintes. Le programme du premier concert de Pulcinella était consacré à la musique flamande. « Je voulais mettre en avant des compositeurs méconnus et rendre hommage à Phillipe Herreweghe » nous dit Ophélie Gaillard pendant le concert. « et nous avons l’honneur d’accueillir l’excellente Sandrine Piau et Emmanuelle de Negri qui ont parfaitement intégré ce programme peu commun. Et je les en remercie ».

Une abbesse au programme de Pulcinella

On sait peu de choses sur la compositrice Anna Maria Von Raschenau (1650-1714). On sait cependant qu’elle entra dans les ordres au couvent Saint Jakob auf der Hülben de Vienne ou elle fut cheffe de chœur puis chanoinesse et enfin abbesse. Cela étant dit, elle ne fréquenta jamais la cour impériale pourtant toute proche du couvent ou elle vivait. A l’image d’Hildegarde Von Bingen (1098-1179) elle ne composa que des œuvres de musique religieuse (la ressemblance entre les deux femmes s’arrête ici d’ailleurs). Ophélie Gaillard a programmé deux extraits d’un oratorio de la Dame : Oratorio pour le sacre de Saint François d’Assise. Le premier aria « Deh racontatemi la morte » est interprété avec maestria par une Sandrine Piau très en voix. Si le texte passe très mal sous les voûtes de l’abbaye aux dames, la musique, elle, envahit le monument sans efforts. Le second aria « Qui è sembianza di quel bene » est quant à lui interprété alternativement par Sandrine Piau et Emmanuelle de Negri de fort belle manière. L’élégance des timbres, la diction, le phrasé, les nuances et les tempos étaient quasi parfaits.

Joseph Marie Clément Ferdinand Dell’Abaco (1710-1805) : quatre œuvres pour violoncelle seul choisies dans un imposant corpus

Ce compositeur né à Bruxelles et mort à Arbizzano (Italie) était aussi violoncelliste ; ce qui explique qu’il composa un grand nombre d’œuvres pour cet instrument. Violoncelliste elle aussi, Ophélie Gaillard a sélectionné quatre caprices de Dell’Abaco (les N°1, N°2, N°4 et N°5) qu’elle a judicieusement inséré entre deux œuvres vocales afin de permettre à Sandrine Piau et Emmanuelle de Negri de prendre quelques minutes de repos. Très inspirée, Ophélie Gaillard a interprété ces quatre courtes œuvres avec recueillement ; elle utilise des nuances et des tempos idéaux permettant au public de rester dans une forme de méditation propice au « mode » religieux du concert.

Joseph Hector Fiocco (1703-1741) : lamentations issues des leçons des ténèbres

Troisième compositeur du programme, le second flamand (d’origine italienne lui aussi) de la soirée, Joseph Hector Fiocco (1703-1741) est né et mort à Bruxelles qui fit longtemps partie des Flandres espagnoles. Mort très jeune (à seulement 38 ans), Fiocco a quand même laissé un important corpus de musique religieuse. Pour ce nouveau programme Ophélie Gaillard a choisi des extraits des Leçons des Ténèbres (celles de Couperin sont bien sur les plus connues mais d’autres compositeurs s’y sont essayé). Là encore Sandrine Piau et Emmanuelle de Négri ont alterné pour chanter ces lamentations. Sandrine Piau interprète la première lamentation pour le Mercredi Saint avec une belle simplicité ; là encore nous regrettons que le texte soit si peu compréhensible (ne serait il pas possible de mettre des sous titres pour pouvoir suivre un minimum?) mais quel bonheur d’écouter une si belle lecture de cette œuvre si peu connue. Elle interprète avec la même simplicité et la même rigueur la première lamentation pour le jeudi saint tandis qu’Emmanuelle de Négri chante la deuxième lamentation pour le jeudi saint et la deuxième lamentation pour le vendredi saint. Les belles voix de Piau et de De Négri donnent à ces lamentations des couleurs méditatives peu communes.

C’est un beau concert auquel nous avons assisté en ce dimanche de juillet. La réunion dans une même soirée de deux de nos plus belles artistes a contribué à faire passer un excellent moment à un public enchanté venu nombreux à l’Abbaye aux Dames de Saintes.