Saintes : Le Poème Harmonique rend hommage à la Saine Vierge

Un souffle nouveau à l’Abbaye aux Dames

On ne peut que saluer la volonté des responsables de l’Abbaye aux Dames et de sa directrice artistique éphémère, Ophélie Gaillard. En effet, depuis 2022, la volonté de l’équipe dirigeante est de nommer un ou une directrice artistique pour le festival de Saintes pour deux éditions. Cela évite l’installation d’une routine et permet la venue à Saintes d’une jeune génération d’artistes, mais aussi d’inviter des têtes d’affiche qui ne sont jamais venues au festival tout en continuant à inviter des artistes de la nouvelle génération. Et depuis l’an dernier la violoncelliste excelle à renouveler les musicien.ne.s programmés à ce Festival de tradition ancienne, dans tous les sens du terme.  Ainsi de Vincent Dumestre et du Poème Harmonique dont c’était le baptême !

Vierges en majesté et en deuil

Dès les premiers siècles de la religion chrétienne, le Stabat Mater et les œuvres mariales ont été mis en musique maintes fois. Si les noms de certains compositeurs se sont perdus avec le temps, leurs œuvres ont, elles survécu et sont parvenues jusqu’à nous. Et Vincent Dumestre a réussi son pari en montant un programme original avec de très beaux artistes  pour donner vie aux œuvres dont on ne connaît pas toujours les créateurs. Pour marquer les esprits, Vincent Dumestre et ses musiciens remontent la nef centrale en interprétant un Stabat Mater dont le compositeur est anonyme et enchaînent avec une tarentelle intitulée « Mo’è Benuto il giovedi Santo » également d’un compositeur anonyme. La joyeuse procession monte ainsi sur le plateau installé juste devant le maître autel ou les trois solistes masculins (Serge Goulbioud, Hugues Primard et Emmanuel Vistorky) entonnent un troisième Stabat Mater connu sous le nom de Manuscrit de Monopoli. Pour mettre l’orchestre en valeur, Vincent Dumestre dirige un concerto de Francesco Durante (1684-1755) : Concerto per quartetto N°1 en fa mineur. La belle présence de l’orchestre et la direction ferme, nerveuse, dynamique de Dumestre donnent un rythme et un souffle nouveaux à la soirée avec une coupure « profane » bienvenue au milieu de tous ces hommages à Marie, la Sainte mère de Jésus Christ.

Pergolèse, toujours aussi sacré

Après un troisième anonyme : le Manuscrit d’Ostuni, la soprano Hasnaa Bennanni et la jeune et séduisante mezzo soprano Eva Zaicik arrivent pour interpréter le Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736). Ce Stabat Mater a été composé par un Pergolèse très affaibli par la maladie – il est mort peu après la création de son ultime chef d’œuvre. L’on peut s’étonner de voir un Stabat Mater composé pour deux voix solistes féminines (qui contraste assez fort avec celui de Gioachino Rossini (1792-1868) par exemple ou l’on voit un quatuor de solistes, un chœur et un orchestre importants). Mais Pergolèse qui se savait condamné voulait une œuvre aussi simple et modeste que possible pour se rapprocher de Dieu et entrer en paradis. La lecture de Vincent Dumestre  n’est pas si austère qu’on aurait pu le penser et s’élève sous les voûtes de l’abbaye tel une prière fervente. Les tempos et les nuances sont parfaits et les voix des deux jeunes femmes s’élèvent et tournoient dans la nef avec ferveur chaque aria, chaque duo étant interprété sans fioriture ni excès.

Si Vincent Dumestre aurait pu prendre la parole un peu plus tôt dans la soirée pour expliquer les processions qui se déroulaient à Naples et dans ses environs, il nous a proposé avec ses musiciens un concert exceptionnel dont l’austérité « naturelle » a été gommée par la fameuse tarentelle d’entrée qui a permis au public de voir instrumentistes et solistes de près pendant un court moment. Le point d’orgue étant le Stabat Mater de Pergolèse merveilleusement interprété par deux artistes très en voix.