Le célèbre ténor français Roberto Alagna a fait une incursion remarquée au festival de musique sacrée de Rocamadour. Le succès a été au rendez-vous puisque deux mille personnes se sont retrouvées dans la vallée de l’Alzou située au pied de la cité médiévale pour recevoir le ténor.
Chaque année, les responsables du festival de musique sacrée de Rocamadour travaillent d’arrache-pied pour proposer des programmes de qualité à un public toujours plus nombreux et fidèle à ce rendez-vous devenu incontournable. C’est grâce au généreux mécénat de madame Aline Foriel Destezet que le récital de Roberto Alagna a pu avoir lieu dans la vallée de l’Alzou. Le programme que le ténor franco-sicilien a monté était d’autant plus intéressant qu’il était varié et sans effet de manche.
Visiblement très en forme et enchanté d’être à Rocamadour, Roberto Alagna a monté un programme en deux parties. L’une avec des airs d’opéra, l’autre avec des airs de musique sacrée. Comme de bien entendu, la soirée commence avec un extrait du « Dernier jour d’un condamné » composé par David Alagna (né en 1975) pour son frère. La tessiture de « Non, je ne suis pas un impie » est très tendue, mais Roberto Alagna maîtrise bien son instrument et s’en sort avec panache ; la prière désespérée du condamné s’envole dans la vaste prairie sans effort. Mais c’est surtout La juive de Fromental Halévy (1799-1862) qui retient l’attention ; car avec « Rachel quand du Seigneur » Alagna entre véritablement dans « le thème » du festival et il prend cet air à bras-le-corps. L’accompagnement de l’Orchestre Consuelo dirigé par Victor Julien Laferrière est parfait et met bien en valeur la voix d’Alagna qui prend un véritable plaisir à chanter cet extrait du chef-d’œuvre d’Halévy. Autre incontournable dans les prières composées par les grands noms de l’histoire de la musique, « Ô Souverain, Ô Juge » extrait du Cid de Jules Massenet (1842-1912). La prière désespérée de Rodrigue qui pense avoir tout perdu est parfaitement rendue par Roberto Alagna qui connaît bien le chef-d’œuvre de Massenet pour l’avoir chanté à plusieurs reprises. Avec « Vois ma misère » tiré de Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns (1835-1921) et « Ah ! Lève-toi soleil » sorti de Roméo et Juliette de Charles Gounod (1818-1893), Alagna clôt avec panache une première partie opératique quasi parfaite au cours de laquelle l’Orchestre Consuelo a interprété avec talent le prélude du 1er acte de La traviata (Giuseppe Verdi [1813-1901]) et l’entracte des Contes d’Hoffmann (Jacques Offenbach [1819-1880]) permettant ainsi au célèbre ténor de prendre à deux reprises quelques nécessaires minutes de repos.
Au retour de l’entracte, l’ambiance devient plus mystique puisqu’on passe à la partie sacrée du récital. Roberto Alagna toujours aussi en forme et proche de son public, entame cette partie par le « Panis Angelicus » de César Franck (1822-1890) qu’il interprète avec une belle sobriété. Mais c’est au moment de passer à l’« Ave Maria » de Schubert dédié à Marie « notre Mère à tous » selon le ténor, qu’il dédicace cette prière sublime à Jodie Devos « une mère partie il y a peu de temps » sans pour autant la citer ; l’émotion, plus palpable à ce moment précis du récital, enveloppe un public toujours aussi attentif. Roberto Alagna, qui ne dédaigne jamais faire un peu de crossover et avec trois extraits de la comédie musicale Al Capone de Jean Félix Lalanne (né en 1962) : « Seigneur ne me laisse pas », « Madone au cœur d’or » et « Sans être à Aimer » Roberto Alagna porte autant d’attention à ces trois belles prières qu’à celles qui ont précédées. Avec « Libertà », composé par David Alagna, le programme officiel se termine de belle façon, même si l’italien est perfectible (s’il faut vraiment trouver quelque chose à redire).
Roberto Alagna a délivré en ce chaud jeudi soir une performance exceptionnelle et le public ne s’y est pas trompé en lui réservant un accueil enthousiaste. Visiblement très ému et bien peu pressé de partir, le ténor français a consenti trois bis dont il a lui-même composé la musique pour deux d’entre eux : « Sognare » et « Notre Père ». En ce qui concerne « Bella Ciao », Roberto Alagna n’a visiblement pas résisté à la tentation de reprendre ce tube universel.
Visuel : © François Le Guen