Le chef d’orchestre et accordéoniste Omer Meir Wellber était à l’affichede l’auditorium de Radio France deux jours de suite. Le jeudi 1er février, avec le mandoliniste Jacob Reuven et l’Orchestre National de France, il a séduit le public français, notamment dans son interprétation très spécifique de la 7e symphonie de Beethoven.
Né à Beer-Sheva, assistant de Daniel Barenboim pendant plusieurs années, Omer Meir Wellber fait une carrière fulgurante en Europe. Officiellement à la tête de l’orchestre de Ra’anana, il dirige l’orchestre de l’Opéra de Palerme, après avoir été à la tête du Volksoper de Vienne et prendra la suite de Kent Nagano au Staadsoper de Hambourg en 2025. A 42 ans, c’est donc l’un des chefs d’orchestre à suivre de près. Pour ce deuxième concert à l’auditorium de Radio France, il avait choisi un programme « dansant », avec une première partie qui nous préparait à la spécificité de la seconde.
En effet, c’est avec une offrande musicale revue par Webern que la soirée a commencée, sur une interprétation presque solennelle, avant que Jacob Breuwen et sa mandoline n’entrent en scène. De manière très étonnante et très maîtrisée, il nous a proposé une transcription pour mandoline de la Partita n° 2 de Bach. Quinze minutes de musique pour mandoline seule que l’orchestre, le public et les auditeurs ont suivies de manière recueillie. C’est sans transition que l’orchestre est entré dans la danse, pour interpréter avec le soliste une création de 2023 de Aziza Sadikova, Chaconne pour mandoline et orchestre, qui s’ancre sur cette 2e Partita pour développer tout un univers bruissant et presque mystique, où l’orchestre semble submerger la voix de Bach sans jamais la faire disparaître. Des cloches nous réveillent, le son nous fait parfois passer dans une autre dimension et le final où la mandoline est caressée avec un verre joue aussi avec une certaine frayeur. Après l’interprétation, Omer Meir Wellber a partagé avec le public toute l’admiration qu’il a pour la compositrice. Cette dernière était présente et est venue saluer.
Si cela peut paraître un peu paradoxal, ce n’est qu’en passant de la première partie avec et d’après Bach à la seconde partie dédiée à la symphonie n°7 de Beethoven (1812) que la progression du programme s’est imposée à nous. « Nulle autre symphonie n’est d’ailleurs à ce point tributaire de l’exécution, de la conception d’un chef d’orchestre », estimait Richard Wagner, dans le même texte où il la caractérise comme l’ « apothéose de la danse ». Là où la première partie était un peu hétérodoxe, à la fois morcelée en trois œuvres égales de quinze minutes et également incisive, la deuxième partie se concentrait de manière classique sur une symphonie – et quelle symphonie. Néanmoins, le ton et la vision du chef était déjà bien marquée avant même que nous n’entrions dans le premier mouvement. Très vite, l’empreinte est là, détachée, presque désarticulée. C’est le temps napoléonien de la guerre et de la maîtrise technique. Dansant depuis son pupitre avec autant d’intensité que Wagner l’avait imaginé pour le chef, Omer Meir Wellber semble contenir la puissance de l’orchestre. Tout reste d’une précision infinie, dans une retenue qui donne de la force à chaque note. Les moments où l’énergie atteint son acmé n’explosent jamais, ce qui est évidemment à contre-courant de tout ce qu’on attend d’une symphonie de Beethoven et ce qui est vraiment passionnant. On entend mieux chacun des pupitres, on ressent également combien l’orchestre suit le chef avec intérêt. Avec l’allegretto, on tombe presque dans la déconstruction et la danse arrive plus tard, dans le 3e mouvement presto qui, du moins au début et à la fin semble reprendre et diffuser de fortes couleurs. Les deux derniers mouvements sont également bien détachés. C’est à la fois très cérébral et très beau. Et donne à réfléchir de manière très contemporaine à cette œuvre donnée à Vienne à un gala de charité patriotique. Dans l’interprétation que propose Omer Meir Welleber, l’esprit l’emporte sur le corps et c’est absolument passionnant.
En bis non préparé, le chef a d’ailleurs décidé de faire descendre la pression et a rappelé Jacob Breuwen pour un duo accordéon-mandoline qui a fait tomber le quatrième mur et invitait à danser ensemble.
(c) Luca Pezzani