Il sera au Théâtre des Champs-Elysées le 22 juin prochain avec Rachmaninov, le sacre du Printemps et une de ses composition. Nous avons rencontré le wunnderkind russe du piano, Nikolay Khozyainov. Et il nous a impressionnée par son implication et son érudition.
Pour la première fois en France, je présenterai mon œuvre, intitulée Pétale de la Paix. Je présenterai également mon arrangement des Trois Mouvements de Stravinsky, tirés du Sacre du Printemps. J’ai choisi de jouer cette pièce parce que le Sacre du Printemps a été créé au Théâtre des Champs-Élysées. Stravinsky avait fait l’arrangement pour deux pianos, mais il n’y avait pas d’arrangement pour un piano seul. Je jouerai également des pièces de Chopin ainsi que le grand chef-d’œuvre de Rachmaninov, la Sonate, une pièce qui n’est pas jouée très souvent, mais qui est, à mon avis, peut-être sa pièce la plus impressionnante pour piano seul.
Depuis toute ma vie. Dès que j’ai touché le piano, j’ai commencé à composer. Je n’en fait pas toujours des opus, mais je compose tout le temps.
Je viens de l’enregistrer au Gewandhaus de Leipzig. Le CD est un hommage à Beethoven à travers d’autres compositeurs. Ce CD ne comporte presque pas de musique de Beethoven lui-même. Dans les années 1840, Franz Liszt a décidé de construire le premier monument à Beethoven. À cette époque, il n’y en avait pas encore. Il souhaitait ériger ce monument à Bonn, la ville de naissance de Beethoven. Il a commencé à récolter des fonds et a fait appel aux autres compositeurs. Schumann a écrit sa géniale Fantaisie, Chopin a composé Le Prélude, Mendelssohn a écrit les Variations Sérieuses, et toutes ces œuvres ont été publiées dans un album, les ventes de cet album servant à financer le monument. C’était un hommage d’autres compositeurs à Beethoven à travers leur musique. J’ai rassemblé ces pièces, en ajoutant la transcription de Franz Liszt de l’allegretto de la septième symphonie de Beethoven. Pour finir, il a payé une très grande somme de sa poche pour ce projet, car le disque ne suffisait pas. Le CD intégrera également des variations de Schumann sur le même thème de la septième symphonie de Beethoven.
Je suis né à l’Extrême-Orient de la Russie, à la frontière chinoise. Mon père y travaillait. Ma mère est pédiatre, elle est docteure. Mon grand-père était un éminent scientifique. Ainsi, il n’y avait aucun musicien dans la famille. Un jour, quand j’avais cinq ans, nous avons découvert un magasin de musique près de chez nous à Blagoveshensk, situé à la frontière chinoise. Cette ville est le centre de la région, sur le fleuve Amour, qui sépare la Russie de la Chine. Ce magasin vendait des enregistrements, des CD, des cassettes. Et pour attirer des clients, il diffusait de la musique classique : Beethoven, Tchaïkovski, Chopin, de la belle musique. Dès que j’ai entendu cela, j’ai été fasciné. J’ai commencé à passer tout mon temps dans ce magasin jusqu’à ce que ma mère vienne me chercher. Finalement, j’ai dit à ma mère : « Je veux jouer ». Je ne savais pas quel instrument choisir car je n’en connaissais aucun. Mais je savais que je voulais reproduire cette sonorité, cette beauté par moi-même. Je fus très insistant. Comme elle est pédiatre, elle m’a amené à l’école maternelle où elle travaillait. Il y avait un petit piano droit. J’ai demandé : « Que dois-je faire avec ça ? » Elle m’a répondu : « Mets tes mains et joue ». C’est ainsi que j’ai commencé à jouer ce que j’entendais à l’oreille. Ensuite, ils m’ont inscrit à l’école dans cette ville. Après dix mois, j’avais déjà donné un concert. Ils ont tous insisté pour que j’aille à la grande école à Moscou. C’est ce que j’ai fait. J’ai vécu dès lors entièrement avec la musique. Dès que j’ai commencé, j’ai passé tout mon temps avec la musique : en écoutant, en jouant, ou en composant. Et cela continue, c’est une passion qui ne s’arrête pas.
Nous avons passé beaucoup de temps ensemble. Il m’a énormément soutenu. Je l’ai rencontré à travers sa fondation Vishnevskaïa-Rostropovitch. J’envoyais un enregistrement, et lui était absolument formidable, non seulement comme musicien, mais aussi comme personnalité. Il passait des jours à écouter tous les jeunes qui lui envoyaient des enregistrements. Ce n’était pas toujours lui qui écoutait, car il était très occupé, mais pendant deux ou trois jours entiers, il écoutait tout le monde. Tout le monde n’était pas excellent, mais il ne voulait pas que quelqu’un d’autre décide au nom de sa fondation, parce que, vous savez, cela aurait pu mener à des décisions un peu étranges, comme toujours. C’est là que je l’ai rencontré, et il m’a soutenu. Il m’a aussi donné des cours de musique. Je jouais, et il me faisait part de ses impressions, comme musicien. C’était une période merveilleuse. C’est un très grand musicien, très généreux, il m’a soutenu et m’a poussé à faire de plus en plus de la musique.
Je dirais que c’est à travers la musique que nous pourrions tous nous réunir. C’est ce que nous désirons le plus. La paix, c’est comme un mirage. Parfois, nous pouvons même la voir et la toucher. C’est ce que nous voulons tous, peu importe notre nationalité ou l’endroit où nous vivons. La liberté et la paix. La musique nous unit tous.
Photo : (c) Marie Staggat