Traditionnellement, en décembre, c’est l’Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine qui donne un concert festif peu avant noël. En 2023, il n’a pas dérogé à l’habitude et le succès était au rendez-vous avec un public venu nombreux et un programme réjouissant.
Orchestre associé au Théâtre Auditorium de Poitiers depuis de longues années, l’Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine est dirigé depuis 2000 par le pianiste et chef d’orchestre Jean François Heisser. Mais au moment de l’avent il cède sa place sur le podium à un chef invité ; cette année c’est le jeune et talentueux chef d’orchestre Pierre Dumoussaud qui dirigeait la phalange en ce beau et froid dimanche de décembre. Ce sont des pièces de musique moderne américaines qui sont au programme du concert. Rappelons au passage que si Kurt Weill (1900-1950) est né en Allemagne, il a du fuir son pays à cause de la montée en puissance du nazisme pour s’exiler aux États Unis ou il termina sa vie après avoir été naturalisé. Dès l’entrée dans le théâtre, l’ambiance festive et joyeuse de la période de l’avent envahit aussi le Théâtre Auditorium de Poitiers jusque dans le vaste auditorium ou chacun, parents, enfants, voisins d’un jour, s’installe avec une bonne humeur et une gaîté rares, oubliant pour un moment la morosité ambiante.
C’est avec trois préludes de George Gershwin (1898-1937), arrangés pour clarinette par le pianiste Bruno Fontaine (né en 1957) que Pierre Dumoussaud entame le concert. Pour interpréter ces trois courtes œuvres, les responsables de l’Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine ont invité l’excellent clarinettiste Pierre Génisson (né en 1986). Et dès les premières notes, il met une énergie et une bonne humeur communicative ; le jeune homme, considéré comme « l’un des meilleurs représentants français du pupitre des vents », manie son instrument avec une dextérité remarquable sans efforts apparents et les mélodies s’envolent joyeusement dans l’auditorium. Mais le concerto pour clarinette de Aaron Coppland (1900-1990) est tout aussi parfaitement interprété ; les deux mouvements du chef d’oeuvre de Coppland sont pris à bras le corps par Pierre Dumoussaud et Pierre Génisson qui prennent un réel plaisir à interpréter cette musique pleine de vie. Qu’il s’agisse des préludes de Gershwin ou du concerto pour clarinette de Coppland, les tempos et les nuances sont parfaits et Pierre Dumoussaud a remarquablement su prendre en main la phalange poitevine.
Au retour de l’entracte Pierre Dumoussaud prend la peine de présenter la symphonie N°2 de Kurt Weill (1900-1950) qu’il est sur le point de diriger ; si chacun connaît le célébrissime Opéra de quat’sous qui a éclipsé une bonne partie du corpus musical de Weill, son corpus instrumental gagne à être connu. La symphonie N°2 , « qui n’a pas de programme » selon les dires de Dumoussaud est en trois mouvements ; la direction du chef d’orchestre est ferme, nerveuse, précise et la phalange suit son chef avec une précision millimétrée.
Pour terminer le concert, Pierre Génisson revient sur scène en compagnie du pianiste Charles Heisser (né en 1998) d’un batteur et du contrebassiste solo de l’orchestre pour interpréter quelques standards de jazz composés par Benny Goodman (1909-1986). Pour cette dernière partie de la soirée c’est Pierre Génisson qui présente Goodman et son œuvre. La parfaite entente entre les quatre solistes, l’orchestre et Dumoussaud rend ce moment inoubliable ; d’autant que chacun prend un malin plaisir à interpréter les différentes pièces de Goodman. La ballade « Sweet Giorgia Brown » interprétée en duo par Pierre Génisson et Charles Heisser est un grand moment de musique et la belle complicité entre les deux hommes transparaît dans les notes qu’ils jouent avec un plaisir gourmand.
C’est un concert de fin d’année de très belle facture que l’Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine a donné sous la direction de Pierre Dumoussaud – son chef du jour. La présence de l’excellent clarinettiste Pierre Génisson a transcendé les différentes œuvres qu’il a interprété avec talent. Quant aux différentes pièces de jazz de Goodman, d’un trio d’excellents musiciens accompagnant Dumoussaud et Génisson, elles prennent des couleurs inattendues tant les arrangements de Bruno Fontaine sont remarquables. Et l’hommage que lui a rendu Pierre Génisson est largement mérité ; Fontaine étant présent dans la salle, il a pu accompagner Pierre Génisson pour le premier bis du concert – le second permettant à l’ensemble des artistes présents sur le vaste plateau de l’auditorium de jouer une dernière fois.