Victoire de la musique (révélation chef d’orchestre) à 33 ans, Marie Jacquot est déjà la cheffe principale de l‘Opéra Royal du Danemark, la première chef invitée des Wiener Symphoniker et la cheffe musicale désignée de l’Orchestre symphonique de la WDR de Cologne pour 2026-27. Ce vendredi 24 mai, elle a remplacé au pied levé Christian Thieleman à la tête de la Sächsische Staatskapelle Dresden au Théâtre des Champs-Elysées dans un programme Strauss et Brahms.
C’est dans le répertoire privilégié du Sächsische Staatskapelle Dresden, avec deux poèmes symphoniques de Richard Strauss et la fameuse 4e symphonie de Brahms, que Marie Jacquot a retrouvé l’orchestre. Pourtant, accoler, en première partie, Don Juan et Till Eulenspiegel de Strauss n’était pas un pari évident. Avec un petit risque de redondance. Il n’en a rien été. Et dès les premières mesures, la jeune et gracile chef montre une précision à laquelle l’orchestre semble plus que sensible. Baguette blanche à la main, elle remplace l’ancien assistant de Karajan souffrant avec une assurance impressionnante.
Chaque phrase est détachée, presque décortiquée avec une exactitude implacable. Et les musiciens réagissent comme les pièces d’une haute horlogerie. Le son est clair, le temps se suspend et la musique est une matière d’une fluidité parfaite. Dans Don Juan (1888), on entend le hautbois dominer le centre de la pièce, comme s’il s’agissait d’un concerto. Et l’effet se reproduit lorsque les solistes de bois et cuivres se répondent dans Till Eulenspiegels lustige Streiche (1894).
Après un entracte de nuit d’été, c’est l’heure de la dernière et mythique symphonie de Brahms (1884) qui est aussi un moment de vérité. La cheffe et l’orchestre nous emportent immédiatement dans le romantisme d’une joie qui est en train de passer. Dans le premier mouvement, tout est brillant ; il nous manque néanmoins parfois un peu de lâcher-prise et de débordement. Et peut-être aussi de retrouver un peu de Beethoven dans Brahms. Le détachement de la direction fonctionne assez bien avec le deuxième mouvement. Mais nous perd un peu dans les deux derniers.
Remerciés personnellement et par pupitre par leur chef, les musiciens sont ravis, le public est séduit. Le public Berlinois pourra entendre la direction de Marie Jacquot en juin et juillet dans un opéra sur la Mélancolie de la Résistance.