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15.11.2023 → 15.11.2023

Mäkelä et Kantorow : la rencontre idéale de deux jeunes artistes exceptionnels

par Helene Adam
16.11.2023

La Philharmonie de Paris nous gâte depuis la rentrée. Klaus Mäkelä a dirigé plusieurs magnifiques concerts avec l’Orchestre de Paris tandis qu’Alexandre Kantorow nous a offert un récital inoubliable la semaine dernière. Leur rencontre, hier, pour l’Égyptien, a été l’un de ces moments rares de symbiose totale entre deux jeunes génies.

Une féérie de Ravel

C’est le très oriental Shéhérazade, ouverture de Féérie, une œuvre de jeunesse de Maurice Ravel, qui ouvre le bal avec l’Orchestre de Paris en grande formation, y compris deux superbes harpes dorées, sous la direction flamboyante de Klaus Mäkelä, le jeune chef finlandais, désormais superstar.

Cette œuvre, très inspirée du Shéhérazade de Rimski-Korsakov, a été composée en 1899 par un tout jeune compositeur, alors fasciné par l’orient, comme Ouverture d’un futur opéra féérique qui ne vit jamais le jour. En effet, ce morceau aux sonorités orientales évidentes, et composée pour un très grand orchestre, n’eut aucun succès et la partition, restée inédite durant de longues années, ne resurgit sur les pupitres qu’en 1975. On reconnait pourtant bien le tissu complexe des compositions de Ravel, les éclats orientaux distillés par la mise en valeur de nombreux instruments jouant en soliste, les magnifiques arpèges des deux harpes, et cet univers déjà très moderne, avec ses thèmes répétitifs et tournoyants, ses changements de rythmes et sa valorisation des cuivres, dans lequel il excellera dans le Boléro ou dans la Valse. Klaus Mäkelä, le jeune chef d’orchestre prodige, nous dirige tout cela avec luminosité et contrastes. L’Orchestre de Paris nous montre sous sa baguette, son talent à analyser une partition pour en faire ressortir les accents flamboyants, les coups d’éclats tout comme les langoureuses et lascives écritures orientales.

Et puis l’Égyptien

Et cette première partie restera longtemps dans les mémoires d’un auditoire qui a, une nouvelle fois, rempli totalement la salle Pierre Boulez et retenait son souffle dans une communion parfaite. Car, restant dans le registre de la fascination qu’exerce l’orient, elle nous propose le concerto pour piano dit l’« Égyptien » de Saint-Saëns, morceau de bravoure stylistique pour le pianiste comme pour l’orchestre, où l’entente parfaite entre nos deux jeunes génies réunis, Klaus Mäkelä et Alexandre Kantorow, même pas cinquante ans à eux deux, nous a plongé dans l’extase la plus totale.

Le compositeur était à Louxor quand il composa son dernier concerto (le numéro cinq), ce qui lui valut son surnom, et l’inspiration qu’y puisa Saint-Saëns donne ses lettres de noblesse à l’œuvre, que le compositeur créa lui-même salle Pleyel en 1896, à l’occasion du cinquantième de ses concerts dans la prestigieuse salle parisienne.

 

Pourtant l’œuvre magistrale de Saint-Saëns commence très tranquillement par quelques accords simples en mode majeur. Mais, très rapidement, le piano se met à sautiller en notes piquées tandis que l’orchestre lui répond en longues arabesques que le piano reprend à son tour… et la virtuosité se déchaine de tous les côtés à un rythme soutenu pour encadrer en quelque sorte les respirations plus mélodiques et mélancoliques qui ponctuent la partition de l’un des plus beaux concertos. Nous avons un étonnant entrelac de notes très rapides, puissantes d’un beau volume, auxquelles succèdent lenteur et lyrisme. Le premier mouvement demande donc au pianiste une virtuosité exceptionnelle puisque ses mains, qui se croisent et se recroisent – comme les deux thèmes – courent le long du clavier dans une course effrénée qu’Alexandre Kantorow maîtrise totalement, toujours aussi fascinant par sa concentration et l’impression qu’il donne d’inventer son interprétation à chaque mesure et la douceur avec laquelle le thème vient mourir sous ses doigts à l’issue de la cadence, est juste fascinant de beauté musicale.

 

Et c’est sans transition, à juste titre, que l’andante débute par cette étrange explosion de notes à l’orchestre (roulements de timbales) comme au piano, assez surprenant pour le mouvement lent du concerto. Les sonorités orientales y sont dominantes, avec des arabesques très fluides au piano, ponctuées par des accords plus solennels, mais très brefs, encadrant ces véritables « pluies » de notes qui évoquent les cascades, la fraîcheur au milieu d’autres évocations plus lyriques (Saint-Saëns aurait été inspiré dans l’un de ses thèmes par la chanson d’un bateleur nubien qui le promenait sur le Nil). Et comme pour le premier mouvement, on entendra aussi des accords beaucoup plus classiques, dans un étrange mélange de sonorités qui rend ce concerto si étrangement fascinant comme si l’orchestre et le pianiste nous racontaient plusieurs histoires à la fois. Kantorow et Mäkelä, unis dans la complicité d’une interprétation particulièrement intelligente et réfléchie, ne se perdent jamais tout à fait des yeux même si le chef multiplie les indications expressives en direction de ses instrumentistes, et que le pianiste a ce regard précis et passionné en direction des touches blanches et noires de son instrument. Ces brefs coups d’œil sont autant d’inflexions qu’ils donnent ensemble avec une précision métronomique parfaite. Et le son s’estompe petit à petit dans de nouvelles arabesques virtuoses du piano juste accompagné de quelques roulements assourdis de timbales, avant que les violons, presque sans bruit n’exhalent un son presque sourd et lointain (quelle merveille sous les archets de l’Orchestre de Paris), ponctué par quelques notes d’un piano qui s’évanouit.

Et c’est toujours sans la moindre micro-pause que le concerto aborde son troisième mouvement, animé et rapide dès les premières mesures. Mäkelä sautille sur son extrade pour insuffler le rythme soutenu et Kantorow se déchaine, sa fabuleuse technique au service de ces inflexions de style et toucher qui valorisent toujours la ou les mélodies. Car le concerto offre là aussi de sérieux contrastes. Bientôt l’orchestre fait entendre des sortes de grondements auxquels le piano répond par des basses sonores à la main gauche, avant que n’arrive un thème plus léger, façon petite chanson, jouée au piano avec une légèreté bientôt noyée dans un afflux de notes, gammes chromatiques, accords brouillant le thème pour un final façon fanfare qui s’achèvent par quelques accords plaqués et une immense ovation de la salle littéralement en extase. Et nos deux jeunes génies s’embrassent chaleureusement devant la réussite complète d’une complicité évidente que le public plébiscite.

Les bis de Kantorow

Alexandre Kantorow offre alors deux « bis » à un public déchainé qui multiplie les rappels, véritablement séduit par le pianiste, dont le charisme discret fait mouche, tout comme d’ailleurs la mélodie simple et chantante choisie pour son premier « bis », la Cancion y Danza no. 6 du compositeur catalan Federico Mompou. Et comme la pluie d’applaudissements se poursuit avec une force rare, notre jeune prodige revient nous offrir le merveilleux Sonetto del Petrarca numéro 104 (extrait des Années de pèlerinage) de Franz Liszt, dont le mouvement « pace non trovo » est écrit à la manière d’un Nocturne, fortement influencé par Chopin, morceau qui faisait partie d’un de ses récitals de l’an dernier à l’Auditorium de Radio France. Nouveau tonnerre d’applaudissements après un silence quasi religieux qu’observe scrupuleusement la salle, comme hypnotisée par le talent singulier du jeune pianiste que l’on reverra aussi souvent que possible.

Le romantisme de Schumann

La deuxième partie nous propose l’enchainement d’un morceau méditatif très court de John Dowland, Lachrimae, or Seaven Teares extrait des Lachrimæ antiquae, recueil de musique instrumentale pour cinq instruments de la famille des violons (violoncelle et alto), composé en 1604 et où domine un thème musical simple évoquant les larmes qui coulent.

 

Puis sur un simple mouvement de menton de Mäkelä, l’orchestre entame l’allegro (ma non troppo) de la Symphonie numéro deux de Robert Schumann, fleuron du romantisme post Beethoven, et dont les premières mesures, assez lentes, se marient bien avec le morceau qui a précédé. Comme si l’on allait crescendo de tous les points de vue. Car le mouvement lui-même va bientôt s’animer avec le concours d’un rythme plus soutenu et le dialogue entre les cordes et les cuivres, chaque famille en « tutti » soutenu et sonore. Étrange atmosphère que celle rendue par cette œuvre majeure composée par le compositeur déjà fortement dépressif en 1846 et qui alterne les élans joyeux avec des plages de mélancolie pure, comme si, après une phase euphorique, il se laissait à nouveau submergé par ses angoisses existentielles.

 

Sous la baguette de Mäkelä, le Scherzo démarre allegro vivace avec une énergie chantante et parfois même primesautière qui lui va très bien, surtout quand arrive le premier Trio en mode mineur puis le deuxième, conclusif en mode majeur, qui accentue encore cette course effrénée vers une sorte de plénitude. L’Adagio espressivo, pur moment de bonheur tranquille lors de ses premières mesures, voit son atmosphère évoluer ce que Mäkelä rend parfaitement bien, soulignant les clairs-obscurs de la partition comme autant de tentations de plonger vers la mélancolie sans toutefois s’y résoudre totalement. Les instruments solos y sont particulièrement valorisés, flûte, hautbois, clarinette, avec les réponses des cordes, un rien angoissantes, comme un jour qui finirait mal après une belle après-midi ensoleillée. Cette faculté à rendre compte des images les plus secrètes de la composition musicale est toujours ce qui fait le génie d’une interprétation exceptionnelle. Sans jamais forcer le trait, Mäkelä nous transporte dans l’univers du compositeur terminant avec une douceur infinie ce mouvement lent pour mieux démarrer le final allegro vivace, d’une facture assez différente, où Mäkelä impose un rythme plus ferme, plus martial, sans étouffer pour autant le retour des thèmes qui se glissent entre les accords scandés, donnant un peu de moelleux à cette conclusion solennelle en mode forte qui se termine en fanfare avec percussions.

Ménageant quelques mini-pauses entre les mouvements, Mäkelä a dû avoir la désagréable surprise d’entendre quelques applaudissements intempestifs entre chacun d’entre eux. L’unité d’une symphonie est partie prenante de la qualité intrinsèque de la composition et c’est bien dommage que certains ne le comprennent pas, même si la spontanéité de leur hommage est évidemment sympathique.

 

Les applaudissements nourris à l’issue de cette superbe symphonie, fleuron du romantisme allemand, saluaient cette très belle performance de l’Orchestre de Paris sous la direction d’un jeune chef de génie qui confirme de concert en concert, son originalité.

Visuels : © Philharmonie de Paris

 

Ce concert est disponible ici.