L’Hôtel de Sully : un bel écrin pour la musique de Gluck et de Mozart

Un concert très estival

Nous arrivons par la grandiose Place des Vosges, autrefois Place Royale, construite à partir de 1605 sous le règne de Louis XIII. Sous les arcades, au numéro 7, nous entrons par une porte étroite. Face à nous, l’Hôtel Sully, majestueuse demeure du début du 17ème siècle. Finie l’alliance de briques rouges et de pierres de la place, l’Hôtel est lui, en pierres blondes. La lumière du soleil couchant va donner à la façade des reflets mordorés. Dans le jardin, autour de la pelouse, des chaises longues rouges attendent les auditeurs. Un confortable concert s’annonce, nous profitons déjà d’une légère brise estivale.
Il est coproduit par l’Orchestre de chambre de Paris et le Centre des monuments nationaux qui a son siège à l’Hôtel Sully. Quatre concerts étaient programmés cet été, les 4 et 5 Juillet puis les 11 et 12 Juillet. Ce soir l’Orchestre de chambre de Paris est dirigé par le jeune chef et violoniste espagnol Roberto Gonzalez- Monjas. Il nous insuffle son énergie, sa joie. Le public sera séduit par son expressivité, son affabilité, son très beau sourire…

Un ballet innovateur

Christoph Willibald Gluck (1714- 1787) a composé son ballet- pantomime Don Juan ou le Festin de Pierre en 1761. Lors de sa création à l’ancien Burgtheater de Vienne le public a dû être surpris. Le compositeur et le chorégraphe ont voulu rompre avec les ballets idéalisés de la tradition, pour saisir avec réalisme l’intensité du drame de Don Juan. En quelques phrases Roberto Gonzalez- Monjas nous présente l’intrigue. Il nous parle de la sérénade de Don Juan à Elvira, du duel et de la mort du commandeur, de la fête dans la demeure de Don Juan, du retour surprise de la statue du commandeur et de la descente aux enfers de Don Juan. L’auditeur peut ainsi saisir toute l’expressivité de la musique de Gluck. Il sera séduit par l’aimable sérénade et par la beauté du solo de hautbois accompagné par les cordes pincées. Les accents vigoureux et précipités des cordes nous font vivre le duel. Puis lors de la fête les danses se succèdent, élégantes, enjôleuses, entraînantes. Lors de la confrontation finale au cimetière, de Don Juan avec le spectre du commandeur, la musique est grave, presque lugubre, puis les accents deviennent dissonants, menaçants, la colère du commandeur est à son comble. La musique de Gluck est d’une grande intensité dramatique, d’une grande modernité et le drame se conclut par une passacaille diabolique.

Mozart au sommet de son art

Mozart a composé ses trois dernières symphonies pendant l’été 1788. Deux mois lui ont suffi pour écrire ces trois chefs d’œuvre qui vont profondément influencer l’histoire de la symphonie. Malgré les difficultés financières du compositeur, cette 39ème symphonie exprime l’espoir et la joie. L’interprétation de l’Orchestre de chambre de Paris et de Roberto Gonzalez-Monjas met en valeur les contrastes, elle est colorée, révélant toute la profondeur de l’œuvre. La gestuelle du chef est un véritable spectacle, elle est aussi pédagogique comme si nous suivions ensemble la partition de Mozart. L’auditeur pourra apprécier les accords graves, puissants, un peu mystérieux aussi de l’introduction du premier mouvement. L’allegro qui suit est tonique, joyeux, enlevé mais le compositeur a laissé la place à des moments lents, tendres, mélodieux. L’andante con moto est emprunt d’une douce mélancolie. Lors du troisième mouvement le spectateur sera ému par le trio avec un très beau solo de la clarinette qui paraît flotter au dessus des cordes. Avant un final étourdissant, tourbillonnant, d’une grande vivacité. Malgré toute ses malheurs Mozart laisse éclater sa joie à la fin de la symphonie. Une joie qui a du se communiquer au public, grâce au plaisir d’un concert d’été en plein air, à la beauté du site, à la qualité de l’interprétation, au charisme du chef.