La dernière semaine du Festival du Haut-Limousin a débuté avec une palette de divers formats musicaux proposée par des musiciens habitués de la ferme de Villefavard : Les Surprises, l’ensemble baroque fondé par Juliette Guignard et Louis-Noël Bestion de Camboulas. Avec la soprano Eugénie Lefebvre et le joueur de théorbe et guitare, Gabriel Rignol, dans la Petite Cité de Caractère® Le Dorat, ils ont proposé trois moments musicaux très divers et superbes, à 11h, 17h et toute la soirée !
Trois concerts en un seul jour pour quatre musiciens, quel pari par plus de 30 degrés. Et pourtant, des réaccords, les Surprises ont su jouer pour séduire le public du Festival du Haut-Limousin ! À 11h, le porte-à-porte invitait le public à redécouvrir la magnifique capitale de la Marche, Le Dorat, d’une autre oreille, du café de la poste à sa collégiale romane, en passant par le salon de coiffure un brin vintage. Et à 17h, c’est sur les marches du transept de la collégiale que le public à partir de 4 ans était invité à une «petite surprise» d’une quarantaine de minutes qui préparait bien au concert du soir. Juliette Guignard expliquait les instruments anciens et prenait toutes les questions, mais n’oubliait pas de rappeler que le baroque, c’est l’époque moderne ! Tandis que Louis-Noël Bestion de Camboulas formulait la nature de l’invitation : il s’agissait d’un voyage dans le temps, vers le 17e siècle et aussi en Europe, puisque Purcell côtoyait Couperin, Lully et Tomás de Torrejón. Eugénie Lefebvre n’hésitait pas à accentuer encore la diction et les émotions exprimées par ses rôles. Et sur le parvis de l’église, les jeunes auditeurs sont passés du voyage musical, à des jeux de chat avec une chauve-souris et une bonne glace à l’ombre de l’immense église de 77 mètres de long.
Mais ce n’est qu’à partir de 21h, devant le café de la poste, la vue sur la rivière qui lui a donné son nom et le cinéma, que nous avons vraiment compris ce à quoi la journée nous avait préparés. Les festivaliers sont partis en trois groupes, munis de lanternes éclairant la ville à la bougie, pour découvrir trois concerts très différents dans trois chapelles. Nous sommes allés à la rencontre des quatre musiciens éparpillés et ayant revêtu leurs élégants habits de la nuit. Une expérience d’une extrême beauté d’environ 1h45 dans une lumière d’une douceur infinie, qui faisait sillonner les rues visitées le matin. Nous avons été reçus dans ce lieu privé et ce musée qu’est devenue la chapelle Notre-Dame du Temple par sa propriétaire Aurélie Hurel, à entendre un récital plutôt romantique et symboliste d’Eugénie Lefebvre, accompagnée par Louis-Noël Bestion de Camboulas au piano, cette fois. Satie côtoyait Fauré et Reynaldo Hahn. Et c’est dans les vocalises de la Habanera de Ravel que la soprano nous a durablement marqués. La nuit était pleinement tombée quand notre groupe a retraversé la ville pour rejoindre le cadre plus austère de la chapelle des Sœurs de Marie-Joseph, congrégation dont Le Dorat est la maison-mère. On y a entendu le théorbe de Gabriel Rignol dans un répertoire purement baroque allant de la toccata de Johann Hieronymus Kapsberger à une version sublime pour théorbe du début de la première suite pour violoncelle de Bach. Et notre tour s’est terminé en apothéose avec Juliette Guignard, plus pédagogue et passionnée encore que plus tôt dans la journée, à la manœuvre de deux tailles de théorbes et dans un répertoire allant de De Machy à John Cage (merveilleuse transcription pour viole de «A Room»).
La déambulation aurait pu s’arrêter là, dans la réception d’un programme déjà original, riche et généreux. Mais une dernière partie de soirée nous était réservée, lanternes en main, à la collégiale, à peine illuminée par nous et des bougies. C’est alors que nous avons réalisé combien toutes les ascensions que nous avions faites dans la journée convergeaient vers ce point. Accueillis dans la pénombre par Louis-Noël Bestion de Camboulas, nous étions invités à faire le tour du chœur, avant de reprendre la place que nous avions à 17h dans le transept. Non sans passer devant Juliette Guignard, seule à la viole, magiquement éclairée de bougies. C’est en chantant et en jouant que les trois autres membres des Surprises l’ont rejointe dans une scénographie simplement sublime. Et dans un répertoire très proche de celui de 17h. À quelques variations près, par exemple, l’arrivée de l’Italie avec la berceuse de Merula. Surtout, malgré les jeux de lumières feutrées, nous avons vu quelle complicité liait les quatre musiciens. Dans Le Rocher de Lully, la voix de la soprano s’est faite plus puissante que jamais, tandis que dans Les Barricades Mystérieuses, le claveciniste et le guitariste nous ont fait revisiter l’énergie de l’œuvre. Dans le Marin Marais annonçant l’Espagne, la violiste s’en est donnée à cœur joie et elle n’a pas hésité à commenter l’envolée que tous ont réalisée sur le Fandango de Soler et Murcia. Nous avons eu un joli bis et sommes rentrés à Villefavard pour nous préparer aux deux derniers jours du Festival.
visuels (c) YH