Ce mardi 15 octobre, l’Orchestre National d’Île-de-France nous proposait un programme historique à la Philharmonie de Paris. À la suite du Concerto pour violoncelle en si mineur op.104 d’Antonín Dvořák, l’orchestre fit revivre deux pièces de Rita Strohl, merveilleuse compositrice Française, contemporaine de Fauré et de Saint-Saëns.
Majestueux, enchanté, épique, le Concerto pour violoncelle de Dvořák (hiver 1894-1895) déploie des paysages de faune et de flore sonores. Pour interpréter ce concerto, l’Orchestre National d’Île-de-France et son chef principal, Case Scaglione, ont fait appel à Stevens Isserlis, violoncelliste britannique de renom. A l’aise dans la musique baroque comme contemporaine, l’interprétation du violoncelliste fait battre nos cœurs avec le Concerto de Dvořák.
Dès son entrée, Isserlis se distingue par l’attaque des notes, donnant à son phrasé un caractère très expressif, plein de nuances, de couleurs et d’accentuations qui lui sont propres. Le dialogue entretenu avec l’orchestre révèle le plaisir et l’intensité du soliste. La fougue et le lyrisme de ce concerto sont admirablement peints par Isserlis, Scaglione et l’orchestre. On frissonne autant dans les clairières que dans la forêt profonde.
Curieux, rapide et un peu fier, tel un geai des chênes, Isserlis s’envole avec son violoncelle. Apportant lumière et clarté, le soliste se révèle être un très bon gardien de la forêt musicale de Dvořák.
Rita Strohl naît en 1865 dans le Morbihan et grandit au sein d’une famille passionnée d’art. À l’âge de 13 ans, elle entre au conservatoire de Paris et se distingue par son indépendance d’esprit en piano comme en solfège. Soutenue par ses contemporains, dont Fauré et Saint-Saëns, la compositrice crée des mélodies, des pièces symphoniques et des œuvres lyriques de plus en plus marquées par une certaine spiritualité.
Les Cygnes (1899), mélodie pour soprano et orchestre, fut délicieusement interprétée par Marie Perbost. La pièce met en musique un texte poignant et profond de Georges Rodenbach, tiré du Règne du silence (1891). Dans cette mélodie, l’écriture de Rita Strohl est résolument symboliste et rappelle le drame lyrique de Debussy, Pelléas et Mélisande (1898).
Les Cygnes introduit alors la suite du programme composé d’une symphonie par laquelle Rita Strohl cherchait une forme de communion avec la nature : Symphonie de la forêt (1901).
La Symphonie de la forêt n’avait pas été jouée en concert depuis 1911, pourtant, cette pièce est d’une beauté éclatante. Historique, son interprétation par l’Orchestre National d’Île-de-France est également forte en émotions. Les notes coulent, roucoulent, découlent, on entend la forêt, ses eaux et ses oiseaux. Le long de ce fleuve, on recueille des éléments musicaux qui nous semblent familiers, mais la pièce reste empreinte d’un caractère propre à la compositrice.
Claire et plaintive, la Symphonie de la forêt fait sentir la sève couler dans les arbres, fait entendre les fougères s’agiter. Cette soif qu’avait Rita Strohl pour le silence et la solitude lui a permis d’atteindre une expression de la nature telle que l’âme s’y identifie.
Cette introduction à la musique de Rita Strohl ne donne qu’une envie, en écouter plus, en savoir plus sur cette compositrice que le temps a insensiblement oubliée. C’est par ailleurs grâce au formidable travail de recherche réalisé par la violoncelliste Héloïse Luzzati et l’association Elles Women Composers, que l’on peut aujourd’hui redécouvrir l’œuvre de Rita Strohl. On ne peut également qu’encourager et suivre avec attention l’évolution de leur label discographique La Boîte à Pépites.
Antonín Dvořák
Concerto pour violoncelle
Rita Strohl
Symphonie de la Forêt
Les Cygnes
Direction Case Scaglione
Violoncelliste Steven Isserlis
Soprano Marie Perbost