Le duo mythique Zubin Mehta et Pinchas Zukerman réunis avec le Wiener Philharmoniker au Théâtre des Champs Elysées

À peine sortis du concert viennois du Nouvel An (tout juste sorti en CD chez Sony), nous nous réjouissons de voir le Philharmonique de Vienne venir à nous jusqu’à Paris. Arrivant lentement et tout sourire jusqu’à son pupitre, juste après l’entrée discrète du violoniste Pinchas Zukerman, Zubin Mehta a pris place sur une chaise haute devant un Théâtre des Champs-Élysées qui a dû refuser du monde.

Dialogues mozartiens

Dans le 3e concerto de Mozart, c’est l’orchestre qui semble dominer dans le premier mouvement « allegro » avec plus de rigueur que de légèreté. Un peu débordé au début, le violon de Zukerman prend peu à peu le contrôle dans un dialogue original qui propose une lecture de cette œuvre comme une « sérénade ». Dans les passages virtuoses, le grand soliste (et grand enseignant) semble, au fur et à mesure que l’œuvre se déroule, plus connecté avec l’orchestre et son chef, qui semble entraîner les musiciens vers une interprétation à la fois héroïque et tragique de l’œuvre, notamment quand le rythme se relâche dans le deuxième mouvement. Il y a quelque chose de slave dans la manière dont Zukerman fait dialoguer son instrument avec les autres, notamment le hautbois. Et dans le troisième mouvement, si évidemment le folklore est là juste avant le final, le solo du violoniste et son écho aux flûtes nous propulsent dans un véritable état de grâce hors du temps. Avec beaucoup d’élégance et de complicité, Zukerman salue et tire sa révérence.

Bruckner : les enjeux de la puissance

Le Mozart entendu ce soir n’ayant pas été aussi solaire que cela, la transition vers Bruckner est plus douce, même si les effectifs de l’orchestre sont démultipliés pour la fameuse Neuvième symphonie et ses 3 mouvements qui la laissent inachevée. Mehta l’avait enregistrée avec le Wiener Philharmoniker en 1965 et, soixante ans plus tard, assis et avec une silhouette très allégée par les années, le maestro propose une version très différente de cette œuvre. Dès les premières mesures, si reconnaissables et solennelles, du premier mouvement, la puissance est là, intacte, mais elle se transmet sans grondement avec un souci de détacher les pupitres. Si bien que le percussionniste va jusqu’à couvrir son instrument dans le deuxième mouvement. Le public est surpris tout au long des deux premiers mouvements avec des moments où la curiosité bascule vers l’émotion et la chair de poule. L’orchestre arrive à une perfection de couleurs, de lumière et de sensualité dans le troisième mouvement où tout est incroyablement maîtrisé.

Nous restons bien évidemment un peu sur notre faim et pourtant heureux et conquis, alors que, toujours aussi rayonnant, Zubin Mehta revient saluer par deux fois un public qui le connaît bien et qui est heureux de constater que les années passent et que le maestro continue de nous ravir.