C’est avec une œuvre incontournable du répertoire de musique sacrée, la Passion selon Saint-Matthieu de Jean Sébastien Bach (1685-1750), que Damien Guillon fait l’une de ses dernières tournées avec le Banquet Céleste. Le concert qui s’est déroulé à Poitiers le 27 mars a reçu un accueil triomphal de la part d’un public conquis.
Le hasard du calendrier a fait que cette Passion a été présentée en plein milieu de la semaine Sainte. Mais ce n’était sans doute pas la priorité des responsables du Théâtre Auditorium quand ils ont invité le Banquet Céleste avec un programme aussi beau. C’est aussi un privilège de voir Damien Guillon dirigeant son ensemble avec un dynamisme et une rigueur incomparables. Nous regrettons cependant l’absence de l’alto Blandine de Sansal qui, visiblement souffrante, a été remplacée au pied levé et avec talent par Paul-Antoine Benos-Dijan. L’ensemble des solistes, à l’exception de Zachary Wilder (l’évangéliste), a chanté la totalité de la partition en intégrant les rangs des deux chœurs associés à ce projet « pharaonique » : le chœur de chambre Mélismes (dirigé par Gildas Pungier) et la Maîtrise de Bretagne (dirigée par Maud Hamon-Loisance). Bach a composé cette Passion selon Saint Matthieu pour double chœur et double orchestre. L’orchestre du Banquet Céleste a donc été divisé en deux et ce sont deux chœurs qui ont rejoint l’aventure.
La musique de Bach envahit la salle sans efforts et plonge le public dans un recueillement de circonstance. Damien Guillon, que nous n’avons plus entendu chanter depuis belle lurette, dirige Le Banquet Céleste avec une rigueur incomparable ; les tempos et les nuances sont parfaits et l’orchestre suit son chef avec une précision millimétrée. Si le chef d’oeuvre de Bach pousse à la méditation, l’orchestre joue un rôle important, tant pour l’accompagnement des chanteurs – chœur et solistes – que pour l’interprétation des parties instrumentales.
En ce qui concerne les solistes, nous saluons le très bel évangéliste de Zachary Wilder. Le ténor américain prend à son compte ce rôle ingrat essentiellement constitué de récitatifs avec une belle aisance. Edward Grint campe un Jésus très convaincant qui fait front sans sourciller face à la foule hostile. Dans les autres solistes, on notera la performance superbe du contre-ténor Paul-Antoine Benos-Dijan qui nous livre un Erbame dich de toute beauté ; c’est lui aussi qui remplace l’alto Blandine de Sansal souffrante ce qui entraîne un changement de côté express. Les autres solistes sont tout aussi méritants que leurs collègues et complètent l’ensemble avec bonheur. Le chœur de chambre Mélismes parfaitement préparé par Gildas Pungier – son chef et fondateur – interprète avec talent une partition difficile. Quant aux jeunes choristes de la Maîtrise de Bretagne dirigés par Maud Hamon-Loisance, même s’ils n’ont que deux brèves interventions, ils font honneur et à Bach, qu’ils servent avec panache, et à leur chef.
Le Banquet Céleste a donné une Passion selon Saint Matthieu somptueuse en ce froid jeudi soir de mars. Et le public ne s’y est pas trompé en réservant à l’ensemble des artistes présents sur le vaste plateau de l’auditorium une longue ovation debout.
Visuel : © Julien Benhamou