Le 27 et 28 février 2024, à la Seine Musicale, Laurence Equilbey et l’Insula Orchestra interprètent de Franz Schubert l’Ouverture du Pavillon du Diable et la symphonie N° 4 puis la Symphonie N°1 d’Émilie Mayer.
Des œuvres de jeunesse de Schubert et une symphonie d’une compositrice peu connue: le concert de ce soir est inédit par son programme. L’opéra «Le Pavillon du Diable» a été écrit par Schubert à 17 ans mais n’a été que très rarement représenté. Sa 4ème symphonie a été composée alors qu’il n’avait que 19 ans. Elle est en mode mineur d’où sa dénomination «Tragique».
Emilie Mayer (1812-1883) est une compositrice berlinoise. Célibataire et fortunée, elle consacrera sa vie et sa fortune à la musique. Huit symphonies, 8 sonates pour violon, 12 quatuor à cordes, un concerto pour piano, un opéra, son catalogue est impressionnant. Et pourtant, Émilie Mayer que l’on a surnommé le «Beethoven féminin» reste méconnue. Une méconnaissance injuste pour Laurence Equilbey qui a choisi de nous la révéler au prix d’un important travail de recherche, car la partition de la première symphonie était lacunaire.
Ce soir Laurence Equilbey dirige l’Insula Orchestra avec dynamisme, élégance, précision.
L’Ouverture du Pavillon du Diable est notée «Allegro con Fuogo». Roulements de timbales, éclat des trompettes, déchaînement des cordes, le début de cette ouverture est orageux. Puis survient une mélodie plus douce, plus paisible avec le très beau solo des trombones rejoints par les flûtes et les bassons, avant le retour de rythmes emportés et d’accents violents. Cette brève ouverture est saisissante, témoignant déjà du génie créatif de Schubert.
La Symphonie N°4 débute également par le roulement des timbales. L’introduction est lente, triste, douloureuse. Puis survient l’allegro vivace, dominé par les cordes. Le rythme est enlevé, le tragique s’efface, laissant la place à une musique presque aimable, mais interrompue par des accélérations interrogatives ou des accents inquiétants. L’influence de Beethoven est bien présente. Le deuxième mouvement nous offre une mélodie réconfortante, rassurante. Une mélodie très «schubertienne», souvent portée par les flûtes et les hautbois. L’auditeur pourrait s’évader vers une campagne riante, vers un paysage estival. Le troisième mouvement est vif, rapide. La musique, charmante, joyeuse est égayée par les flûtes. La richesse de l’orchestration nous séduit dans l’allegro final. Le chant des flûtes, est superbe, simplement soutenu par le bourdonnement des cordes. Nous assistons au mariage harmonieux des cordes et des vents. La musique respire la joie, l’enthousiasme de la jeunesse. La puissance de l’orchestre éclate à la fin de la symphonie. Une symphonie peut être aussi héroïque que tragique, mise en valeur par l’interprétation riche en couleurs d’ Insula Orchestra.
La première symphonie d’Émilie Mayer est une création française, une première pour cette œuvre qui a été très peu jouée. Composée entre 1845 et 1847, elle reste sous l’influence de Mozart. Romantisme oblige, les contrastes sont plus marqués, la musique plus impétueuse, les ruptures rythmiques fréquentes, parfois heurtées.
Le premier mouvement débute par une lente entrée des violons, telle une marche funèbre. Les quelques notes égrenées par les flûtes semblent d’inspiration divine. L’élégance de cet allegro rappelle Mozart, mais l’ambiance musicale est changeante, tour à tour insouciante ou mélancolique et les retours des timbales sont inquiétants. L’adagio est d’une grande douceur, d’une grande délicatesse même si cet apaisement est interrompu par des moments d’inquiétude et de colère. Le troisième mouvement est rapide, rythmé. La musique est joyeuse, entraînante, souriante. L’atmosphère est viennoise et l’auditeur croit entendre l’esquisse d’une valse. Le dernier mouvement commence par un solo des cors, bientôt rejoint par les cordes. Un très beau moment de recueillement avant la montée en puissance de l’orchestre. Avec ces accélérations impressionnantes, ces ruptures rythmiques, ces contrastes, ce final est riche en émotions. Laurence Equilbey y déploie une grande énergie jusqu’à la fin, majestueuse et spectaculaire.
Ce soir, les compositrices sont à l’honneur ! Comme bis, nous écoutons un extrait de la première symphonie de Louise Farrenc compositrice française, également du 19ème siècle, que Laurence Equilbey souhaite promouvoir.
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