Le 3 et 4 décembre 2025, à la Philharmonie, l’Orchestre de Paris, sous la direction de Klaus Mäkelä, a interprété le concerto pour piano N°17 de Wolfgang Amadeus Mozart avec Mitsuko Uchida au piano. Le concert s’est poursuivi avec une création d’Anders Hillborg, « Hell Montain », et la symphonie N°1 de Georges Bizet.
Elle est japonaise et mène depuis plus de cinquante ans une carrière internationale. La très « mozartienne » pianiste Mitsuko Uchida interprète ce soir le 17e concerto pour piano de Mozart. Il a été écrit à Vienne en 1784, lors d’une période heureuse du compositeur. C’est une œuvre d’une grande richesse, exprimant une large palette d’émotions.
L’allegro initial débute par une longue introduction orchestrale, puis le piano introduit à son tour le thème avec douceur et légèreté. Un dialogue équilibré s’entame avec l’orchestre. Clarté et pureté caractérisent le jeu de Mitsuko Uchida. Dans le premier mouvement, Mozart exprime des sentiments opposés : des accords presque inquiétants interrompent des moments de gaieté totale, survenant dans une ambiance très viennoise. Lors de la cadence, le toucher de la pianiste est délicat, sensible, en particulier dans les moments les plus pianissimo, qui sont très réussis.
Pour Olivier Messian, l’adagio du 17e concerto « suffirait à lui seul à rendre le nom de Mozart immortel ». Nous ne sommes pas déçus par cette sérénade, au début un peu lente et solennelle. Les trios de la flûte, du hautbois et du piano sont des moments de douceur et de tendresse presque voluptueuse. Puis la soliste joue quasi seule, à peine soutenue par les cordes en sourdines. Le chant du piano devient alors intimiste. Mais surviennent également de brutales accélérations, de surprenantes bouffées d’angoisse ou de colère. Le contraste est frappant, accentué par l’interprétation Mitsuko Uchida et Klaus Mäkelä. Ce mouvement lent se pare d’une modernité inattendue, annonçant aussi le romantisme. Avec l’allegretto final, c’est le retour d’une joie, d’une allégresse sans partage.
Le compositeur contemporain suédois Anders Hillborg est un admirateur de Gustav Mahler. Jeune, il ne voyageait jamais sans la partition de la 5e symphonie du maître. Aussi il répondit positivement à la proposition de Klaus Mäkelä de composer un hommage à Gustav Mahler. « Hell Montain » est un poème symphonique qui nous conduit en Haute-Autriche. Imaginons un lac, l’Attersee, un village pittoresque, Steinbach, une petite maison au bord de l’eau là où Mahler se retirait pour composer, l’été, de 1893 à 1896. Le paysage devait être idyllique, mais pouvait aussi s’assombrir, car « das Höllengebirge », la montagne de l’enfer dominait de ses pentes abruptes le lac et le village.
Les altos puis les violons sont seuls pour débuter un chant qui semble venir de nulle part. Une mélodie s’élève au-dessus du clapotis du lac. Avec les percussions imitant les cloches, puis le son de l’orchestre rappelant celui de l’orgue, l’hommage à Mahler prend un caractère solennel. Mais le calme est trompeur, un souffle musical puissant semble descendre de la montagne, possible allégorie de la force créatrice de Mahler. Puis la musique devient plus chaotique, les trompettes, émergent des dissonances, évoquant les trompettes de l’apocalypse. Cette fois le souffle vital paraît destructeur, nous sommes au pied de la montagne de l’enfer… avant un retour de la sérénité et de la solennité. La création d’Anders Hillborg est convaincante, l’orchestration est magnifique, l’œuvre très narrative permet à l’auditeur de s’évader sur les rives de l’Attersee et d’y ressentir la présence de Mahler.
La première Symphonie de Georges Bizet a une histoire étonnante. Elle a été écrite en 1855. Le compositeur n’a que 17 ans et vient de terminer brillamment le Conservatoire National de Musique de Paris. Pour lui cette première symphonie n’était qu’un exercice, un entrainement, jamais il ne songea à la publier. Elle ne fut retrouvée qu’en 1933 dans un carton des archives du conservatoire et fut créée à Bâle en 1935 par le chef Felix Weingartner, puis à Paris par Charles Munch l’année suivante. L’œuvre est depuis devenue populaire.
Rien d’étonnant à cela, la symphonie débute en fanfare. L’allegro vivo initial est enlevé, bien rythmé, marqué d’un enthousiasme juvénile très plaisant. Le chef Klaus Mäkelä y déploie fougue et énergie. Tout autre est l’adagio. Les cordes jouent en sourdines, leurs pizzicati annoncent le solo de hautbois. Un chant très romantique, très émouvant. Le son du hautboïste Alexandre Gattet est chaud, suave, il réalise une performance remarquable. Les deux derniers mouvements nous ramènent vers une musique éclatante, mais aussi enjôleuse, à la riche orchestration. Georges Bizet nous a offert une symphonie réjouissante en particulier dans la cavalcade finale des cordes. Pour le grand plaisir du public.
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