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Gil Shaham, Lahav Shani et l’Israël Philharmonic Orchestra au coeur du romantisme

par Yaël Hirsch
13.09.2023

Alors qu’il a très peu de dates en France (il est passé par le Festival Berlioz), l’Israël Philharmonic Orchestra et son charismatique chef de 34 ans donnait un concert exceptionnel, ce mardi 12 septembre, à la Philharmonie de Paris. Devant un public qui a applaudi à chaque mouvement et s’est levé à la fin du cultissime Concerto pour violon de Tchaïkovski joué avec une clarté et une douceur uniques par l’orchestre et le soliste Gil Shaham.

L’héritage romantique européen

Grande concentration hier soir à la Philharmonie. L’Orchestre National d’Israël et leur chef, Lahav Shani qui dirigeait à mains nues et sans partition jouaient d’affilé deux pièces mythiques. Deux œuvres des années 1870-80 qui sont les deux visages de ce que le romantisme européen pouvait proposer à l’ère de la 2e révolution industrielle :  Côté russe, c’est la renaissance du concerto pour violon de Tchaïkovski ; et côté allemand, la solennité encore écrasée par Beethoven de la première symphonie tant attendue de Brahms. Deux œuvres contemporaines qui sont deux monuments que l’Israël Symphonie Orchestra nous a fait traverser comme une épopée.

 

La clarté de Tchaïkovski

Avis à ceux et celles qui ont encore le grincement « slave » de mille versions du concerto de Tchaïkovski en tête : le « schmalz » n’était pas du tout au rendez-vous hier soir. Nous avons rangé au placard nos souvenirs si sentimentaux de Jascha Haifetz pour entrer dans un univers où tout était clair, lumineux, vivant et rond. Plus une naissance qu’une renaissance et à l’image des corps si plastiques et si jeunes de Gil Shaham et du chef, le concerto de Tchaïkovski était une danse de joie, où l’on sentait à peine le dialogue entre en violoniste et l’orchestre. Tout était d’une fluidité parfaite et en même temps d’une émotion folle. Conquis dès les premières notes et tenu en suspension par ce concerto si dansant et si plein de jeunesse, face à un soliste touchant à chaque note à la perfection sans jamais faire le virtuose, le public a décidé d’applaudir dès la fin du premier mouvement. Le reste de cette musique riche, plein de nature et de folklore a coulé comme du miel. Une des plus belles et surprenantes versions qu’il nous ait été donné d’entendre de cette œuvre qui a vraiment témoigné hier de sa capacité à se régénérer et à nous offrir une cure de jouvence.

Brahms, le solennel

Après un bis à l’aune du concerto, l’« Isolation Raggtime » envoyé par le compositeur Scott Wheeler pendant le confinement à ses amis artistes pour les faire danser dans leur cuisine, Gil Shaham a laissé le maestro Shani seul avec son orchestre pour une Première symphonie de Brahms solennelle dès ses premières percussions. Les musiciens ont pris le public par la main pour le transporter dans une énergie beaucoup plus monumentale, comme si les notes philosophaient. Beethoven est un peu là, derrière chaque note – jusqu’à ce qu’on entende l’ode à la joie dans une partie du dernier mouvement. L’orchestre lui fait aussi un peu de place, mais propose une montée en puissance progressive et plastique qui nous fait déjà voir un autre monde. Le début si grave du 4e mouvement fait écho au début du premier, les bois semblent caresser le flux de la musique et le final est réellement grandiose, mais toujours sans grandiloquence. La danse est plus mature, plus bardée de références, mais elle elle est là, et c’est à nouveau debout que le public applaudit le rayonnant Lahav Shani et son Orchestre qui nous a si bien révélé deux visages toujours jeunes et toujours saisissants du romantisme qui nous constitue.

 

visuel (c) YH