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10.09.2024 → 13.10.2024

Festival de Laon 2024 : Hommage à Gabriel Fauré

par Helene Adam
16.10.2024

À l’occasion du centenaire de la mort de Gabriel Fauré, le festival de Laon 2024, « Horizons du romantisme », proposait une série de concerts, « parcours d’entre-deux siècles », et s’achevait ce dimanche avec le «  Requiem de Fauré »  dans sa version originale réduite, et quelques belles pièces de la même inspiration, le tout brillamment interprété par l’orchestre et le chœur de l’Opéra royal de Versailles sous la direction de Victor Jacob.

Un programme d’une grande richesse

Dès 1963, l’ancêtre du festival alors nommé « les Heures médiévales de Laon », souhaitait promouvoir le très riche patrimoine architectural de la belle ville de Laon, dont la cathédrale Notre-Dame, au sommet du plateau, domine toute la plaine.

Chaque ruelle, chaque place, recèle des trésors historiques amoureusement préservés, qui conduisent tout naturellement le promeneur vers l’imposant édifice, l’une des premières constructions de style gothique de cette importance, bâtie entre 1155 et 1235 sur le site d’une ancienne église romane incendiée.

La hauteur impressionnante de la nef comme sa conception, confère à la cathédrale une acoustique exceptionnelle alors que nombre d’édifices religieux de cette époque se caractérisent plutôt par une réverbération qui disperse le son et contraint à installer un système de sonorisation.

Le festival de Laon, et son directeur actuel Jean-Michel Verneiges, rassemble chaque année, avec l’aide de nombreux et dévoués bénévoles, une affiche prestigieuse de brillants artistes de musique classique qui s’illustrent par la cohérence du thème choisi, tout en se produisant dans différents lieux de la ville.

Cette édition 2024 mettait à l’honneur le romantisme de différentes périodes et se déroulait du 10 septembre au 13 octobre.

Gabriel Fauré, « né au cœur du XIXe siècle et disparu pendant les Années folles », occupe une place de choix dans ce programme du Festival 2024, avec le Requiem donné dimanche dernier, mais aussi cette intégrale des œuvres majeures pour cordes et piano donnée en trois concerts dans la cité musicale de la ville voisine de Soissons, par une équipe d’artistes autour de Renaud Capuçon.

 

D’autres célébrités ont fait le déplacement pour honorer le festival, comme Alexandre Kantorow avec l’orchestre national de Lille sous la direction de Joshua Weilerstein, Les Siècles sous la direction de Jakob Lehmann ou l’orchestre Lamoureux sous la direction d’Adrien Perruchon, pour des œuvres qui s’inscrivent dans cette période romantique (étendue), de Schubert et Liszt à Mahler ou Sibelius en passant par Massenet ou Rachmaninov et Bruckner, véritable revue de pièces fortes empreintes le plus souvent d’une intensité dramatique propre à cette fin de siècle.

Le Requiem de Fauré, une berceuse de la mort

L’œuvre la plus célèbre du compositeur aura été jouée, pour le centenaire de sa mort, dans de nombreuses églises, cathédrales et salles de concert, après avoir honoré sa mémoire lors de ses obsèques il y a un siècle.

Très différent des Requiem très opératiques de Mozart ou de Verdi, celui de Fauré appelle au recueillement et à la sérénité.

Fauré en parlait ainsi : « Mon Requiem, on a dit qu’il n’exprimait pas l’effroi de la mort, quelqu’un l’a appelé une berceuse de la mort. Mais c’est ainsi que je sens la mort : comme une délivrance heureuse, une aspiration au bonheur d’au-delà, plutôt que comme un passage douloureux. »

 

L’orchestre et le Chœur de l’Opéra-Royal de Versailles sous la direction du jeune chef Victor Jacob, respectant les intentions du compositeur dans sa version initiale de 1893, l’illustrent avec cette ferveur réconfortante, et lui donnent cette impression de plénitude renforcée par les spécificités de la formation instrumentale : deux cors représentent à eux seuls les bois, tandis que les violons sont absents des cordes frottées composées d’altos, de violoncelles et de contrebasses. Le rythme est régulièrement donné par la harpe et le jeu des timbales. L’orgue fait entendre une douce mélopée plus résignée qu’éplorée lors de ses moments solos.

Les voix, omniprésentes comme il se doit, sont composées d’un Chœur mixte. Mais Victor Jacob, lui-même ancien chanteur lyrique des Chœurs de Radio-France, et particulièrement attaché à leur présence, a choisi judicieusement de rajouter à cette modeste instrumentation, la présence des solistes soprano (qui peut être une voix d’enfant, de femme ou de contre-ténor) et baryton), s’entourant là encore de grands talents.

L’exécution sobre et tragique est remarquable et le tissu grave formé par les altos et les clés de fa de l’orchestre de l’opéra royal, créée une sorte d’envoûtement où le mode piano voire pianissimo domine, comme si la mort, tel un long sommeil attendu, s’installait doucement, sans heurt et sans éclat inutile, sous la haute voûte de la cathédrale.

Les deux cors sonnent de façon pénétrante, la cérémonie de la fin de la vie tandis que harpe et orgue nous offrent quelques moments de répit comme pour se souvenir des belles choses.

Un chœur… royal !

Le Chœur de l’Opéra Royal a été fondé en 2022, mais malgré son jeune âge, il a tout d’un grand, à commencer par la justesse d’une prosodie impeccable rendant intelligible chacune des phrases liturgiques de ce requiem comme s’il était composé d’une somme de solistes de grande qualité à l’unisson. La partition qui comporte peu de polyphonies renforce cette clarté des mots du Requiem aeterna donna eis domine  de l’Introit au divin  In paradisium en tonalité majeur comme l’espoir d’une éternité heureuse après la mort.

 

Les solistes lyriques, le baryton Jean Gabriel Saint Martin et la soprano Isaure Brunner complètent l’ensemble vocal et la perfection de leurs interventions, dans le bel écrin des formations de l’Opéra Royal de Versailles, parachève cette impression persistante d’une interprétation équilibrée et proche de l’idéal.

La voix du baryton  sonne fort et clair, dominant immédiatement les ensembles dans un Hostias magistral avant d’entamer un dialogue avec les Chœurs dans le Libera me, avec sa belle partie dramatique du Dies illa, dies irae

La soprano fait entendre sa douce voix d’ange du fond de la scène dans un délicieux Agnus dei.

D’autant plus qu’il est suivi du fameux « Cantique de Jean Racine » toujours de Fauré, avec son introduction musicale en arpèges d’orgue, seul accompagnement d’un morceau sacré qui va crescendo sur la seule force des voix, qu’en tant que Maître de Chapelle de La Madeleine, Fauré appréciait particulièrement.

Une belle introduction variée

Ce merveilleux et apaisant Requiem s’entoure pour ce concert de quelques diamants de la même eau, pour créer cette ambiance propice au recueillement.

Et c’est le Chœur masculin de l’opéra royal – décidément impressionnant- qui ouvre la longue marche vers le paradis, en procession, venant du fond de l’immense cathédrale et traversant la nef pour se placer sur la scène pour les « quelques mesures de chant funèbre à mon pauvre ami Meyerbeer » de Rossini, accompagnés d’un tambour pour le rythme. Musique de salon, ces « Péchés de vieillesse » du maitre de Pesaro, ont été composés entre 1857 et 1868 et constituent un véritable inventaire à la Prévert de nombreux genres musicaux et littéraires variés. Ce « chant funèbre appartient au volume 3, intitulé « Morceaux réservés » et a été écrit pour un chœur masculin et un instrument de percussion avec ce caractère volontairement dépouillé et immensément valorisé par la qualité des voix et des étonnantes et profondes sonorités des lieux pour un bel hommage à un « grand artiste », le compositeur d’opéra Giacomo Meyerbeer, mort quatre ans avant Rossini.

 

Nous partons ensuite avec toujours autant de classe, sur les ailes du « Sturm and Drang » avec le « Chant des esprits sur les eaux » (Gesang der Geister über den Wassern) de Franz Schubert, sur un poème de Goethe, nous plonge aux racines du romantisme allemand né au début du dix-neuvième siècle avec cette métaphore de la vie illustrée par le cours d’une rivière de la source à l’océan et des tentatives de l’homme de saisir l’ordinaire tout en s’élevant vers le ciel « dans une éternelle alternance ».

 

Le chant domine comme pour l’interprétation des quatre Chants de Johannes Brahms qui suivent. L’instrumentation s’est un peu étoffée avec une harpe et deux cors, mais reste minimale, façon Lied, respectant le primat des Voix et mettant à l’honneur et en valeur le formidable Chœur – mixte à présent- de l’Opéra Royal, sa jeunesse, sa fraicheur, son sens de la narration propre au « Lied ». De Brahms, nous aurons « en ces accords de harpe » (sur un texte de Riperti), le « chant de Shakespeare » sur un texte du dramaturge anglais, « le Jardinier » sur un texte d’Eichendorff, et enfin « Le chant de Fingal » sur un texte d’Ossian.

 

Et cette première partie s’achève sur le mélancolique « Abendlied » de Josef Rheinberger, motet sacré, tout en polyphonie à six voix, composé sur un texte de l’Évangile de Saint Luc « Reste avec nous, car le soir tombe ».

 

Un dernier morceau non prévu initialement sera offert du fait d’erreurs sur le programme : il s’agit de « tendre amour » extrait des Indes Galantes de Jean-Philippe Rameau, courte pièce de ballet, que le public accueille chaleureusement en cette fin d’après-midi ensoleillée, mais fraîche qui se termine par une note très gaie !

Ce programme avait été donné la veille à la Chapelle Royale de Versailles et retrouvera à nouveau la scène, cette fois salle Gaveau le 18 octobre prochain.

 

Photos : ©  Robert Lefèvre