Festival de Chambord : Château en musique

Chaque année, Vanessa Wagner donne au moins un récital pendant le festival de Chambord. A l’occasion de l’édition 2024 de la manifestation Vanessa Wagner a invité la pianiste Marie Josèphe Jude, l’accordéoniste Félicien Brut et la violiste Salomé Gasselin. Ces quatre musiciens ont joué dans des endroits différents sans jamais se croiser. En effet, Vanessa Wagner et Marie Josèphe Jude ont joué à quatre mains dans les jardins à la française ; Félicien Brut a joué dans les combles, sur la terrasse sud et dans le bras ouest du deuxième étage tandis que Salomé Gasselin a joué dans la chapelle François 1er au premier étage du château, puis dans la salle François 1er du deuxième étage et enfin dans les combles. Ces multiples déménagements d’un endroit à l’autre ont permis au public de visiter le château d’une manière totalement inattendue et presque dans l’intimité puisque la totalité des visiteurs était partie depuis longtemps. Comme il y avait trois « performances », chacun allait et venait à sa guise dans l’intervalle de 25 minutes qui séparait chaque mini concert.

Du piano à quatre mains dans les jardins à la française

C’est ainsi que nous avons commencé la soirée dans les magnifiques jardins à la française pour écouter Vanessa Wagner et Marie Josèphe Jude dans un programme agréable et parfaitement défendu. Qu’il s’agisse du ballet de « En bateau » de Claude Debussy (1862-1918), des 5 valses opus 39 de Johannes Brahms (1833-1897), de « Standchen » de Franz Schubert (1797-1828) ou encore des deux danses slaves de Antonin Dvorak (1841-1904) les deux femmes donnent une lecture idéale de chacune des œuvres présentées. Marie Josèphe Jude « dirige » l’œuvre de Debussy et celle de Dvorak avec simplicité. Quant à Vanessa Wagner elle prend à son compte, les valses de Brahms et Standchen de Schubert ; et d’ailleurs cet arrangement pour piano à quatre mains du lied de Schubert est superbe et les deux pianistes en donnent une lecture parfaite.

Salomé Gasselin fait visiter une partie du château à son auditoire

La jeune violiste, révélée par la dernière édition des Victoires de la musique classique a débuté son parcours dans la chapelle François 1er avant de monter au deuxième étage dans la salle François 1er. C’est dans cette salle que nous avons écouté le programme qu’elle avait monté pour cette occasion unique. Quand on parle de musique pour viole de gambe, on pense spontanément à Marin Marais (1656-1728) et à Monsieur de Sainte Colombe (vers 1660-1720) ; on ne s’étonnera donc pas de voir que les trois premières œuvres de son programme ont été composées par les deux hommes : un prélude et une muzette de Marin Marais et une chaconne de Monsieur de Sainte Colombe. Mais ce n’est pas tout car Salomé Gasselin a aussi programmé une œuvre d’Antoine Forqueray (1672-1745) « cet affreux bonhomme qui composait une musique géniale » nous dit Gasselin qui présentait son programme au fur et à mesure qu’il se déroulait aux oreilles attentives du public visiblement séduit. Après la girouette de Forqueray, Salomé Gasselin termine sur un prélude de Jean Sébastien Bach (1685-1750) et un allegro de Karl Friedrich Abel (1723-1787)

Félicien Brut introduit l’accordéon dans le majestueux domaine de François 1er

Pendant que Salomé Gasselin quitte la salle François 1er pour monter dans les combles, habituellement fermées aux visiteurs, le jeune et brillant accordéoniste Félicien Brut quitte la terrasse sud du château, également fermée au public, pour rejoindre le bras ouest situé au deuxième étage. Le jeune homme est un instrumentiste talentueux qui mérite grandement de rejoindre la belle équipe de musiciens que Vanessa Wagner a composé pour cette soirée exceptionnelle. Ce qui est moins habituel, en revanche, c’est de voir arriver un accordéon dans cet illustre site renaissance inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ravi de venir dans ce château Félicien Brut prend un véritable plaisir à jouer pour un public nombreux pour une salle si petite ou l’on voit aussi de très jeunes enfants qui semblent enchantés de visiter le château d’une manière très inhabituelle tout en écoutant des musiques dont ils n’ont pas l’habitude. Le jeune homme commence par une œuvre de Isaac Albéniz (1860-1909) : Asturias arrangé pour accordéon par Friedrich Lips (né en 1948). Très vite cependant, Félicien Brut dévie de son programme en jouant des musiques que l’on entend généralement dans les bals musette. Le jeune accordéoniste ajoute une autre pièce « que je n’ai pas pu jouer la haut » en interprétant le prélude religieux de la petite messe solennelle de Gioachino Rossini (1792-1868) ; si la musique de Rossini est toujours complexe à interpréter, « la musique la plus difficile à jouer pour un accordéoniste est bien celle de Weber » nous dit Félicien Brut quand il présente le Konzerstück en fa mineur de Carl Maria Von Weber (1786-1826).

C’est une soirée hautement inhabituelle et parfaitement organisée à laquelle nous avons assisté en ce dimanche de fête nationale. Car en lieu et place des concerts qui se passent sous l’énorme tivoli habituellement installé dans la cour du château ce sont des performances d’une vingtaine de minutes qui se sont déroulées toutes les 25 minutes, pour laisser le temps aux visiteurs du soir d’aller d’un site à l’autre, dans diverses salles du château. Et il nous faut bien reconnaître que visiter Chambord le soir, bien après le départ des nombreux touristes qui viennent chaque jour est une expérience unique que nous recommandons dans les années à venir.