« La main tient la nuit par un fil », lit-on dans les titres des « Formes du Vent » pour violoncelle que propose la compositrice Edith Canat de Chizy. C’est un vers de Llorca. C’est aussi un morceau d’un pentagone, alors que le chiffre 5 était omniprésent dans l’avant-goût que Elles Women Composers donnait de l’art de la compositrice née en 1950, de lundi 11 mars dans la salle ovale de la Bibliothèque Richelieu, avec Dana Ciocarlie au piano, Teodor Coman à l’alto, Fanny Clamagirand au violon et Raphaël Perraud au violoncelle…
Ce lundi 11 décembre, c’est dans la majestueuse salle ovale de la BNF nouvellement restaurée que Elles Women Composers et le label La boite à pépites ont permis d’entendre des œuvres pour cordes d’Edith Canat de Chizy, première compositrice membre de l’Institut de France élue en 2005 à l’Académie des Beaux-Arts.
Née en 1950, violoniste de formation, élève de Ohana, la compositrice Edith Canat de Chizy a plus de 120 œuvres à son actif. Nous en avons entendu six aux titres déjà sonores aux côtés d’une étude de Debussy, une autre de Ohana et du Konzertstuck pour alto et piano de Enesco. Présente, elle a commenté chaque œuvre, lisant les vers des poèmes qui les ont inspirés.
Tout commence donc au milieu des livres par Claude Debussy : « Celui qui a révolutionné la forme » nous dit la compositrice, inspiration majeure pour elle avec son maître Maurice Ohana dont on entendra également l’étude N°11. Et dès que la pianiste Dana Ciocarlie prend place, la liberté est à son comble, jusque dans la lenteur. Lorsqu’elle est rejointe par l’altiste Teodor Coman pour une première pièce de Canat de Chizy « En bleu et or », nous plongeons en apnée dans une Harmonie du soir quelque part entre l’Orient et Whistler. Hommage aux années de violons de la compositrice, le Konzertstück de Enesco (1906) nous fait dans la Mitteleuropa du tournant du 20e siècle avec une forme très présente mais à la fois très festive.
Ce n’est qu’après qu’on se laisse pleinement glisser dans les abstractions assez poétiques et les sensations fluides de la musique de Edith Canat de Chizy. Elle qui vit la moitié de l’année près de la mer et fait de la voile nous emmène sur l’océan. A la fois grave et déchainée, Sailing est à nouveau une pièce en 5 petites formes -cette fois-ci inspirées de haikus- que Dana Ciocarlie travaille à la fois sur les touches et dans les cordes du piano ; elle enchaîne avec une grâce et aussi une gravité infinies sur la deuxième œuvre pour piano composée par Canat de Chizy : Prélude au silence.
La violoniste de Fanny Clamagirand fait son entrée pour Cinq miniatures d’après des poèmes de Pierre Reverdy. Les crissements glissent et nous placent encore et toujours entre chien et loup, au moment où les formes vont disparaître… Après cela, l’étude de Ohana et les 5 Formes du vent semblent beaucoup plus massives, corporelles, présentes. Et l’on termine par un trio à cordes plein de vie et moins de symboles, qui semble tendre toutes ses cordes à travers le temps vers le flamboyant Enesco.
Ces deux heures d’immersion dans l’univers d’Edith Canat de Chizy nous laissent encore voguer longtemps à l’endroit même où les ricochets se dessinent sur l’eau, au moment où la nuit tombe. Et l’on sort du concert avec, s’il était possible, encore plus d’admiration pour l’extraordinaire Dana Ciocarlie.
(c) YH