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« Der Doppelgänger » : Jonas Kaufmann et son double dans Schubert et Schumann

par Helene Adam
10.09.2025

La discographie, déjà remarquablement variée du ténor, s’enrichit d’un nouvel album pour cette rentrée. Sous le nom de « Doppelgänger », et avec l’affiche du spectacle qu’il donna en septembre 2023 au Park Avenue Armory de New York, Jonas Kaufmann nous propose deux approches différentes de l’art du Lied dans lequel il est désormais une référence incontournable. Il redonne vie à deux cycles majeurs de l’œuvre de Schumann et participe à une audacieuse scénographie des derniers Lieder de Schubert. Double régal pour les amateurs.

L’art du Lied avec naturel et simplicité

La publication de rentrée est particulièrement riche et luxueuse, bien qu’exclusivement centrée sur le Lied que Jonas Kaufmann élève au rang d’art sublime et qu’il rend particulièrement facile d’accès, loin d’une vision où l’intimité des lieux réserverait le genre à une poignée de privilégiés.

L’enregistrement des « Dichterliebe » (les amours du poète) a été réalisé en 2020 durant le COVID et sa sortie était très attendue.

Dans un entretien accordé à Charlotte Landru-Chandès pour France Musique en juin dernier et diffusé le 9 septembre à l’occasion de la sortie du CD, Jonas Kaufmann raconte qu’à ses débuts en public, le cycle des « Dicheterliebe » fut partie prenante du « programme populaire » que lui avaient demandé les organisateurs d’un concert dans une toute petite église, pour garantir avec ce « jeune chanteur alors inconnu », « le remplissage des 80 places ». « Ce fut, dit-il, la première collaboration avec son professeur Helmut Deutsch », avec lequel il a enregistré tous ces nombreux CD consacrés au Lied et surtout avec lequel il a parcouru les grandes scènes du monde entier – Europe, USA, Canada, Argentine Australie, Chine, Japon, Corée et j’en oublie – lors de ces tournées de Liederabend dont ils sont tous les deux devenus des spécialistes très recherchés.

 

Il précise, en rapport avec l’étonnant et précieux témoignage de sa voix de 1994, qu’il était à ses débuts un ténor lyrique léger ce qui correspondait davantage à Schumann qu’à Schubert qui a composé pour une voix de ténor plus large, en l’occurrence celle de Vogel « une voix déjà mature, à mi-chemin entre le baryton et le ténor ». Il reconnait avoir été lui-même « très surpris en retrouvant cet enregistrement parce qu’il avait essayé de « proposer une interprétation » et que finalement il avait réussi malgré le trac des débuts et ce qu’il pensait être une incapacité de « penser les paroles et la musique en même temps ».

Il rappelle également que, dans sa jeunesse, il existait deux grandes références dans le Lied, Dietrich Fischer-Diskau et Herman Prey, et que sa préférence allait au second dont le chant lui paraissait plus naturel et plus authentique. Mais il rappelle qu’il ne voulait pas « avoir un seul modèle » – il cite également Wunderlich- pour ne pas avoir « tendance à copier ce modèle ».

Jonas Kaufmann, avant de devenir le ténor célèbre que l’on connait depuis près de deux décennies, a bousculé de nombreux schémas imposant son style et surtout son sens de la transmission d’émotions dans l’interprétation.

Distiller l’émotion pure

Et c’est sans doute dans le Lied que cette originalité est la plus sensible (faisant de nombreux émules), rendant le genre beaucoup plus accessible à tous comme en témoigne l’incroyable succès de toutes ces salles remplies qu’il parcourt depuis quinze ans avec son fidèle compagnon Helmut Deutsch ; de Strauss, dont il a gravé dès 2008 quelques Lieder qu’il reprend souvent en « bis » comme « Morgen » ou « Ceciliae », à Mahler, Wagner, Brahms, Schubert, Wolf, Liszt, Schumann, Kaufmann a enregistré des dizaines de titres avant de revenir à ces « Dichterliebe » si souvent chantés, mais jamais immortalisés au disque jusqu’à présent.

Le Lied est a priori un genre intime écrit pour une musique de salon avec piano, mais cette tradition a beaucoup évolué puisque les Lieder peuvent être également accompagnés par un orchestre, exercice auquel Kaufmann s’est également livré avec Mahler, Strauss et Wagner.

Toujours dans le vaste entretien que diffuse France Musique, Kaufmann s’explique sur ses conceptions en la matière « je suis en immersion émotionnelle, mais je ne cours pas dans tous les sens, il n’y a pas de jeu d’acteur, tout doit venir du son de la voix (…) on peut entendre le rire, la tristesse, la colère ». « Il faut vous mettre à 100% dans cet état d’esprit afin que votre voix réagisse de manière naturelle ». Et dans une grande salle, comme l’a souvent rappelé Kaufmann, il ne suffit pas de chanter fort pour emplir l’espace il faut aussi être capable de transmettre un piano à l’ensemble des spectateurs. C’est ce qui est le plus difficile et l’on sait combien il excelle à créer l’intimité jusque dans les plus grandes salles en tissant une sorte de fil invisible avec chacun.

Dichterliebe ou les amours du poète

Seize Lieder sur des poèmes splendides de Heinrich Heine, composent ce cycle, expression de la souffrance et des espoirs de Robert Schumann empêché alors d’épouser son amour, Clara Wieck.

Ce qui est encore un exercice pour la jeune voix gracieuse et très lyrique du ténor bavarois en 1994 devient trente ans plus tard, une référence accomplie dans l’incarnation extrêmement variée et très sensible des affres de ce poète en butte à l’adversité dans ses émotions les plus profondes.

 

Entretemps, outre le passage par les très nombreux Lieder de son répertoire, il a revêtu avec talent le costume de quelques grands héros romantiques de l’opéra, Andrea Chenier, Werther, Alvaro, Siegmund, Tristan ou Cavaradossi et a marqué de son empreinte, ses interprétations devenues des références de sa génération.

Celui qui se frottait surtout à ses débuts à Mozart et l’opérette allemande, a gravi des montagnes, atteint des sommets et considérablement affermi sa voix, élargissant son assise, enrichissant ses harmoniques et lui donnant ce velours doré et patiné par le temps qu’on lui connait désormais.

Mais c’est sa manière de rendre vivant chaque petit récit miniature contenu dans chacun des chants du cycle qui émerveille encore. Le Jonas d’aujourd’hui est plus grave, plus sombre, plus sérieux, moins versatile que le jeune Jonas, mais le jeune savait déjà donner du piquant à ses phrasés, oublier la banalité du ton, le style scolaire du bon élève pour oser des couleurs audacieuses et des nuances déjà remarquables.

Et on n’oubliera pas évidemment le rôle du piano d’Helmut Deutsch, discret, mais toujours présent, soutenant le chanteur, lui répondant, ponctuant son incarnation de ses accords, arpèges, ou mélodies, dans un « pas de deux » fascinant de justesse et de richesses.

On admire l’accélération jouissive du « Die Rose » qui succède aux langueurs de « Aus meinen Tränen spriessen  » ( de mes larmes jaillissent), la suprême beauté de « Wenn ich in deine Augen seh’» et la douceur entêtante presque suppliante de « Ich will meine Seele tauchen » (Quand je te regarde dans les yeux Je veux y plonger mon âme).

Et, contraste parfait, Kaufmann prend un timbre grave et sombre pour le solennel « Im Rhein, im heiligen Strome » (sur le Rhin, fleuve sacré), tandis que le piano de Deutsch scande ses accords de conclusion. Suit alors le plus beau des Lieder de ce recueil à notre sens, le célèbre « Ich grolle nicht » (je ne t’en veux pas) où l’art de Kaufmann explose littéralement dans cette lecture sombre et typiquement romantique allemande, avec son magistral en mode forte « Und sah die Schlang’, die dir am Herzen frißt, Ich sah, mein Lieb, wie sehr du elend bist » (Et j’ai vu le serpent qui rongeait ton cœur/J’ai vu, mon amour, combien tu es malheureux.)

 

Kaufmann fait un sort à chaque poème, aucune lecture de sa part ne ressemble à la précédente et l’on passe ensuite au très chantant « Und wüßten’s die Blumen, die kleinen » (si les petites fleurs savaient) où la légèreté dansante de la première partie amène brusquement et avec force la sévère conclusion « [Sie] hat ja selbst zerrissen, Zerrissen mir das Herz. » (car c’est elle qui a déchiré mon cœur).

La belle alternance entre les Lieder en mode forte, animés, accompagnés par le piano agile et rapide et ceux qui soulignent l’amour et la nostalgie, la tendresse même, donne un élan général particulièrement réussi, voire passionnant, à l’enregistrement tandis que la belle voix du ténor caresse les consonnes soulignant leur équilibre, les sons se lovant dans les notes avec grâce et élégance, colère ou désespoir.

Au doux legato sur le « Hör’ ich das Liedchen klingen » (Quand j’entends cette petite chanson) succède la précipitation aux syllabes heurtées de « Ein Jüngling liebt ein Mädchen » (un jeune homme aime une jeune fille) et ainsi de suite. Le dernier Lied « Die alten, bösen Lieder » (les chansons anciennes et méchantes) du cycle est abordé avec gravité par un Kaufmann ému par ce qu’il chante, et est grandiose dans son interprétation magistrale et presque martiale. Le poète réclame un cercueil immense pour y déposer ses amours et ses douleurs, la lenteur et la retenue de ces derniers vers, les quelques notes de piano finales, terminent douloureusement une très belle interprétation du recueil.

Regard vers le passé, Kaufmann il y a trente ans

La version de 1994 avec le pianiste Jan Philip Schulze, ne comprend que sept des seize Lieder, mais le choix s’est porté sur les plus célèbres. Si le timbre est fondamentalement différent, force est de constater que le jeune Kaufmann, à la voix caressante, à l’incarnation plus transparente, moins approfondie, annonce quand même déjà le grand interprète du genre qu’il sera quelques années plus tard. La technique, et notamment la prosodie, est déjà idéale et il fait de chacun des chants un petit récit aux couleurs différentes.

Et à la deuxième écoute, une fois passée la surprise du timbre juvénile, on reconnait peu à peu dans la chrysalide le futur papillon. Et le « ich grolle nicht » s’il est plus uniforme, contient déjà la rage et la colère du futur grand ténor, notamment ses aigus audacieux et magnifiquement projetés. Regard sur son double de jeunesse, Kaufmann nous offre un bien joli cadeau.

Les Kerner Lieder comme une tragédie

Le CD comprend également les Kerner Lieder dont nous avons parlé à propos de son récital de juillet dernier à Munich. C’est un plaisir là aussi de pouvoir écouter ces plus rares opus aussi intelligemment incarnés.

Ces douze Lieder ont été composés par Schumann sur des poèmes du médecin Justinius Kerner. Kerner évoque très classiquement conformément au romantisme allemand en vigueur, la nature, les oiseaux, les rivières, les montagnes, les longues promenades. Schumann compose en 1840, alors qu’il a réussi enfin à épouser Clara Wiek, une partition très tourmentée, aux reliefs changeants, qui convient tout particulièrement au style de Jonas Kaufmann.

Avec l’enregistrement et toujours en parfaite harmonie avec Helmut Deutsch, le ténor confirme son talent pour la belle interprétation très variée tant sur le plan du style que des effets, tout en nuances, passant de l’élégance à la véhémence, de la langueur à l’énergie, sans le moindre effort apparent comme si l’utilisation de toute la palette du chanteur était naturelle et spontanée. On saluera une fois encore ce véritable travail accompli par les deux musiciens qui savent admirablement se compléter dans ce jeu à deux où voix et piano sont sans cesse étroitement liés.

En grande forme vocale, Kaufmann ose tout pour mettre l’émotion au service d’une technique parfaite, se risquant même à une utilisation très maitrisée des aigus en voix de tête dans le dernier couplet de « Stirb, Lieb un Freud’ » et alternant un « Wanderlied » très agité et un « Ertes Grün » plutôt mélancolique.

Il faudrait citer là aussi tous les chants, tant les variations font sens, l’intelligence musicale s’exprimant avec précision pour un « Auf das Trinkglas », d’abord décidé et scandé avant de se terminer par un aigu sur le fil, pianissimo, évoquant le cristal qu’il chante dans un effet parole/musique/voix tout à fait étonnant.

Au rêveur « Frage » succède le splendide « Stille Tränen » et le « Alte Leute » se termine lui aussi dans un véritable chuchotement dans cet art du pianissimo, marque de fabrique des plus grands et qui achève le cycle avec une douceur mélancolique qu’il sait merveilleusement distiller.

Le Lied mis en scène par Claus Guth

Dans un entretien reproduit dans le programme du DVD, Jonas Kaufmann explique que cette idée de mettre en scène un cycle de Lieder est venue de Pierre Audi (récemment décédé), alors directeur artistique du Park Armory Avenue, qui a suggéré à Claus Guth de tenter cette expérience.

Guth et Kaufmann ont alors pensé au « Schwanengesang » qui leur a paru un excellent choix pour imaginer une mise en scène. Il s’agit en effet d’un cycle long et complexe, recueil des treize derniers Lieder de Schubert regroupés par son éditeur Tobias Haslinger, qui désirait présenter ainsi une sorte de testament du compositeur, mort prématurément à 31 ans. Ce titre de « chant du cygne » est une évocation de cette fin de vie tragique. Il n’y a pas à proprement parler de lien entre les chants de ce cycle comme c’est le cas pour le « Winterreise » par exemple, mais, écrits sur des poèmes de Ludwig Rellstab pour les neuf premiers et de Heinrich Heine pour les suivants, ils ont en commun une sorte de mélancolie romantique empreinte d’une très grande tristesse.

Le metteur en scène allemand Claus Guth a déjà très souvent travaillé avec Jonas Kaufmann et les deux hommes ne cachent pas leur amitié et admiration réciproque depuis leur première expérience commune fort réussie, celle du fameux Lohengrin créé à la Scala en 2011 et qui fit l’ouverture de la saison. Guth s’appuie sur les talents d’acteur de Kaufmann comme sur sa propension évidente à ressentir et traduire les sentiments troubles, complexes et parfois désespérés des « héros » qu’il incarne. La scénographie que propose Guth est l’une des plus réussies de ses multiples œuvres (souvent controversées il faut le dire). Elle nous saisit littéralement par la puissance des images et l’évocation tragique des traumatismes irréversibles de ces soldats de la Grande Guerre, clones les uns des autres, numéros envoyés à l’abattoir, qui rejouent éternellement l’extrême violence des scènes qui les ont blessés ou tués.

Le décor de Michael Levine est de ceux qui vous obsèdent longtemps avec son impressionnante rangée de lits de fer tous identiques, immense salle d’hôpital sinistre et mal éclairée, mais qui évoque tout autant ces rangées de croix blanches des cimetières des pauvres hères tombés au combat.

Au cycle de Schubert lui-même s’ajoute dès l’introduction, musique électronique et bruitages (de Mathis Nitschke), qui viendront ponctuer certains chants sans jamais interférer avec Schubert, renvoyant le spectateur, images à l’appui, à la guerre qui a provoqué ces scènes d’horreur.

Enfin, le choix s’est porté sur un ordre différent de celui habituellement donné dans le cycle, qui permet de donner une certaine logique à la lecture dramatique faite par Guth.

Kaufmann est bien sûr l’un de ces soldats, amené par une nurse à l’allure inquiétante, avec autant de ses « doubles » comme une sorte de ballet dont l’image principale se démultiplierait à l’infini, comme ces lampes suspendues qui produisent cet éclairage blafard. L’ensemble est admirablement chorégraphié, chacun prend sa place dans cette sorte de danse macabre, Kaufmann en tête qui chante en jouant son rôle, Helmut Deustch au centre avec son piano qui martèle son accompagnement avec le talent qu’on lui connait.

Frères d’armes

Le point de départ (qui a nourri l’idée de Guth) est ce premier poème « Kriegers Ahnung » qui commence par « In tiefer Ruh liegt um mich her/Der Waffenbrüder Kreis » (Autour de moi, mes frères d’armes reposent jusqu’au jour) avec son sinistre « Gute Nacht » (Bonne nuit) pour une « nuit sans rêve », conclusion presque murmurée par Kaufmann alors qu’il se recouche recroquevillé sur lui-même après avoir parcouru avec la fièvre d’une voix émouvante l’ensemble de la salle où gisent les autres soldats.

Le « Liebesbotschaft » (message d’amour) qui suit commence sur une note d’espoir ; le ténor se redresse sur son lit (tous les autres soldats également), il chante « Denn der Geliebte

Kehrt bald zurück. » (Car le bien-aimé sera bientôt de retour) avec la fébrilité de celui qui espère l’impossible, la voix se fait pressante, le ton est caressant et suppliant tandis qu’il se lève et parcourt les lits du regard cherchant une réponse à sa quête. Mais les nurses le ramènent à la raison, à son lit, et le piano s’éteint tandis que les bruits de la guerre prennent place en grondement sourds, une lumière bleue accompagnant le ballet sinistre et inquiétant des nurses.

« In der Ferne » (Dans le lointain) égrène alors ses vers sévères, « Wehe dem Fliehenden/Welt hinaus ziehenden! », (Malheur au fuyard /Cheminant de par le monde ! ), constat d’un impossible amour là encore, à la triste conclusion. L’introduction au piano avec ces quelques montées en gamme est l’occasion pour Kaufmann et les figurants d’esquisser des pas dans tous les sens, accompagnant parfaitement cette idée de fuite désespérée. Et l’on admire la formidable prise de vue depuis les cintres montrant de véritables allées de lumière verdâtre entre les rangées de lits que le poète-soldat arpente de manière désordonnée tandis que les mouvements de ses frères d’armes lui font écho.

Le « Frühlingssehnsucht » (ardeurs au printemps) voit des myriades de confettis rouges comme autant de fleurs tomber du ciel, la voix de Kaufmann qui tente d’en recueillir entre ses mains maladroites, se fait presque joyeuse dans cette magnifique et si romantique description de la nature, le débit s’accélère tandis que tout le monde danse et saute de joie, le sol se couvre de petites lumières rouges et bleues, façon tapis de fleurs, mais sur le final au piano, le héros pousse un cri et s’écroule au sol, se tenant le ventre, sa chemise rougit rapidement. Émotion. Et comme seul en scène, allongé sur les draps par terre et violemment éclairé, le ténor chante le célèbre « Standchen » (Sérénade), alors que les figurants se sont figés dans une pose ne bougeant qu’imperceptiblement mains et pieds puis quand Kaufmann se redresse, poursuit à genoux, presque prostré, et termine en serrant le drap contre lui comme sa bien-aimée perdue et se lève, ils se dressent comme des remparts empêchant sa fuite.

Les horreurs d’une guerre absurde

L’ensemble du spectacle alterne ainsi des moments mélancoliques, nostalgiques, tristes à mourir, et soudain plein d’espoirs, remplis de mouvements souvent désordonnés, où la caméra saisit sur le vif le ballet des figurants et le jeu phénoménal de Kaufmann. On est saisi ainsi par l’interprétation de « Abschied » (Adieu) où le ténor comme devenu soudain libre dans sa tête, scande son « Ade » (Adieu) qui commence chaque strophe, adoptant un rythme effréné, saisissant sa veste pour s’en vêtir puis formant un balluchon improvisé avec son drap pour s’en aller, vagabond aux pieds nus, wanderer de l’ère romantique, bientôt rattrapé par les horreurs de la guerre, l’excitation du piano solo de Deutsch, l’affolement de tous courant dans tous les sens comme des papillons pris au piège, et le sifflement d’un obus de canon pour ponctuer la scène.

Le souvenir des scènes de combat finit d’ailleurs par surgir durant l’impressionnant « Ihr Bild » (leur image) et le bruitage affolant qui suit le Lied lui-même, où les soldats dressent les lits pour représenter la butée d’où les soldats tirent au-dessus des tranchées. C’est Kaufmann lui-même qui monte sur cet échafaudage improvisé, mais très réaliste et soudain un tir retentit le fauchant tandis que le plateau se colore de rouge.

Pour « Der Altlas », Kaufmann blessé est toujours sur sa barricade tandis que les autres se serrent les uns contre les autres, se tenant le ventre à deux mains comme autant de « doubles » du soldat, vivant les mêmes tristes aventures. Dès les premiers vers, ils s’affaissent tous et restent au sol, immobiles, figés dans la mort qui les a saisis. Kaufmann se déchaine sur un rythme soutenu tandis que piano d’Helmut Deutsch martèle son accompagnement. Bruitage et lumières, projection d’ombres inquiétantes sur le sol -dont le passage d’un bombardier,  tandis que tour à tour soldats et nurses semblent sortir de leur torpeur et se redresser tels des morts-vivants, courir pour redresser quelques lits et former une barricade protectrice derrière laquelle tout le monde se réfugie.

Et des nurses se transforment alors en « Fischermädchen » (Ô toi jolie fille du pêcheur), retirant leurs blouses austères, apparaissant dans leurs longues robes blanches en posture gracieuse sur les lits, symbole de l’amour rêvé, parenthèse enchantée dans l’horreur tandis que la voix du ténor se fait d’abord toute douce (ah ces pianis !) et amoureuse au milieu des scintillements bleutés qui rougissent peu à peu, sur des couplets plus angoissés (quelle maitrise des changements de style) avant de s’écrouler saisi de douleurs sur la bande-son du spectacle qui déroule alors un angoissant bruitage métallique.

Ce travail sans couture d’un Lied à l’autre est une grande réussite et la reprise immédiate du piano à l’issue de ce Lied annonce sans transition le « Am Meer » (à la mer) qui suit et qui voit les jeunes soldats porter le lit où git le poète-soldat, dans une lente procession. Chanté avec douceur et profondeur, ce récit de l’amour destructeur, voit littéralement se consumer Kaufmann, la voix s’affermir peu à peu, l’émotion nous saisit tandis que l’on s’achemine vers l’issue avec successivement « Die Stadt » (la ville) et le fameux « Doppelgänger » (le sosie) qui donne son titre à l’ensemble de la réalisation.

Kaufmann, halluciné remonte comme un somnambule l’allée éclairée vers une ville projetée en face de lui sur fond de sirènes d’alarme. Il sort dans la rue et revient derrière son double, silhouette semblable à la sienne qu’il considère avec peur et surprise tandis qu’il entonne d’une voix sombre et lente, soutenue et prenante, le dernier Lied. « Du Doppelgänger! du bleicher Geselle!/Was äffst du nach mein Liebesleid » (Toi, mon double, toi blême compagnon ! /Que singes-tu la douleur de mon amour ». Poignant !

 

Jonas Kaufmann nous a habitués à soigner ses enregistrements et ce dernier opus déjà fêté sur les ondes radio et à la télévision, ne fait pas exception tant les versions proposées sont originales, personnelles et puissantes.

Le ténor a alterné durant tout l’été entre soirées de récital et galas-concerts de l’opéra de Munich aux Arènes de Vérone où il chantait avec Marina Rebeka jusqu’au tout récent concert de rentrée en plein air de l’Opéra de Vienne. On le verra en Cavaradossi à Zurich et à Paris puis dans Die Fledermaus à Vienne, dans les prochaines semaines. Son nouveau tour de chant « Magische Töne », consacré aux musiques de Emmerich Kálmán, Franz Lehár, Karl Goldmark, débute en avril, avec Malin Byström et le conduira au Théâtre des Champs-Élysées le 20.

Enfin signalons pour les curieux, la sortie chez Decca d’un coffret souvenir, qui regroupe en 15 CD, des enregistrements d’opéras rares auxquels Jonas Kaufmann avait apporté son concours dans les années 2000, parmi lesquels on peut trouver les Koenigskinder d’Humperdinck, l’Obéron de Weber, et ses premiers CD en tant que soliste à partir de 2008.

Doppelgänger (Schumann: Dichterliebe, Kerner-Lieder, Schubert: Doppelgänger (Inszenierung von Schuberts Schwanengesang in der Park Avenue Armory New York))

Jonas Kaufmann, Helmut Deutsch ; Claus Guth, mise en scène ; Mathis Nitschke, composition sonore
Michael Levine, décors ; dates des enregistrements: 1994 (Auszüge aus der Dichterliebe), 2020 (Schumann), 2023 (Schubert).

1 CD et 1 DVD Sony Classical, 2025

 

Visuels : Doppelgänger, mis en scène par Claus Guth © Monika Rittershaus – © Gregor Hohenberg / Sony Music – Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch © Lena Wunderlich.