Ce samedi 12 avril, le 29e Festival de Pâques de Deauville débutait autour du violoniste Augustin Dumay avec une première partie Debussy/Ravel pour deux pianos et après l’entracte le concert pour piano, violon et quatuor à cordes de Chausson. Un moment endiablé, où valse et marche côtoyaient la plus grande expression d’émotion.
Depuis 1997, c’est la 5e génération d’artistes originellement réunis par Renaud Capuçon, qui se retrouvent à Deauville, en avril et en août pour créer un «orchestre selon leur cœur», d’après le mot de Yves Petit de Voize, le directeur artistique du festival. Depuis, il y a un label «Deauville Live», une histoire, des résidences et aussi un club d’adhérents et adhérentes qui portent ce festival qui met en avant l’excellence de la musique de chambre. Le violoniste Augustin Dumay est là depuis l’origine, nous explique t-il.
Dans une salle Elie de Brignac-Arqana quasiment pleine, entre un rayon de soleil et une première goutte de pluie, ce sont donc deux grands pianos qui attiraient tous les regards sur la scène. La première partie était en effet dédiée à un répertoire pour deux pianos où le maître d’œuvre était Maurice Ravel : d’abord comme orfèvre de la transcription de trois nocturnes de Debussy. Arthur Hinnewinkel et Gabriel Durliat se sont installés chacun à un piano pour une trilogie d’oeuvres intenses, symbolistes et qu’ils ont immensément travaillées. D’abord les «nuages» aux ornements très précis et avec certaines inspirations extrêmes-orientales, les «Fêtes», elles commencent sur un tempo ultra-rapide flirtant parfois avec la fanfare, et scellent la complicité des deux solistes. Enfin, joueuses taquinant le jazz, les «Sirènes» finissent de nous impressionner.
Pour jouer Ravel lui-même dans sa Valse pour deux pianos (1920) aux accents grinçants d’après les tranchées, Philippe Hattat rejoint Gabriel Durliat. L’oeuvre est d’autant plus étonnante et marquante, qu’elle est un hommage, mais aussi déjà une sorte d’apothéose et d’adieu à une tradition essentielle de l’Empire Austro-Hongrois. On oublie un temps qu’il n’y a «que» deux pianos et on entend tout un orchestre ! Les deux solistes sont à la fois expressifs, puissants et élégants ; ils parviennent à causer une montée constante de tension et de beauté qui emporte la salle.
En bis d’intermède les trois pianistes de la première partie sont complétés par un quatrième pianiste, Kojiro Okada qu’on retrouvera en deuxième partie. Et ils nous maintiennent dans le « K und K » d’un point de vue français, avec une marche hongroise de Berlioz où il n’y a plus de gravité et de grincement, mais juste un entraînement joyeux et franc.
Après une coupe de champagne dans la verdure, l’heure est venue du Concert pour piano, violon et quatuor à cordes en ré majeur de Chausson. Les six musiciens entrent en scène, avec en premier chef, pour cette œuvre écrite en 1890 pour Eugène Ysaÿe, le violoniste Augustin Dumay. C’est Kojiro Okada au piano qui lance le premier mouvement «décidé» où l’on entend peut-être un peu trop faiblement le violon. Le quatuor formé par Omer Bouchez, Vissily Chmykov, Paul Zientara et Maxime Quennesson brille dans la Sicilienne où le violon leur répond avec cette douceur si singulière que l’on trouve dans cette œuvre marquante de la musique de chambre. Le troisième mouvement «Grave» est extrêmement intense et émouvant, tandis que le finale nous emporte dans un tourbillon. En bis les musiciens nous redonnent encore un peu de Chausson ce qui nous permet de nous immerger encore plus en profondeur dans cette œuvre qui augure du meilleur en ouverture de cette 29e édition du Festival de Pâques de Deauville qui a lieu désormais vendredi, samedi et dimanche après-midi jusqu’au 25 avril.
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c) Claude Doaré