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Concert de gala des 30 ans du Verbier Festival : un hommage festif à la musique et à la nature

par Hannah Starman
le 26.07.2023

Ce 24 juillet, devant une Salle de Combines comble, le fondateur du Verbier Festival, Martin Engstroem, a réuni les superstars du classique autour d’un programme conçu pour nourrir le dialogue et célébrer la musique. Les artistes d’horizons variés, musiciens, acteurs, écrivains et peintres, mais aussi une splendide vache valaisanne, nous ont offert une somptueuse fête, du grand répertoire aux couleurs locales.

 

 

Première partie : 10 Préludes op. 23 de Serguei Rachmaninov

 

Pour cette première partie des festivités, deux pianos trônent sur le plateau. L’un, illuminé, l’autre plongé dans le noir. Afin de permettre l’exécution fluide des Préludes, les pianistes s’installent dans l’obscurité et commencent à jouer dès que le projecteur se braque sur eux. Les spectateurs sont priés de ne pas applaudir entre les préludes. Cet arrangement est efficace pour dérouler un programme aussi ambitieux dans le temps imparti, mais potentiellement hasardeux pour les musiciens qui doivent se repérer dans le noir. Sans incident, Alexandre Kantorow, Evgeny Kissin, Mao Fujita, Mikhaïl Pletnev, Yefim Bronfman, Kirill Gerstein, Alexander Malofeev, Lucas Debargue, Daniil Trifonov et Yuja Wang se succéderont aux pianos pour interpréter les 10 Préludes op. 23.

 

 

Rachmaninov composera ses 10 Préludes op. 23 entre 1901 et 1903, une période prolifique dans la vie du compositeur, fraîchement marié à sa cousine germaine Natalia Satina. Les mariages consanguins étant interdits par l’Église orthodoxe, le couple a eu besoin d’une autorisation spéciale du Tsar pour se marier. Le mariage a eu lieu le 29 avril 1902 dans une caserne militaire et leur première fille, Irina Rachmaninova, naîtra le 9 juin 1903.

 

L’ensemble de 10 Préludes compte parmi les plus belles œuvres pour piano du compositeur. Explorant « la capacité technique, tonale, rythmique, lyrique et percussive du piano » (Anthony Lamagra), Rachmaninov composera une suite d’une durée d’exécution d’environ trente minutes (deux à cinq minutes par morceau) qui se prête bien au format choisi par les organisateurs du gala. Les meilleurs pianistes au monde interpréteront ainsi l’œuvre qui marque l’apogée de l’écriture romantique russe : le triste et intérieur Prélude n°1 (Kantorow), l’expressif et dynamique n°2 (Kissin), le solennel n°3 (Fujita), l’introspectif et nocturne n°4 (Pletnev), l’obsédant et difficile n°5 (Bronfman), le passionné n°6 (Gerstein), l’impétueux et virtuose n°7 (Malofeev), le fantaisiste n°8 (Debargue), le capricieux et périlleux n°9 (Trifonov) et le lyrique n°10 (Wang).

 

 

Lorsque les dix interprètes se réuniront sur scène pour saluer le public enthousiaste, on remarquera avec regret que la crème de la crème du piano mondial, présente à Verbier ce soir, ne compte dans ses rangs qu’une seule femme, la pianiste vedette chinoise, connue autant pour sa virtuosité que pour ses tenues audacieuses.

 

Deuxième partie : Variations Goldberg de Johann Sebastian Bach, transcription pour cordes par Dmitri Sitkovetsky

 

Au retour du premier entracte, Martin Engstroem annonce la deuxième partie du programme : les Variations Goldberg de Bach. Adoptant le même format clair-obscur, les ensembles de musiciens dans les différentes configurations de cordes et quelques pianistes, parmi lesquels le pianiste jazz Brad Mehldau, se succéderont littéralement sous les feux des projecteurs pour jouer les trente variations.

 

 

Depuis leur publication en 1741, les Variations Goldberg sont devenues un monument de la musique occidentale, en grande partie grâce à l’enregistrement emblématique de Glen Gould de 1956. Ledit enregistrement lance la carrière internationale du jeune Gould, mais surtout, introduit dans le répertoire classique cette série de trente variations jusqu’à lors considérée comme trop ésotérique et techniquement complexe. La musique est construite de manière symétrique. Elle ouvre avec une Aria introductive lente et ornée qui inspire les trente variations qui s’enchaînent avant de clore le cycle avec une réitération de l’Aria. L’œuvre est riche en formes, harmonies, rythmes et raffinement technique basé sur l’écriture contrapuntique. Selon la légende, Bach aurait composé les Variations pour que son élève estimé Johann Gottlieb Goldberg puisse distraire le compte Herman Karl von Keyserling pendant ses insomnies avec des mélodies limpides. L’authenticité de ce récit est fortement contestée, même si Goldberg, qui était un claveciniste virtuose, les a certainement interprétées.

 

 

L’idée de faire jouer les Variatons Goldberg par des ensembles de vedettes internationales qui n’ont sans doute pas eu le temps de répéter et n’ont pas forcément l’habitude de jouer ensemble, rassemblés sous les feux de la rampe comme dans une sorte de speed-dating musical, est audacieuse et inspirée. Le format nous donne l’occasion de revoir les frères Capuçon jouer ensemble et les spectateurs apprécient également l’occasion d’entendre de célèbres chefs d’orchestre jouer avec leurs archets. Dans la joie et la bonne humeur, Klaus Mäkelä reprendra ainsi son violoncelle, Mathieu Herzog son alto et Lahav Shani la contrebasse, instrument dont il n’avait pas joué en public depuis ses débuts dans l’Orchestre philharmonique d’Israël. L’Aire de clôture, magistralement interprétée par le tout jeune prodige de piano, le Géorgien Tsotne Zedginidze de 14 ans, a déclenché une salve d’applaudissements et une standing ovation pour tous les musiciens réunis sur le plateau.

 

Troisième partie : Rossini, Saint-Saëns, Hazzell, Strauss et Bernstein

 

Dans cette troisième et dernière partie des festivités pour les 30 ans du Verbier Festival, les organisateurs nous ont concocté un assemblage divertissant d’œuvres classiques et populaires avec, comme plat de résistance, un splendide Carnaval des animaux valaisans revisité à la couleur locale. Les spectateurs se délecteront de l’unique opportunité de voir Isabelle Huppert se voler la vedette par une vache d’Hérens.

 

Le baryton américain Thomas Hampson et le baryton-basse gallois Bryn Terfel, accompagnés par Lahav Shani au piano chanteront le Duo des chats attribué à Rossini, une pétillante parodie d’amour félin. Le morceau, dont les seules paroles consistent dans la répétition de « miaou, » a été initialement écrit pour deux sopranos et fameusement interprété par Natalie Dessay et Camille Dalmais. Hampson et Terfel miaulent, ronronnent, se griffent et se réconcilient avec une telle conviction que Lahav Shani quitte son piano pour apporter son grain de sel à la pagaille et le résultat est positivement tordant.

 

 

Après cette mise en bouche, le programme poursuit la thématique animalière avec le Carnaval des animaux Valaisains. Camille Saint-Saëns composera la suite de quatorze tableaux intitulée Carnaval des animaux en Autriche au début de 1886 pour un concert de mardi gras. L’œuvre, destinée à faire rire, sera créée le 9 mars 1886 et rejouée le 2 avril 1886. A la demande du compositeur, le Carnaval ne sera plus exécuté en public de son vivant. A l’exception de la pièce Le Cygne, exclue de l’interdiction, il faudra attendre jusqu’en 1922 pour l’entendre à nouveau dans son intégralité. Pastiche musical rassemblant des citations à Rameau, Berlioz, Mendelssohn, Rossini, mais aussi aux chansons enfantines, le Carnaval se prête bien à l’adaptation locale que nous propose l’équipe artistique.

 

 

L’actrice suisse Marthe Keller, la soprano américaine Barbara Hendricks et l’actrice française Isabelle Huppert lisent le texte d’accompagnement du scénariste suisse Antoine Jaccoud pour introduire le tableau suivant. La lecture se fait avec moins d’animation que l’on aurait souhaité, sans doute aussi parce que le texte n’est pas des plus inspirants. Seule Isabelle Huppert semble s’amuser en déclamant les reparties ingénues de Jaccoud, par exemple, « Ca fait du monde qui regarde du monde » ou « Je t’aaaiiime, loup ! » Les introductions aux tableaux évoquent la faune de la région : loup, vache, chèvre, chevreuil, chocard, papillon, truite, etc. Le clarinettiste vedettes suédois, Martin Fröst, arborant un masque à plumes, restitue avec beaucoup d’humour les chants des oiseaux et sur l’écran au fond de la scène, les images d’animaux oniriques, réalisées par l’artiste-réalisatrice Sandra Albukrek, illustrent à la fois la musique de Saint-Saëns et le texte de Jaccoud. Pour bien montrer que l’on ne lésine pas sur les moyens, les organisateurs feront également défiler Arnica, une magnifique vache d’Hérens, espèce valaisanne utilisée dans les « combats des reines, » pratique inscrite comme tradition vivante en Suisse. Avec autant de commotions autour du plateau, on peine parfois à se concentrer sur la superbe interprétation de la musique du Carnaval par le Verbier Festival Chamber Orchestra, dirigé avec habilité et esprit par le charismatique Mathieu Herzog.

 

 

Le spectacle se poursuit avec un medley de cinq chansons populaires dans un arrangement de Chris Hazell, interprétées par le baryton américain Thomas Hampson (Shenandoah), le baryton allemand Matthias Goerne (Am Brunnen vor dem Tore), le ténor français Benjamin Bernheim (Quand on a que l’amour), le baryton-basse gallois Bryn Terfel (All through the night) et la soprano américaine Barbara Hendricks (Sometimes I feel like a motherless child). L’équilibre entre le Verbier Festival Chamber Orchestra, dirigé par Christophe Eschenbach, et les interprètes, n’était pas toujours au rendez-vous et à l’exception de Goerne et Terfel, ainsi que de Hendricks qui chantait a capella, les voix ont été inondées par l’orchestre. Mais cette petite frustration sera vite balayée par le morceau suivant, la Polka hongroise op. 332 de Johann Strauss II, dirigée avec une désarmante félicité par le violoniste et chef d’orchestre hongrois Gábor Takács-Nagy.

 

 

Pour clôturer cette fastueuse soirée de divertissement aux accents hollywoodiens, le Verbier Festival Chamber Orchestra, auquel se joindront les invités prestigieux (les frères Capuçon, Lahav Shani, Daniel Hope, Martin Fröst, Mathieu Herzog), dirigé par Klaus Mäkelä, nous offrira une Ouverture de Candide de Leonard Bernstein débordante d’énergie et de joie chaotique. Les applaudissements retentiront et les spectateurs bondiront de leurs fauteuils comme un seul homme, pour remercier les artistes réunis sur le plateau, mais aussi sans doute pour regagner au plus vite leurs chalets après quatre heures de festivités.

 

Visuels : © Lucien Grandjean